Séance pour reculer le seuil anaérobie, pour routards et traileurs

Voici une séance destinée à tous ceux qui veulent agir positivement sur le seuil anaérobie.
Pour les pistards et routards, elle peut se courir aux allures (et chronos), pour les traileurs, elle peut se faire également en respectant des zones de fréquences cardiaques.

le seuil ou les seuils

Petit rappel physiologique, le seul anaérobie est une donnée physiologique importante pour la programmation des entraînements.

On l’appelle également seuil ventilatoire 2 (c’est en effet le début d’une hyperventilation) ou seuil lactique (l’acide lactique, produit de la glycolyse, se décompose en lactate et en ions H+ responsables de l’acidose musculaire).

Plus ce seuil est élevé en termes de pourcentages de VO2max ou de vitesse maximale aérobie, plus l’athlète est capable d’évoluer à des vitesses ou intensités élevées en produisant un minimum de déchets métaboliques.

Pour les traileurs (et notamment les pratiquants d’ultra-trail) qui pensent que le fait d’évoluer à des intensités basses en course les dispensent de travailler au seuil, rappelons que les côtes (et l’altitude) sollicitent fortement la filière anaérobie via l’utilisation des fibres rapides, dites glycolytiques. Il est donc opportun de reculer ce seuil pour augmenter son amplitude de travail aérobie.

Une séance à faible amplitude aérobie et courte récupération

Voici un cas concret de séance pour une athlète traileuse dont la VMA est d’environ 19,5 km/h.

La séance consiste après échauffement complet en la répétition de 10 x 3 minutes à 17 km/h (soit ~87% de VMA), avec récupération de 1 minute à 12 km/h.

Données de la séance avec distance, allure et FC moyenne

Concrètement, l’athlète a évolué entre 17.4 et 18 km/h (séance réalisée à plat sur piste) sur les 3 minutes et entre 12 et 13 km/h pour les récupérations, soit à des allures supérieures à celles prévues.

Les intensités sont donc comprises entre 89 et 92% de la VMA. Rappelons que le seuil anaérobie est statistiquement évalué à 85%, mais que les athlètes élites peuvent se targuer de seuils autour des 90%.

Regardons à présent les données de fréquences cardiaques. Elles sont très utiles car elles vont permettre par la suite de déplacer la séance en terrain spécifique, là où les allures perdront leur sens et leur utilité. Il est donc essentiel de coupler les FC aux intensités.

Sur les 3 minutes, en termes de fréquences cardiaques de réserve (qui rappelons-le sont corrélées aux intensités aérobies), l’athlète a évolué entre 85 et 92%, ce qui colle parfaitement aux intensités en termes de vitesse. On observe une dérive cardiaque en fraction (175 à 187) et en récupération (160 à 167).                                                                                                                    

Les FC avec dérive en fraction comme en récupération

L’intérêt d’une récupération courte et relativement active est de maintenir l’athlète à des intensités relativement élevées (75 à 80%). Ainsi, il atteint plus rapidement le seuil et stimule les réactions physiologiques inhérentes à cette zone particulière.

De même, ce type de séance développe avantageusement la consommation maximale d’oxygène. La difficulté pour l’athlète ou l’entraîneur est le bon choix des vitesses. On peut miser pour une première séance sur 85% de VMA.

Quelle évolution ?

On peut faire évoluer cette séance de différentes manières. On peut jouer sur le volume ou sur les intensités et les durées en fractions et en récupérations…

Voici quelques exemples concrets :

  • Passer de 10 à 12 répétitions
  • Passer de 3 minutes à 3’15 puis 3’30
  • Pincer la récupération (1min à 50s)
  • Augmenter la vitesse (ou les intensités des fractions) de 17 à 17.5 km/h
  • Augmenter la vitesse de récupération (12 km/h jusqu’à 14 km/h, progressivement)

Et puis comme nous l’avons dit précédemment, on peut passer du plat au terrain accidenté, plus spécifique pour les coureurs en montagne et les traileurs. Là, ce sont les fréquences cardiaques qui donneront les repères d’intensité.

La difficulté est que l’athlète est en prise pendant toute la séance (48 minutes ici) puisque la récupération est courte et donc rapidement incomplète. Même si les durées de fraction s’apparentent à de la VMA, le nombre de répétitions et l’intensité moyenne en font bien une séance de seuil. À tester !

8 réactions à cet article

  1. Bonjour
    C’est bien beau tout ça, mais sur quelle base scientifique pouvez-vous prétendre que s’entrainer au seuil ou autour du seuil recule le seuil ?
    « Les intensités sont donc comprises entre 89 et 92% de la VMA » : pourquoi ces intensités ?

    Pour info, reculer le seuil, c’est rendre le système aérobie plus performant afi de reculer le moment où il est débordé par le système anaérobie, et ça ne se fait pas à coup de séances au seuil qui créent de la fatigue et réduisent juste le volume d’entrainement.

    Il faudrait donc a minima baser votre article sur de solides et variées références scientifiquement montrant (si vous en trouvez) qu’on recule le seuil anaérobie en travaillant à cette intensité régulièrement au lieu d’aller faire une sortie longue à intensité plus basse.
    Les grosses études statistiques sur les entrainements des champions montrent qu’ils travaillent avec un gros volume bien au-dessous du seuil anaérobie et qu’ils ajoutent à l’approche des compétitions des intensités bien plus intenses que le seuil anaérobie. Il y a donc justement un trou dans ce type d’intensité (autour du seuil) et partir du présupposé inverse et écrire que ça serait en travailler au seuil qu’on améliorerait sa vitesse au seuil, c’est étonnant quand on connaît un peu les études de Seiler et autres.

    Mais je lirai avec attention toute rectification et éclaircissement.
    Bonne continuation.

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    • Bonjour, je ressens un peu agressivité ou de défiance dans vos propos, ce qui me semble déplacé quand nous parlons d’entraînement sur un support qui se veut bienveillant. En matière de physiologie comme d’entraînement, je ne connais pas de vérité absolue, c’est ce que mes pairs m’ont appris.
      Premièrement, les articles écrits pour la société Lepape sont des articles de vulgarisation et non des publications scientifiques référencées. L’article en question décrit une séance pour une athlète précise. Donc les intensités correspondantes (89-92% VMA) lui sont propres, le seuil anaérobie étant une valeur très variable selon les individus et leurs qualités aérobies/anaérobies (c’est d’ailleurs précisé dans l’article).
      Vous citez Seiler, très bien. Mais cet auteur ne dit pas que l’on ne travaille qu’à basse et à haute intensité. Il dit simplement ou plutôt il constate que la majorité des séances se font à basse intensité, une moindre partie à haute intensité, et une plus petite partie (quelques %) autour du seuil. Cela correspond à de l’entraînement polarisé tel que nous l’avons déjà décrit ici, avec une forte prédominance (~80%) pour le travail aérobie dit de basse intensité. C’est vrai que le travail à basse intensité améliore (paradoxalement ou pas) de nombreux paramètres physiologiques dont le VO2max, tout comme le travail anaérobie améliore la capacité aérobie (mis en évidence depuis Essen, 1977, et confirmé par de nombreuses études sur l’HIIT). Mais ce n’est pas pour cela que le travail au seuil est inutile. Les travaux de Préfaut, Wilmore et Billat entre autres montrent l’importance de la détermination de ce seuil et son utilisation. L’amélioration du système tampon par les ions hydrogénocarbonates et la métabolisation du lactate (navettes de Brooks et Mercier, 1986, 1996) se fait plus avantageusement quand on travaille à cette intensité relative plutôt qu’à toutes les autres, tout comme le RE s’améliore aux intensités
      Vous semblez vous référer uniquement à l’entraînement des élites et je considère (par expérience) que c’est une erreur. Toutefois, dans cette revue de littérature qui s’intéresse aux élites (The Training Characteristics of World-Class Distance Runners: An Integration of Scientific Literature and Results-Proven Practice. Thomas Haugen, Øyvind Sandbakk,Stephen Seiler, and Espen Tønnessen) vous trouverez dans la répartition des séances et zones de travail, des séances au seuil 2, sous différentes formes.
      Ensuite, vous prétendez que les séances au seuil fatiguent l’organisme. Certes, elles fatiguent plus qu’une séance à 60% VMA/PMA, mais elles sont bien moins nombreuses et cela reste subjectif. Donc il ne s’agit pas comme vous dites de travailler à coups de séances au seuil. Nous avions montré (A pilot study on quantification of training load: The use of HRV in training practice. Saboul D, Balducci P, Millet G, Pialoux V, Hautier C Eur J Sport Sci,) que certains athlètes sont plus impactés au niveau du SNA (un des moyens de quantifier une fatigue) par un entraînement à VMA que par un entraînement au seuil. D’autres vous diront que ce sont les sorties longues à basse intensité qui impactent négativement l’organisme. Certains entraîneurs comme JC Vollmer manient avec précaution ces sorties longues (Objectif Marathon. Ed du chemin des crêtes) et je suis en parfait accord avec lui.
      Enfin, vous parlez de volume d’entraînement. Le volume n’est qu’un paramètre de la charge largement décrite par Foster et utilisée par les entraîneurs toutes disciplines confondues. Ne parler que de volume est une erreur car c’est la combinaison du volume, de l’intensité, de la spécificité et de la fréquence des exercices qui va créer les adaptations recherchées. Le calcul de la monotonie et par suite de la contrainte montrent dans de nombreux cas que ce sont les sorties longues à basse intensité qui sont parfois improductives. Vous voyez, la critique est facile si on se base uniquement sur un écrit.
      Enfin pour conclure, car nous pourrions y passer des heures, il n’y a pas de vérité collective mais uniquement des approches individuelles qui doivent prendre en compte une multitude de paramètres (expertise, passé sportif, anthropométrie, objectifs, technique, habiletés mentales…). A partir de là, l’entraîneur doit faire des choix. Rien ne vous oblige à travailler au seuil et c’est d’ailleurs un débat tout à fait intéressant selon les disciplines (piste, route, trail). C’est une question que je me pose continuellement en tant que chercheur mais surtout en tant qu’entraîneur, et les réponses sont individuelles. mais on ne juge pas le travail d’un entraîneur à partir d’une séance sortie de son contexte. MERCI pour votre intervention qui aura permis d’introduire les travaux de Seiler et de poser la problématique du travail au seuil. Cordialement

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      • …tout comme le RE aux intensités ou allures cibles.

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    • Lionnel, déjà d’une comme le dit monsieur Balducci vous utilisez un ton « donneur de leçon » qui est très déplacé. Et de deux vous donnez des leçons sur de mauvaises interprétations de votre part. Seiler n’a jamais dit « travaillez soit à très basse intensité soit à très haute, et surtout ne travaillez jamais au seuil ». C’est une très mauvaise interprétation. La seule certitude qu’on peut avoir (et on en a peu en entraînement) c’est que la très grande majorité de l’entraînement se fait à basse intensité.
      Ensuite ce qu’on fait au delà de SV1 (des lors qu’on rentre dans de l’intensité) cela dépend de plein de paramètres, de la spécificité du sport ou de la compétition cible, du profil de l’athlète, de ce qu’on souhaite développer à un moment de la saison… pour cela il existe des modèles dont les plus répandu : le modèle polarisé et le modèle pyramidal. Un skieur de fond, de par la spécificité de son sport, avec des côtes courtes et donc un effort très saccadé, utilisera certainement plutôt un modèle polarisé à l’approche de des compétitions (mais rien ne l’empêche d’utiliser un modèle pyramidal en début de saison par exemple), à l’inverse un marathonien qui est sur un effort monétaire et très constant adoptera plutôt un modèle pyramidal proche compétition (idem rien ne l’empêche d’utiliser un modèle polarisé en début de saison pour développer le moteur).
      Ce n’est pas pour rien que les skieurs de fond ont les meilleurs VO2Max et les marathonien les meilleurs fractions d’utilisation (car il développent leur seuil grâce à des modèles pyramidal, ils sont capables de courir un marathon à 94% de VO2Max ce qui est juste stratosphérique.
      Travailler au seuil pour développer le seuil cela fait sens d’un point de vu physiologique. Apprendre à réutiliser le lactate, à jouer avec la balance production-clairance de lactate, cela se fait à dés intensité proche de SV2 ou juste en dessous, où il y a justement cette production de lactate dans des états encore relativement stables

      Je fini en vous citant : « Les grosses études statistiques sur les entrainements des champions montrent […] et qu’ils ajoutent à l’approche des compétitions des intensités bien plus intenses que le seuil anaérobie ».
      Je n’ai jamais rien lu d’aussi faux…Kipchoge et les meilleurs triathletes norvégiens font tous du seuil du seuil et encore du seuil à l’approche des compétitions. Tout l’inverse de ce que vous dites et pour les raisin citées plus haut.
      Relisez donc Seiler, formez vous (faites de la physio vous digérerez mieux vos lectures car vous semblez vous mélanger les pinceaux), et surtout n’hésitez pas ensuite à venir débattre avec bienveillance sur ces sujets passionnants où il y a peu de certitudes et aucune méthode miracles, plutôt des personnes passionnées qui aiment échanger et transmettre. On peut remettre en doute un point de vue, ou confronter le sien, avoir un avis ou une façon de faire différente, mais pas donner de leçons, encore moins quand on y comprend rien

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  2. Bonjour M. Pascal Balducci, je suis en réaction au commentaire inutilement agressant de Lionel, et j’admire la retenue de votre réponse. Quant a moi je suis toujours a l’affut de vos écrits dans Lepage Info. Je vous trouve extrêmement pertinent et très bien documenté. C’est toujours un plaisir de vous lire. Ne nous laissons pas décourager par tous les Lionel de ce monde et encore merci pour votre travail.

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    • Bonjour. Merci beaucoup. C’est vrai qu’il y a des manières de s’exprimer qui me dépassent.
      Bonne journée à vous.

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  3. Bonjour Pascal

    Je vous écoute régulièrement sur divers supports. Merci pour tout, vous êtes génial. Continuez ainsi à nous informer, vous êtes très pédagogue et vos connaissances, basées sur sur l’ebp nous sont si précieuses.
    Encore merci

    Pierre

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