Sarah Vieuille : hasard ou destin ?

A 30 ans, Sarah Vieuile est certainement la membre de l’Equipe de France de trail la moins connue. Découverte d’une athlète qui refuse de se prendre au sérieux.

Sarah Vieuille

Le nom de son club ? « Le Tr’Ailleurs », ou tout simplement une association de coureurs qui se croisaient sur les chemins autour de St Dié des Vosges et qui ont eu envie de créer une petite structure. Un club qui a organisé, cette année, son premier trail avec 380 coureurs au départ sur deux tracés de 12 et 31 km.

Sa passion d’origine ? La natation avec une fréquentation assidue des plots en compétition durant 10 ans. Spécialité dos et brasse.

Son objectif ? Prendre du plaisir et évacuer la pression.

Cette athlète atypique, qui a, sans aucun doute, un fort potentiel, a obtenu sa sélection en équipe de France de trail en se classant quatrième des derniers championnats de France disputée à Buis-les-Baronnies, le 14 septembre 2014.

En ce jour, une porte s’est entre-ouverte, Sarah Vieuille s’y est glissée sans même le savoir. « Je suis venue sur ces championnats car j’avais une revanche à prendre. En 2013, l’Athletic Vosges Entente Clubs cherchait une représentante pour les championnats et m’avait sollicitée pour que je porte leurs couleurs. J’avais dit oui, je termine 7e. En 2014, ils m’ont redemandé, j’ai accepté. »

Ne suivant pas forcément l’actualité des courses et n’ayant aucune prétention autre que celle de prendre du plaisir et d’aller le plus « vite possible », Sarah est au départ sans rien savoir. Elle termine sa course et rentre chez elle… C’est en ouvrant sa boite mail, en lisant ses textos et son mur Facebook qu’elle apprend qu’elle est sélectionnée. Quelques jours plus tard, Philippe Propage, manager de l’Equipe de France de trail, lui téléphone et lui confirme la nouvelle.

Hasard ou destin. La voici en équipe de France. C’est un peu comme pour sa carrière professionnelle. Jeune, Sarah veut devenir vétérinaire mais ne supporte pas l’ambiance dans les écoles préparatoires. Elle tente la Belgique, fait un an de cursus mais prend conscience que la réalité est bien loin de son rêve de petite fille. Elle s’oriente alors vers des études de physique chimie et entre dans un IUT à Lille avant de faire 3 ans dans une école d’ingénieur à Rennes. Pour ses stages, la voici au Canada et en Espagne puis en quête d’un nouveau stage en entreprise qui doit être d’une durée de 6 mois. « Je voulais travailler pour une société plutôt orientée vers le bio dégradable et je suis arrivée à St Dié des Vosges.  »

Pour la jeune bordelaise, c’est la déprime. En plein hiver, elle découvre une région froide, n’a aucun repère ni aucune connaissance. Depuis quelques années déjà, elle court à défaut de pouvoir nager régulièrement « C’est mon élément mais pendant plusieurs années, je n’arrivais pas à y aller car je ne nage plus comme avant. Maintenant, ça va mieux, j’y vais au moins une fois par semaine « . La course à pied comme depuis toujours lui permet surtout d’évacuer le stress et la pression « C’est mon plus gros défaut. Je me suis toujours mis la pression, surtout dans le cadre de mes études. Mais j’ai beaucoup de mal à la gérer. La course à pied aide, le sport en général. « 

Sarah VieuilleLors de ses débuts à Saint-Dié, ses collègues s’habituent à la voir courir puis une adepte lui propose de venir découvrir les forêts aux alentours.  « C’était trop beau.C’est le début de ma rencontre avec le trail ». Elle intègre alors un petit groupe qui l’initie au ski de fond, au VTT… « C’est incroyable. Ici, tout le monde a les skis et les chaussures dans sa voiture et le VTT n’est jamais loin. Je les ai aussi maintenant ! Je me suis aussi mise l’alpinisme, au snow, au ski de rando. Tous les jours, on fait quelque chose et ce en toute saison. J’attends toujours la neige avec émotion. J’ai d’ailleurs fait mon premier trail sur la neige en 2011, sur le trail blanc des Vosges ! »

De fil en aiguille, Sarah découvre un nouveau mode de vie. Séduite, la Bordelaise, qui avoue que « ce ne fut pas facile » parle maintenant avec passion des Vosges. Elle aime indiscutablement « ses » montagnes, son cadre de vie.

Du stage de 6 mois effectué à Saint-Dié, il n’est rien ressorti mais pour Sarah il n’était pas question de partir. Une petite annonce attire son attention. « Le collège avait un poste vacant en physique chimie et cherchait des candidats. J’ai postulé. Un entretien et trois jours après, j’étais dans une classe face à mes élèves.”

Un hasard ? Un destin ? Toujours est-il que la jeune femme aime enseigner. Elle apprend tous les jours, dévore les manuels, se forme et après cinq ans vient d’obtenir son Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré). « C’était ma priorité cette année. J’avais eu les écrits l’an dernier mais pas les oraux. Je ne voulais pas échouer encore. J’ai bossé dur mais c’est fait. L’examen était pendant le stage de l’Equipe de France à Annecy, c’est pourquoi je n’y étais pas. »

De fait, elle ne connait personne ou presque. « J’ai dû les croiser mais je pars toujours dans le peloton, jamais devant avec les élites ce qui fait que personne ne me connait. Je n’ai jamais pensé pouvoir intégrer l’Equipe de France. » Qui plus est, après des années à s’être mis la pression pour ses études, Sarah veut tenter de ne plus s’en remettre. « Déjà que chaque veille de course j’ai une boule au ventre alors si je me mets à penser à une place… En plus je suis un diesel, il me faut au moins une heure pour trouver mon rythme de course. Je fais ma course et puis on voit au classement, dans cet ordre et pas dans l’autre. »

Ce qu’elle aime ? Courir peinarde dans ses forêts en prenant un dossard dès que l’occasion de présente. « J’aime courir seule, mais aussi y aller avec les copains, je ne me prends pas la tête avec des plannings ou des stratégies de course. Mais je suis sérieuse. Je fais tous les jours quelque chose et je sors quatre fois par semaine en course à pied avec des durées de sorties variables. J’ai allongé un peu ces dernières semaines… »

« Je cours, je pédale, je nage, j’aime tous les sports »

Sa pratique multiple et son amour des trails lui valent quelques désagréments avec une fracture du bras en ski de rando l’an dernier et de nombreuses fractures de fatigue dont une, en janvier dernier. « J’ai voulu changer mes méthodes d’entraînement en prenant un plan mais ça ne m’a pas convenu. Je n’ai jamais fait de séances de qualité, pris un chrono, un GPS ou un cardio pour m’entraîner. Je cours, je pédale, je nage, je fais du ski l’hiver sous toutes ses formes et de l’alpinisme. Cela contribue à mon équilibre et à ma forme mais me mettre des contraintes, c’est perdre ma liberté et mon plaisir.

Sarah Vieuille
A St Dié des Vosges, Sarah Vieuille n’est qu’à quelques minutes de sa forêt et s’élance depuis chez elle

Et l’Equipe de France dans tout cela. « C’est…. Je suis super excitée, super contente, fière, mais…. Comment gérer sans me mettre la pression ? Je m’en suis tellement mise pendant mes études que je ne supporte plus d’en avoir. Tout le monde ne me parle que de ça, les mondiaux, les mondiaux, les mondiaux…. Les membres de l’Equipe de France pour moi, ce sont des championnes et champions que je vois dans les magazines, sur internet. Je n’ai jamais pensé les approcher, alors être en équipe de France avec eux… Sachant qu’en plus, je n’ai pas pu faire les regroupements. Ils ne me connaissent pas, je ne les connais pas. Ils font pros tous, ils m’impressionnent. En plus avec ma blessure, si j’ai pu faire d’autres sports, je n’ai repris la course à pied qu’en mars et je n’ai jamais fait 80 km !  » 

Une fois encore, Sarah se retrouve dans une situation qu’elle n’a pas vraiment choisie. Encore cette histoire de hasard ou de destin qui semble dicter sa vie.

Alors dans les yeux de Sarah, il y a de l’envie et de la crainte. Un savant mélange d’angoisse, de fierté et d’excitation. Et toujours cette tentative de prendre du recul, tout en ayant conscience que « cette chance de porter le maillot national ne se présentera peut-être pas deux fois. » A Annecy, elle va donc tout faire pour être à la hauteur. « Je veux honorer ma sélection, je veux terminer mais je ne veux pas me blesser. On a un corps, il faut le respecter. Je ne vais pas jouer ma vie sur cette course, ce n’est pas ce qui me fait vivre. Je veux que le trail reste du plaisir. Je vais donc surtout jouer le classement par équipe. Lorsque je faisais de la compétition en natation, c’est toujours les compétitions que je préférais. Je vais défendre ma place, je ne veux pas être remplaçante, je vais me battre. »

Un discours et des paradoxes, à l’image de Sarah qui aime le sport avec passion, adore gravir ses montagnes, donner le meilleur d’elle-même, ne pas se mettre tout en voulant absolument tenir son rang et honorer le maillot. Son compagnon, cuisinier dans un nouveau restauran,t est aussi un traileur, « il va plus vite que moi, c’est un ami de Julien Rancon, c’est d’ailleurs lui qui lui fait ses plans. »  Julien, membre de l’Equipe de France… Ou quand le hasard frappe encore à sa porte.

Le 30 mai 2015, Sarah sera donc à Annecy-le-Vieux toute de bleu vêtue et réalisera peut-être, enfin, que c’était son destin.

Sa carte de visite

Taille : 1.60m
Poids : 54kg
Profession : Enseignante en Physique Chimie
Lieu de résidence : Saint Dié des Vosges

Son palmarès

2014

Vainqueur du Trail de Belfortrail : 54km
Vainqueur du Trail de la Montée du Wintersberg: 11.5km
Vainqueur du Trail de la Moselotte: 28km
Vainqueur Trail des Citadelles: 40km
Vainqueur l’Ultra Lozère Trail : 108km
Vainqueur du Trail Tour des Glaciers de la Vanoise: 72km
Vainqueur de l’Ubaye Trail Salomon: 42km
Vainqueur de l’Infernal Trail: 30km
3 ème au Trail du Petit Ballon: 50km
4 ème au Championnat de France de Trail: 62km

2013

Vainqueur de l’Ultra Trail des O plateaux de Madagascar: 60km
Vainqueur du Le Rush du Bout du Monde: 25km
Vainqueur du Trail du Kochersberg: 37km
Vainqueur du Trail du Pays des Horlogers: 37km
Vainqueur du Trail des Charbonniers: 19km
Vainqueur de l‘Infernal Trail: 72km
2 ème du Trail de la Moselotte: 25km
2ème du Trail des crêtes Vosgiennes: 33km
3ème du Trail du Petit Ballon: 49km
6 ème au Championnat de France de Trail: 57km

La galerie photos

 

Réagissez