Fabien Antolinos : quand le trail vous gagne

Amoureux du ballon rond et de la montagne, rien ne destinait Fabien Antolinos à parcourir les chemins en course à pied.  Aujourd'hui, il brille sur les sentiers et porte avec fierté les couleurs de l’Equipe de France.

Fabien Antolinos

La photo de l’Equipe de France de trail 2015 est au-dessus de son ordinateur et son début de saison a été uniquement orienté sur sa préparation pour les championnats du monde de Trail qui se dérouleront à Annecy-le-Vieux le 30 mai 2015. « Une sélection en Equipe de France, ça se respecte, ça s’honore. Je veux franchir la ligne d’arrivée en me disant que j’ai fait la préparation qu’il fallait, que j’ai fait la course idéale et que j’ai tout donné. Après le résultat… tout dépendra de la concurrence et des conditions de course. J’ai envie de faire mieux que ma sixième place lors de ma première sélection au pays de Galles lors des mondiaux et puis il y a un truc à faire en équipe. Je me souviens qu’en 2013, ça m’a aidé, je n’étais pas forcément très bien mais je me suis accroché pour aller chercher la médaille d’argent en équipe. Le groupe, ça permet d’aller chercher un peu plus loin. »
C’est avec un brin d’émotion que Fabien Antolinos évoque ses souvenirs et se projette au 30 mai 2015 avec une folle envie d’y être.

Le vice-champion de France de trail long à Gap en 2014 derrière Sébastien Spehler n’était pourtant pas destiné à arborer fièrement les couleurs tricolores. Jeune, c’est sur un terrain de football qu’il s’exprime, un numéro 6 avec trois poumons. En parallèle, il découvre la montagne et ses sentiers grâce à un instituteur. Au fil des ans une envie de plus en plus forte se fait sentir, il lui faut «grimper et gravir les sommets. »

Ses parents ne pratiquent pas mais laissent le jeune homme partir sac au dos et crampons aux pieds comme lors de ces 18 ans où il s’élance seul sur le GR20 en parcourant la Corse du nord au sud. « J’avais un sac à dos de 28 kg avec la tente et tout et tout. Aujourd’hui encore, je me demande comme j’ai fait… »

La montagne lui apprend la persévérance, la gestion de l’effort, l’humilité. Il parcourt le monde avec des sommets au Pakistan, en Equateur, au Chili, au Maroc. Le Mont-Blanc et le Kilimandjaro sont comme une évidence à son palmarès mais il lui manque « le Népal, La Nouvelle-Zélande et l’Alaska ». Depuis quelques années, une jeune femme l’accompagne, pas au sommet mais à ses côtés, c’est Virginie sa femme avec qui, il a deux enfants. Une « accro »  de l’athlétisme qui va l’amener à changer de vie et à quitter petit à petit les terrains de football pour les pistes. « Elle faisait du demi-fond, du cross et de l’heptathlon. Du coup j’ai testé, je me suis élancé sur toutes les distances du 100 m au demi-fond…  je me suis même mis à la perche ! »

Fabien Antolinos
Encadrement du cours de natation

Et la course hors stade ? Pas encore. Il faut des interclubs et un championnat de cross où il manque des représentants. « J’ai tout de suite aimé la fight qu’il y avait sur ce genre d’épreuves. Je suis d’ailleurs bien plus attiré par la confrontation que par le chrono. » L’amour des sommets est toujours plus fort que tout et ne l’incite pas à être sérieux à l’entraînement. « Des trois sports que je pratique ou pratiquais, ma vraie passion reste l’alpinisme. En course à pied, il ne faut pas croire, on n’a pas toujours envie d’y aller et je ne suis pas du genre à me lever à 5 h du matin pour caser une séance même si je sais que je n’aurais pas le temps dans la journée. Je ne suis pas un acharné de la course à pied mais j’ai horreur d’être sur le canapé, je n’y suis pas souvent d’ailleurs car je m’entraîne beaucoup, neuf fois par semaine en période intensive avec du bi-quotidien et une pratique qui va de la course à pied au vélo en passant par le gainage, la musculation… De toute façon, à la maison, les programmes Télé on ne connait pas et le soir, je préfère raconter une histoire à mes enfants, un rituel où je ne déroge pas. »

Devenu professeur d’Éducation physique, Fabien Antolinos s’investit dans son métier, « Je ne suis pas un copain, j’essaye de les amener sur le chemin de la progression et de l’amour de l’effort . Dans le même temps, il fréquente de plus en plus souvent le club de Décines (aujourd’hui Decines Meyzieu Athlétisme). Il passe ses diplômes d’entraîneur, prend en charge un groupe au club et décide de préparer un marathon. « C’était en 2006, à Lyon, sous des trombes d’eau, je termine en 2 h 35. Deux ans plus tard, ce fut à Annecy en 2 h 29, j’étais déjà mieux préparé. »

2008, victoire surprise sur la Saintelyon

En cette même année 2008, il participe à la première édition du Lyon Urban Trail où il termine deuxième derrière Julien Rancon, avant qu’un collègue lui dise « toi qui aime et fait de la montagne, pourquoi tu ne t’orientes pas vers le trail. Je vais sur le Trail de Faverges, viens avec moi. » Et ce qui devait arriver arriva, Fabien Antolinos termine deuxième.
2008, marque donc ses débuts en trail et lui donne envie de repartir d’autant qu’il a participé en « touriste ! Je venais de la route, je n’avais rien prévu. J’avais bien deux petites gourdes mais je les avais vidées car je trouvais ça trop lourd et puis j’avais vu qu’il y avait des ravitos. Mais lorsque l’on vient de la route, on ne sait pas que les temps de course se font en fonction du dénivelé. Entre les deux postes de ravitaillement, je crois que je n’ai jamais vu le temps passer aussi lentement. J’ai fait un hypo, je n’avais plus rien à manger et pas d’eau. Lorsque je suis arrivé au ravito, j’étais un ogre, j’ai mangé tout ce qu’il y avait. Après avoir été en tête, je me suis fait  doubler. Ce fut ma première leçon en trail. »

L’envie est là. Et en tant que Lyonnais, la Saintelyon lui tend les bras. Et plus que ça, puisqu’il crée la surprise et s’impose en 5h00mn10s devant Vincent Delebarre et Ludovic Pommeret.

2009, aurait dû lui permettre de continuer à jongler entre la route et le trail, mais en dehors d’un chrono en 1 h 12 sur semi-marathon « c’est ma seule participation sur la distance à ce jour », il doit jongler avec les blessures. « J’avais un syndrome des Loges, dès que je courais un peu vite c’était mort. ». Il faut vite tout oublier, se soigner et prendre une décision. « Je me suis dit, si tu veux persévérer, tu dois mieux gérer ton entraînement, faire plus d’étirements et plus de soins avec un kiné. » Et c’est reparti en 2010 avec une soif de course et toujours cette envie de la bagarre plus que d’aller chercher des chronos de référence sur la route. Mais il court trop et se blesse à nouveau. Alors Fabien Antolinos change ses protocoles et « commence à courir en montagne, ce que je n’avais jamais fait encore », puis intègre le vélo. Et le palmarès s’étoffe avec notamment une victoire sur la 6 000 D de La Plagne. Et déjà une envie d’intégrer l’Equipe de France pour les premiers championnats du monde de trail. « A l’époque malheureusement, il n’y avait pas de remplaçant, je suis resté à la porte. Cette année-là c’est Erik Clavery et Maud Gobert qui sont champions du monde. »

La victoire aux Templiers....
La victoire aux Templiers….

Le compétiteur, l’homme qui a besoin d’objectifs, pense alors aux Templiers. En 2011, il est 4e. En 2012, il remporte la couronne de laurier et s’il y a bien une photo à laquelle il tient, c’est celle là. Elle est là, accrochée dans l’escalier qui mène au premier étage de sa maison, à côté de quelques sommets qu’il a gravis.

2012 est un bon cru car en plus des Templiers, il accroche deux troisième place sur la 6 000 D à La Plagne et sur le 80 km de l’Eco trail de Paris, s’octroie deux victoires sur le Grand Trail du Limousin et Nivolet Revard et intègre l’Equipe de France. « Il y avait le regroupement mais pas de championnat du monde, ce qui nous permettait de courir un peu partout. C’est, cette année là, que nous avons couru Sierre Zinal avec l’Equipe de France, une course incroyable. Je me classe 25e. »

Mais l’année se termine avec une nouvelle blessure, une fracture du cartilage de la rotule lors de la saintelyon effectuée en relais. « Il a fallu que je me fasse opérer quelques semaines après,  l’année de championnats du monde ! C’est alors que j’ai pris un coach afin de travailler en musculation et tenter de revenir. Mais ce n’était pas mon année car j’ai aussi eu un problème respiratoire, je n’arrivais pas à m’en sortir. J’ai appelé le médecin de l’Equipe de France pour savoir ce que je pouvais prendre sachant qu’on était en mai et que les mondiaux arrivaient. Pendant 15 jours je me suis soigné, pas de course mais la reprise a été bonne et j’ai pu m’aligner aux pays de Galles.»

2014, année sans championnat, année où il est possible de se tester.  En 2013, sa deuxième place lors des championnats de France à Gap (première fois où la compétition se déroule sur un jour) lui assure sa sélection en Equipe de France pour les mondiaux 2015. Un coup de fil aux entraîneurs nationaux pour s’en assurer et le voilà repartie pour une nouvelle aventure. Car une envie le travaille : le Lyonnais veut de se tester sur l’UTMB. « Mais pour avoir le droit de prendre un dossard, il me fallait mes points. J’avais largement le compte en courses à deux points, mais il m’en manquait une à trois points. C’est la raison pour laquelle je m’étais inscrit sur l’Endurance Trail des Templiers 2013 (avec une nouvelle victoire à la clé, ndlr)». Il peut donc aborder 2014 en ne pensant qu’à la préparation de l’Ultra Trail du Mont-Blanc. « Un ultra autour d’un Mont que j’ai gravi plusieurs fois, par toutes les voies. C’est aussi un rendez-vous mondial, un cadre fantastique, un plateau de haut niveau,… tout ce que j’aime. »

La course se déroule bien dans un premier temps mais Fabien commet beaucoup d’erreurs. Il reste avec François d’Haene « J’avais de bonnes sensations et pas l’impression d’être trop rapide », mais ne prend pas son temps aux ravitaillements, oublie de soigner ses pieds pourtant abimés, casse son bâton et gère mal son alimentation et son hydratation au point de faire une hyper-hydratation et de trop manger. « Ce fut le voile blanc. J’étais 4e mais je savais que je ne pourrais pas terminer. A Champex, je suis resté quatre heures sans plus pouvoir bouger. » Un souvenir frustrant et une certaine envie de revanche lorsqu’il évoque sa mésaventure au point d’affirmer que cette année, il y sera encore. « J’ai compris, je crois…. Je veux m’y recoller tout en ne sachant toujours pas si cela me plaira mais qu’importe, c’est une course que je veux vivre en entier. Et puis, c’est un test car j’aimerais bien tenter la Réunion… Pourquoi pas en 2016… J’ai aussi aller d’ailleurs… avec la TransGranCanaria, Madère, la TransVulcania, le Lavaredo, de la Hardrock aux USA.. Il y a tant de belles courses. C’est du long terme mais cela permettrait aussi d’emmener les enfants… »

La course à pied, c’est l’école de la santé 

Pendant toutes ses années passées et à venir, une personne joue un rôle majeure. Celle qui l’a amené à fréquenter les pistes et à chausser des running : Virginie, sa femme. Passionnée d’athlétisme, elle est aussi professeure d’Education physique et entraîneuse au club de Decines, et s’est totalement investie dans l’aventure trail. « Sans elle, ce n’était pas possible. Elle fait mon assistance en course, elle regarde qui sont les favoris, s’occupe de mon Facebook et accepte les heures et les heures d’entraînement. Le conjoint ou la conjointe doit suivre dans ces aventures sinon ce n’est pas possible ni pour le couple ni même pour le compétiteur ou la compétitrice. »

Avec un mari au régime sans gluten « parce que même si je ne suis pas allergique je suis intolérant », Virginie compose les repas de « son » champion qui au fil des ans a appris à mieux manger, à structurer et varier ses entraînements, à protéger sa récupération et ses heures de sommeil « La course à pied, c’est l’école de la santé, ça vous apprend à être raisonnable, à ne pas vous mettre en danger, à comprendre que parfois vous n’êtes pas capable. Et le trail, c’est apprendre à gérer plusieurs paramètres. Ce n’est pas forcément celui qui aura la plus grosse VO2 qui va s’imposer mais celui qui saura être prêt, qui saura gérer sa course et faire les bons choix. Et enfin celui, qui, ce jour-là, se connaîtra plus que les autres. »

Et pour conclure:  « le trail, c’est comme la montagne, une leçon d’humilité. »

Sa carte de visite

Né le 26 avril 1977
Taille : 1,70 m
Poids : 63kg
Club Decines Meyzieu Athlétisme
Team Terre de Running

Son palmarès

2014

5ème K3 red Bull
Vainqueur Trail du Matheysin
2013
Fabien Antolinos, championnat de France de Trail 2015
Avec sa deuxième place lors des championnats de France de trail 2013 à Gap, Fabien Antolinos assure sa sélection pour les mondiaux de trail 2015

Vainqueur Endurance Trail Templiers

Deuxième par équipe Ultra Trail Vercors
Vainqueur Trail du Galibier
Vainqueur Nuit de la Saint Jean ( 42km)
2ème Trail de Douvres 21 km
2012
1er Nuit des Cabornes
1er les étoiles de Gimel
Vainqueur des Coursières du Haut du Lyonnais
2011
Vainqueur du Trail Michel Zahn
Vainqueur de la Nuit des cabornes
Vainqueur de la 6000D (manche du TTN)
2ème du Trail de la Vallée des Lacs (manche du TTN)
3ème du Pilatrail (manche du TTN)
Vainqueur du Trail des Passes Montagnes
Vainqueur de l’Ecotrail de Paris (manche du TTN)
4ème du Gruissan Phoebus Trail (manche du TTN)
Vainqueur des Coursières du Haut du Lyonnais
Quelques photos

4 réactions à cet article

  1. Excellent article. Athlète modèle !!

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  2. article complet sur l’homme et l’athlète, un exemple de réussite grâce au travail. Je souhaite à Fabien le meilleur pour la Maxi Race et l’UTMB…

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  3. Un gentlemen trailer !
    Je lui souhaite d’aller jusqu’au bout de ses rêves.
    Continue à nous transmettre ta passion.
    Amitiés.

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  4. Beaucoup trop court, je vous remercie pour ce regale passe sur votre site.

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