Arnaud Delpech croque la vie à pleines foulées

Courir le marathon de Boston 2016. Valider ses acquis en obtenant son CAP pâtisserie. Développer son restaurant avec sa femme. Et s'occuper de ses enfants. Le quotidien d'Arnaud Delpech est un savoureux mélange où cuisine et sport trouvent chacun leur raison d'être.

Arnaud Delpech

Il parle avec le même enthousiasme du point de fusion du beurre ou de son allure sur l’édition 2015 des Foulées de Vincennes (44mn36s à l’arrivée). Il passe d’une idée à l’autre comme s’il enchaînait les foulées ou détaillait des légumes. Et puis, d’un coup, il s’arrête. « Je parle vite, non ? ». Très.

Arnaud Delpech, 39 ans, n’est pas homme à perdre du temps dans les respirations. Il vit sa vie à cent à l’heure et jongle entre ses multiples casquettes. Ancien visiteur médical. Ancien employé de la grande distribution. Ancien chef de rayon pâtisserie. Papa de Camille, 4 ans, et Charly, 11 mois. Mari de Christiane, chef de cuisine dans leur restaurant du 15ème arrondissement de Paris(*). Elève studieux de l’école Grégoire Ferrandi où il prépare son CAP pâtisserie. Ancien triathlète. Marathonien et bien décidé à prendre le départ du marathon de Boston 2016, pour fêter comme il se doit ses 40 printemps.

De son tablier de cuisine à sa tenue de course à pied, il n’y a qu’un pas qu’Arnaud Delpech franchit avec entrain. « Je vois plein d’analogies entre la cuisine et la course ». Lui l’autodidacte, qui a le goût des bonnes choses « depuis tout petit », a ressenti le besoin « d’asseoir (sa) technique. De prendre du recul ». D’acquérir « plus de régularité dans le travail ». D’où ce retour sur les bancs de l’école. Pour apprendre « les bases ». Tout comme « on ne se lance pas sur marathon comme ça, sans refaire des gammes ».

Il ne sait pas vraiment l’expliquer, mais le marathon l’a toujours « fait rêver ». « Sur un 10 kilomètres, tu es à bloc tout le temps, tu n’as pas trop le temps d’intellectualiser. Sur un semi, c’est un peu pareil. Alors que sur marathon, tu cours à un rythme qui te convient plutôt bien pendant la moitié du parcours. Tu sais que tu vas souffrir, mais tu ne sais pas vraiment quand. C’est une redécouverte quasiment à chaque fois. Une vraie expérience. Comme un repas bien mené… » Dans la même logique, on lui demande alors ce que serait le triathlon ? Il rigole. « L’overdose ! ». Avant de tempérer : « Le tri, c’est génial. Mais c’est chronophage ». L’ouverture du restaurant fin 2011, et la naissance de ses deux garçons ont eu raison de ses séances d’entraînement. « J’avais d’autres priorités », sourit Arnaud Delpech.

Reste que quand le couple a commencé à « sortir la tête de l’eau », l’envie est vite revenue. C’était il y a un an. La course à pied s’est imposée comme plus compatible avec son emploi du temps millimétré. D’abord à petite dose. Puis en vacances, durant l’été 2014, « quasiment tous les jours. Ca me faisait trop plaisir de courir ». Le cerveau en redemande, mais c’est le corps qui a le dernier mot. « J’ai repris un peu vite, je me suis fait une déchirure musculaire au mollet ». Depuis, le programme se met en place progressivement, encadré par son coach Jean-Christophe Savignoni qui le suit dans ses quatre à cinq séances hebdomadaires.

« En préparant mes barres de céréales, je me positionne déjà dans la course »

A court terme, son objectif est de « passer sous les 40 minutes » sur 10 km. A moyen terme, il envisage le marathon Seine-Eure pour atteindre les 3h15 et se qualifier pour Boston (temps de qualification correspondant à sa catégorie d’âge pour prétendre à un dossard). En 2008, il avait terminé le semi-marathon de Rambouillet en 1h36mn. Puis il a couru deux fois sur 42.195 kilomètres. D’abord à Paris en 4h14. Puis à Dublin en 4h07. A chaque fois avec de « mauvaises préparations ». En construisant seul ses séances. Avec une fâcheuse tendance à « trop forcer sur le kilométrage ». « Je vois vraiment la différence aujourd’hui. Même en m’entraînant moins, j’arrive à de meilleurs résultats ».

Arnaud DelpechPas question pour lui de se nourrir de gels ou autres barres de céréales d’une quelconque marque de nutrition sportive. Sans pour autant juger ceux et celles qui en consomment. « Je trouve ça mieux de les faire soi-même, mais il faut aimer cuisiner. Il ne faut pas que ça représente une contrainte ». Pour lui, c’est chocolat et abricots secs pour les barres. Banane écrasée, avoine, lait d’amande et fruits secs pour les gâteaux sport. Thé vert et miel en guise de « boisson d’attente ». Du fait maison, « dix fois meilleur », et de précieux moments de cuisine qui lui permettent « de se positionner déjà dans la course. Psychologiquement, je commence à me préparer ».

Dans leur restaurant, Christiane et Arnaud entendent proposer une « cuisine saine et gourmande », « sans trop de sel », en évitant le plus souvent le lait, la crème et le beurre et avec des pâtisseries « dé-sucrées ». « Mais attention, s’empresse-t-il de préciser, cuisine saine ne veut pas dire ne pas faire d’écart. Et dé-sucrer la pâtisserie ne signifie pas lui enlever le goût. Au contraire, l’idée c’est de retrouver le vrai goût des aliments, le vrai goût des fruits ». Il dégaine avec passion la photo d’un gâteau au chocolat où la banane et la compote de pomme ont remplacé les œufs. Leur carte propose des desserts sans gluten, mais Arnaud Delpech ne veut rien exclure de façon systématique. Et ne se veut pas un « ayatollah ». « C’est un juste équilibre à trouver. Le gluten a aussi un vrai rôle, c’est lui qui donne de l’élasticité, de la tenue à une pâte ».

Lui qui optimise son temps de transport en se rendant à l’école ou au restaurant à vélo ou en courant, et case des séances d’entraînement « à jeun, à 5 heures du matin », a bien conscience du poids de la nutrition dans la performance. « Mais c’est une prise en charge globale, pas seulement pendant la course », rappelle-t-il. Ce grand amateur de chocolat envisage, à moyen terme, de s’installer à l’étranger avec femme et enfants. Avant cela, il espère valider son CAP en juin 2015. Pour « développer la gamme de pâtisserie du restaurant ». Runnings aux pieds, hormis Boston, il pense au trail. Evoque la SaintéLyon. Ce ne sont pas les idées qui manquent. Sourire malicieux et œil pétillant, Arnaud Delpech conclut : « C’est vrai, je suis assez gourmand ».

(*) Ma grand-mère m’a dit, 1 rue Falguière – 75015 Paris.

Réagissez