Prépa mentale. N’oublions pas l’essentiel.

« C’est pas faute d’avoir essayé ! », « Ca m’énerve !! », « Je comprends pas, j’ai tout fait comme prévu ». Autant de bilans qui font oublier ce que l'on était venus chercher à l’origine : le plaisir. Et pourtant, les stratégies de préparation mentale à la réalisation d’une performance physique ne manquent pas. Alors que ces dernières foisonnent et font l’objet d’un attrait croissant, on en oublie trop souvent la base.

Depuis maintenant longtemps, la préparation mentale est investiguée pour mieux former les athlètes à la confrontation à un événement majeur – ou en tout cas perçu comme tel. Perçu…  En effet, certains d’entre nous ne ressentent pas le besoin d’apprendre à appréhender une course autrement, quand d’autres cherchent à tout savoir sur l’imagerie mentale, la relaxation ou la fixation de buts pour s’améliorer. Des techniques qui ont en effet fait leur preuve pour réguler l’état émotionnel, mais dont la bonne opérationnalisation n’est pas uniquement dépendante d’un copié-collé méthodologique.

En effet, même si les approches sont plurielles et leurs fondements rationnalisés, l’expérience personnelle montre que pour chacun, certaines méthodes s’appliquent mieux que d’autres, et s’appliquent parfois. En d’autres termes, on n’est pas tous égaux devant la visualuation… Sur cette base, l’idée n’est pas de vous faire replonger dans les méthodes de préparation mentale pour en relater les effets, mais de vous rappeler des points pragmatiques qu’elles partagent et dont découle leur efficacité. Ces points ont tous trait à l’optimisation des ressources nécessaires à la bonne mise en place de vos techniques. Plus précisément, ils relèvent de dimensions cognitives « quantitative », « qualitative » et « de timing », et pourraient ainsi vous renvoyer à des expériences passées moins réussies que d’autres.

 

En premier lieu, la capacité à soutenir un effort mental constitue…une capacité. Autrement dit, il n’est pas envisageable d’endurer une charge cognitive plusieurs heures sans en subir les effets en termes de fatigue. Conséquence : quelle que soit votre « stratégie de coping », si sa mise en place devient persistante – voire obsessionnelle – avant une épreuve alors cette prise de contrôle sur vous-même consommera subrepticement vos ressources, épuisera progressivement cette capacité initiale, et aboutira finalement à un état de fatigue mentale important. Au final, à cause de rappels en mémoire, de contrôles posturaux, de projections mentales, de focus attentionnés ciblés, etc. trop fréquents, vous aurez l’impression d’être épuisé, moins disponible et alerte avant même d’avoir commencé à courir. Une limite de mauvaise augure pour une épreuve qui n’a pas encore commencé…

En second lieu, le volet qualitatif de l’approche mentale fait écho au « quoi ? » c’est-à-dire à la/les techniques(s) que vous utilisez. Ici, rappelez-vous que même chez les sportifs de haut niveau, il n’y a pas de recette miracle de prépa mentale : tandis qu’un athlète aura intérêt à opter pour une stratégie de réactivation (ex : se booster), l’autre tirera profit d’une plus grande tempérance avant l’épreuve. Au-delà de ces différences, toutefois, une redondance émerge chez les experts : leur faculté à switcher rapidement d’un mode « out » à un mode « in ». Autrement dit, une fraction de seconde suffit à basculer dans la tâche, donnant parfois l’impression de ne pas avoir été ailleurs l’instant d’avant. Sans transition ! Pourquoi ? Car ils ont appris à identifier les éléments sur lesquels porter leur attention avant/pendant l’épreuve. Pas de recherche en mémoire inutile, pas de questionnement, droit au but !

À partir de là, certaines routines mentales peuvent devenir judicieuses vis-à-vis du point précédant. En effet, un background individuel de stratégies opérationnelles permettrait de limiter l’activité de recherche mentale, de préserver la « capacité d’effort mental » et donc de faciliter la mise en œuvre technique. Par conséquent, s’aventurer à mettre en place une nouvelle astuce de gestion de soi le jour J ne constitue pas une idée lumineuse…

Ces deux premiers points peuvent paraître évidents. Un troisième l’est tout autant mais constitue néanmoins un outil très peu employé quel que soit le niveau de pratique. Il s’agit du timing de la préparation mentale : une justesse chronologique souvent empirique qui, mal agencée, peut conduire à des effets non-recherchés. Exemple évident : l’excès d’emploi de stratégies. En effet, à chercher à trop longtemps (et) tout contrôler, le caractère anxiogène de la préparation prend le pas sur son but ergogène. L’athlète se retrouve alors dans des situations décontextualisées de colère, avec un caractère asocial, des comportements inhabituels… À défaut d’atténuer le stress initial, il introduit le cercle vicieux efforts-fatigue-inefficacité et s’éloigne à grands pas des dimensions rassurantes et apaisantes recherchées.

Le lâcher-prise est ici une étape nécessaire. Et là, il ne s’agit pas de songer vaguement à son épreuve ou de faire un dernier check de son matériel… Non ! Il s’agit de couper, de se sortir du contexte, s’évader, trouver un « temps faible » sans préoccupation, sans culpabilité. Les amis, les souvenirs, la contemplation de l’environnement et autres grigris peuvent permettre d’ouvrir nos œillères, servir de soupape, au profit d’un retour ultérieur plus efficace sur les éléments plus sérieux de la compétition.

Un dernier point, à considérer sur le moyen terme, renvoie à la connaissance de vous-même pour optimiser votre préparation. Si une première étape de fonctionnement relève de la mise en oeuvre technique (logique descendante), rapidement, une prise de recul basée sur les effets générés par l’intervention sera à adopter (logique ascendante). L’objectif étant l’optimisation de la technique utilisée. Ici, il n’y aura pas de contrôle particulier à réaliser mais plutôt une oreille attentive à l’écoute d’un marqueur simple, souvent inhibé et même contre-intuitif quand la pression monte : le sentiment de quiétude.

 

La gestion de soi en situation compétitive n’est pas mince affaire. Les perturbations sont multiples (adversaires, enjeux, logistique, etc.) et la ré-articulation de nos priorités le jour J conditionne une partie de notre bien-être. Certains se font peur à réaménager leur routine sous le discours d’orateurs désireux de se rassurer en exprimant la leur. D’autres s’étonnent de se voir dépassés par des concurrents a priori moins bien organisés à l’avant-course. Et si ces coureurs « détachés » n’étaient, en réalité, pas simplement plus stratèges ? En résumé, des rappels simples peuvent vous guider quant à l’utilisation de votre prépa mentale. Quoi faire ? Quand ? Jusqu’à quand ? Et… à quelle fin ? Le plaisir !!

Cyril Schmit

Réagissez