« Boire ou souffrir, il faut choisir »

Boire avant d'avoir soif, boire en prévention, quelles quantités...? Les interrogations sont multiples quand il s'agit d'hydratation. Cyril Schmit, chercheur et expert lepape-info, vous apporte quelques arguments scientifiques pour alimenter votre réflexion.

marathon de Paris 2015 - Trocadéro

Lors d’un exercice long et/ou intense, les fonctions thermorégulatoire, métabolique et ventilatoire participent à l’épuisement des réserves en eau de l’organisme (50 à 70% de la masse corporelle totale chez l’adulte). Or, s’hydrater « à volonté » pour contrebalancer ces pertes peut ne pas s’avérer toujours judicieux (voir ci-dessous). Pourtant, au-delà d’un seuil de déshydratation, les capacités à rester lucide et à soutenir l’exercice diminuent, entraînant une élévation des risques pour la santé (déséquilibres, chutes, baisse de proprioception et entorse) et la performance (pénibilité de l’effort exacerbée).
 Dans ce cadre, conserver quelques repères en tête peut demeurer utile.

– Les athlètes s’exerçant en conditions chaudes possèdent un débit sudoral augmenté, fonction de la chaleur métabolique produite et de la chaleur environnante (figure 1).

Desy 1
Figure 1

– Lorsque le débit sudoral devient très important, une hydratation « à volonté » demeure souvent insuffisante pour remplacer complètement les pertes en eau au regard de la capacité de vidange limitée de l’estomac (~1L.h) ; la balance hydrique penche alors en faveur d’une carence en eau.

– Un déficit en eau supérieur à ~2% du poids de corps (soit ~3% de l’eau corporelle totale) est identifié comme un statut « déshydraté ». En raison de la nette baisse nette du volume plasmatique, les répercussions sur la capacité du cœur à se charger en sang sont importantes, et induisent de sérieuses implications cardiovasculaires notamment à l’exercice intense.

– La déshydratation n’apparaît pas affecter la performance en endurance lorsque celle-ci a lieu en ambiance froide–fraîche, mais la détériore parfois lorsque celle-ci se déroule en conditions tempérées.

– A l’inverse, la déshydratation a un effet délétère systématique sur la performance aérobie si celle-ci prend place en conditions réchauffées–chaudes.

– Un constat bluffant : pour chaque élévation supplémentaire de ~1°C  de la température cutanée au-delà de 27°C, l’état de déshydratation apparaît détériorer la performance aérobie de ~1% (figure 2).

Desy 2
Figure 2

 

Dans ce contexte, en ambiance tempérée, régulariser son hydratation dès la dernière heure avant le début de l’effort et par tranche de 10-15 minutes (3 à 4 gorgées) en combinant eau et boissons d’effort permet de démarrer l’exercice en étant pleinement hydraté. A l’inverse, au cours de l’exercice, une hydratation spontanée (c’est-à-dire à hauteur des sensations de soif) apparaît suffisante pour compenser les pertes en eau de l’organisme.

En conditions chaudes, un contrôle attentif du statut hydrique avant l’effort – à partir des poids, urines, et sensations de soi – s’avérer particulièrement utile afin d’ajuster ses apports. De plus, une hydratation à base de boissons rafraîchissantes (~4°C) permet d’agir au cœur même de l’organisme dans le but de retarder la montée en température pendant l’exercice (qui favorise la sudation et donc la déshydratation). Au cours de l’effort, à l’inverse, une hydratation à base de boissons tempérées (~15°C) sera favorable pour limiter les sensations d’inconfort gastriques. De plus, contrairement aux ambiances thermiques plus fraîches, l’hydratation pourra être plus « programmée » pendant la course (ex : 5-6 gorgées toutes les 10 minutes) dans la mesure où nos sensations de soif deviennent altérées par la chaleur et peuvent alors ne pas nous inciter à boire suffisamment.

Afin d’estimer la quantité de sueur perdue à la fin de l’exercice et d’ajuster vos futurs apports hydriques, un calcul simple est envisageable : poids avant l’effort – poids après l’effort + quantité de liquides ingérée (ex : 68 kg – 67,3kg + 0,7L = 1,4 L).
De plus, comme une partie de l’eau ingérée n’est pas assimilée par le corps (ex : fuite de l’eau dans les urines), songez qu’il reste préconisé de s’hydrater à hauteur de 150% des pertes sudorales (période de récupération comprise).

Cyril Schmit

2 réactions à cet article

  1. bonsoir,

    votre article est tres interessant. j ai subi une grosse defaillance au marathon de paris a partir du 30 : jalbes coupees, crampes , oppression a la poitrine. je ne me suis pas hydrate avant la course m ais regulierement pendant ttes les 10 mn. certains amis m ont indique que ca pouvait provenir d une surhydratation
    quelles sont les consequences dune surhydratation et comment l eviter sans se deshydrater non plus ?
    merci et bonne soiree

    sportivement

    pascal

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  2. Bonjour Pascal,
    pour votre défaillance, difficile d’en cibler la cause vue « l’étendue des dégâts ». Pour comprendre ce phénomène, il peut être utile de rechercher un état de fatigue important à l’entraînement, et de voir a) si les symptômes sont récurrents, et apparaissent successivement ou ensemble, et b) si en jouant sur hydratation/technique de foulée/technique de ventilation, etc., vous réagissez mieux. Je ne suis pas sûr, par exemple, que l’hydratation soit très impliquée dans vos douleurs thoraciques… Peut-être davantage de la fatigue des muscles liés à la ventilation ?
    Les conséquences d’une surhydratation ? Une sensation de ballonnement et de lourdeur, car la grande quantité d’eau bue n’a pas le temps d’être ingérée par l’estomac et reste donc dans celui-ci, à remuer au rythme de notre foulée.
    Pour éviter une surhydratation sans se déshydrater ? C’est une idée à oublier, car vous pourrez transpirer bien plus que vous ne serez capable d’assimiler de l’eau. Imaginez courir à 25°C, perdre plus de 1,5L de sueur par heure, mais n’être physiologiquement capable d’assimiler que 1L d’eau par heure. Vous serez en déficit d’eau, et cela grandira à mesure que la course dure (ex : 3h de marathon…). Les athlètes de haut niveau sont dans ce même cas. Ils savent qu’ils finiront plus ou moins déshydratés et s’entraînent parfois dans ce type de condition (commencer l’entraînement sans avoir bu pendant 5-6h) pour apprendre à tolérer ce stress. Ce que vous pourrez faire sera simplement de « limiter » la déshydratation en a) s’hydratant de façon judicieuse avant et pendant la course (cf. l’article), b) en limitant la sudation (qui sert à refroidir le corps, via évaporation) par des procédés qui favorisent une température basse de la peau (se passer de l’eau froide sur le corps pendant la course, s’épongez la sueur, avoir des vêtements transpirants…), c) en portant un vêtement frais avant la course (pendant l’échauffement) pour éviter de monter en température et transpirer, d) en recherchant les zones d’ombre sur le parcours, et e) en adoptant un rythme de course croissant plutôt que décroissant, pour limiter la sudation importante liée à un départ rapide.

    🙂

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