Au coeur de l’Ultra-trail du Mont Fuji (Japon), les 25 et 26 septembre 2015

Un ultra au pays du soleil absent....

Jean-Marc Delorme a participé à l'Ultra Trail du Mont Fuji au Japon. Après 172 km d'effort et 7 637m de dénivelé positif, il termine 80e (18e dans sa catégorie, V1) en 31h11mn06s. Son compte-rendu.

Jean Marc Delorme, Ultra trail du Mont Fuji 2015

Un mois a peine après mon abandon sur l’Utmb au 110ème km (lire UTMB : DNF (did not finich)...) me voici de nouveau sur la grille de départ d’un ultra : L’ultra-trail du Mont Fuji (UTMF).

Cet ultra qui est au programme de l’UTWT (Ultra-Trail World Tour, lire l’UTWT est né et Les dates de l’Ultra Trail World Tour (UTWT) 2015),  a été quelque peu décalé dans le calendrier pour passer d’avril à septembre. Un changement qui serait dû à des cas d’hypothermie lors des éditions précédentes.

Me voilà donc parti pour un long voyage à destination de Kawaguchiko, ville de départ de l’UTMF au pied du célèbre Mont Fuji !  Mon arrivée sur place est prévue deux jours avant la course, et je ne cache pas mon inquiétude sur le décalage horaire de 7h qui ne sera pas régulé d’ici le départ de la course.

Le ciel est gris, et, mauvaise nouvelle  : un Typhon est annoncé.  Heureusement son centre est assez loin mais j’apprends qu’il est annonciateur de grosses pluies durant la course ! La veille du départ, je me rends sur le village expo afin de récupérer mon dossard et faire vérifier mon matériel obligatoire. Tout est parfaitement organisé et assez rapide.

Petite spécification : ici le sac « WC » est obligatoire ! Pas question de faire sa petite commission dans la nature ! De même la clochette à ours est conseillée ! Je vous vois sourire, mais figurez-vous qu’un coureur en croisera un !

Jean Marc Delorme, Ultra trail du Mont Fuji 2015La pluie est abondante et je m’abrite un peu sous une tente animée par de ravissantes geishas proposant d’admirer « la cérémonie du thé. » Un vrai spectacle délivré par ces femmes vêtues des Yucatas traditionnels et offrant un thé matcha incroyablement délicieux!

Après une bonne nuit sur un futon traditionnel, je me dirige vers la ligne de départ. La pluie est toujours abondante, même si la température est assez agréable.

Nous voici à 30 minutes du départ, discrétion japonaise oblige, malgré le très grand nombre de coureurs, tout se fait avec peu de bruit dans une grande organisation.

Ici, pas question de faire un petit pipi derrière un arbre juste avant le départ, on va aux toilettes. (Ce sera juste permis en pleine nature mais c’est tout !). Même la musique de `départ est très discrète, pour ne pas déranger le voisinage. Je me sens plutôt bien.

13h00, le départ est donné, après avoir longé le lac de Kawaguchiko, nous commençons notre ascension, ce n’est pas très technique mais raide tout de même . Première descente et le sol est vraiment glissant même avec un dénivelé négatif faible et pas très technique. Je n’ose imaginer ce que cela va donner après plusieurs heures si la pluie continue…

Après presque 20km de course nous atteignons le premier PC Shojiko, l’ambiance est très agréable, les japonais qui se tiennent tout au long du parcours sont très enthousiastes, certains sont déguisés avec des bonnets de lapins ou de mont-Fuji ! A l’intérieur du PC, nous sommes acclamés tels de véritables héros ! Les bénévoles sont très efficaces, parfaitement à l’écoute des coureurs, même si pratiquement aucun ne parle l’anglais, le langage des signes fonctionne très bien. C’est également une bonne surprise de trouver des noodles ou autres gâteaux aux haricots rouges qui s’avèrent forts délicieux et assez adaptés à la suite des événements.

Les kilomètres s’enchaînent et je me sens plutôt bien, les côtes restent assez raides et le fait de ne pas avoir de bâtons (interdits sur cette course !) ainsi que le terrain boueux , les rendent parfois assez redoutables. J’essaye de m’arrêter le moins longtemps possible sur les pc et d’être le plus régulier possible, ce qui jusqu’ici est assez favorable à ma course. J ai comme repère un coureur Japonais avec qui je joue au chat et à la souris depuis plusieurs dizaine de km.

Première nuit, la pluie est toujours omniprésente, la majorité du parcours se fait sous de grands arbres qui nous plongent dans une nuit noire. La brume s’est également invitée, on ne voit pas à plus de 5 mètres par endroit…

Première grosse descente en single, un vrai toboggan, après avoir réussi à ne pas tomber sur le premier tiers, la suite sera bien différente, j’enchaîne les chutes, je descends en fonction des arbres qui peuvent me freiner et des branches sur lesquelles je peux m’agripper. L’enfer !! Je descends, c’est chute sur chute, la dernière me fera glisser sur plusieurs mètres arrachant une partie de mon short sur une petite souche. Heureusement, le bois passe juste à coté de ma cuisse qui est épargnée.

La course se poursuit, les difficultés me semblent crescendo.

Une section sera une succession de montées très raides, de troncs en travers, de terrains vraiment défoncés, de dévers, le tout toujours sous la pluie.

Puis la section avant Tarobo, entre A5 et A6 (soit entre le 103 et le 115e km), présente une ascension uniquement sur du sable noir. Nous sommes sur les flancs du Mont Fuji. Ce terrain mou est très énergivore pour un gabarit comme le mien (1m87 pour 86 kg) !

Malgré les difficultés, j’essaye « d’en garder toujours sous la pédale ». Je réalise que dans ce décor… je n’ai aucune vue. Aucun beau paysage. Tout est bouché du fait de la brume, tout est gris. Je sens mes pieds atteints par l’humidité. Je me demande si cela va affecter mon moral ou ma motivation. Donc je veille à ne pas me laisser gagner par la grisaille. Je reste concentré.

A chaque ravitaillement, mon temps d’arrêt est relativement court, sauf à deux reprises où je dois soigner …une vilaine ampoule apparue certainement grâce à la boue et l’humidité. Mais la forme est là, je continue. Je ne regarde pas trop mon classement mais mon ami Japonais réapparaît régulièrement.

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Toujours sous la pluie, les fins d’ascension sont vraiment très raides et s’assimilent parfois à de la grimpette. Ca glisse et nous devons nous hisser sur des rochers et des racines placés à la verticale. Interminable !

Jean Marc Delorme, Ultra trail du Mont Fuji 2015Le tour est presque achevé et que vous le croyez ou non, je n’ai toujours pas vu le Mont-Fuji ! Foutu météo !

La fin de course s’annonce, il reste 12 km avec, encore, une belle ascension. Je ressens la fatigue mais je ne compte pas perdre de place. Je prends sur moi et me force à garder un certain rythme dans cette dernière ascension. Je cours à un bon rythme jusqu’à l’arrivée que je franchie en 31h10 à la 80ème place, finalement main dans la main avec Michigari. Impossible de nous dépasser mutuellement sur les derniers mètres après un tel combat ! C est le nom de mon honorable coureur Japonais… un véritable « samourai » !

Mais mon récit ne serait pas complet si je ne vous parlai pas des spécificités japonaises.

– Tout d’abord sachez que lorsque vous êtes en single track, le doublement par un autre coureurs peut abîmer la flore sur les cotés. Ainsi, le coureur japonais par respect de la nature ou par politesse ou les deux, restera derrière vous jusqu’à ce que vous le laissiez passer. Il y a bien sûr eu quelques exceptions.

– Sachez également que l’honneur est une donnée importante. Un coureur complètement à l’agonie a un pc, plié en deux, n’arrivant même pas à se hisser jusqu’à la table du ravito, ne sera pas aidé. Ceci devant les bénévoles le regardant, ne bougeant pas ! Scène difficile à imaginer en Europe ou très certainement plusieurs bénévoles l’aideraient à s’asseoir. S’il réussit enfin à se redresser, à faire un pas et à saisir un quartier d’orange, et bien il se fait acclamer ! L’aider, l’aurait humilié…

PS : L’UTMF est un ultra exigeant mais extrêmement dépaysant. Une expérience unique qui même avec une météo détestable m’a donné envie d’y retourner.

Arigato gozaimasu ! (merci)

  • Les points de passages de Jean Marc Delorme
POINT DE PASSAGE km VITESSE CLASS. JOUR/HEURE DE PASSAGE TEMPS DE COURSE
837m KAWAGUCHIKO (départ) 0 – km/h Ve. 13:00 00:00:00
921m A1 SHOJIKO entrée 19.3 km 8,87 km/h 129 Ve. 15:10 02:10:42
921m A1 SHOJIKO sortie 0,00 km/h 130 Ve. 15:13 02:13:32
952m A2 MOTOSUKO entrée 31.2 km 6,44 km/h 124 Ve. 17:04 04:04:31
952m A2 MOTOSUKO sortie 0,00 km/h 116 Ve. 17:07 04:07:40
809m W1 FUMOTO entrée 50.1 km 7,89 km/h 127 Ve. 19:31 06:31:14
809m W1 FUMOTO sortie 0,00 km/h 115 Ve. 19:35 06:35:21
585m A3 FUJENTRÉEOMIYA entrée 75.6 km 4,76 km/h 113 Sa. 00:56 11:56:25
585m A3 FUJENTRÉEOMIYA sortie 0,00 km/h 101 Sa. 01:00 12:00:57
624m W2 AWAKURA 82.1 km 5,74 km/h 98 Sa. 02:08 13:08:58
895m A4 KODOMO-NO-KUNI entrée 96.2 km 6,65 km/h 95 Sa. 04:16 15:16:30
895m A4 KODOMO-NO-KUNI sortie 0,00 km/h 80 Sa. 04:26 15:26:51
888m A5 Mt.FUJI MUSEUM entrée 103.7 km 5,99 km/h 84 Sa. 05:41 16:41:17
888m A5 Mt.FUJI MUSEUM sortie 0,00 km/h 87 Sa. 06:00 17:00:33
1415m A6 TAROBO entrée 115.8 km 4,23 km/h 88 Sa. 08:52 19:52:42
1415m A6 TAROBO sortie 0,00 km/h 81 Sa. 08:58 19:58:54
826m A7 SUBASHIRI entrée 126 km 7,40 km/h 83 Sa. 10:21 21:21:09
826m A7 SUBASHIRI sortie 0,00 km/h 85 Sa. 10:40 21:40:56
988m A8 YAMANAKAKO entrée 139.2 km 6,30 km/h 83 Sa. 12:47 23:47:24
988m A8 YAMANAKAKO sortie 0,00 km/h 78 Sa. 12:59 23:59:37
1136m A9 NIJU-MAGARI 145.2 km 4,71 km/h 77 Sa. 14:15 25:15:50
704m A10 FUJIYOSHIDA entrée 160.4 km 4,56 km/h 75 Sa. 17:36 28:36:25
704m A10 FUJIYOSHIDA sortie 0,00 km/h 77 Sa. 17:46 28:46:43
837m KAWAGUCHIKO Arrivée 172.1 km 4,85 km/h 80 Sa. 20:11 31:11:06

 

  • Les statistiques de l’UTMJ

Nombre de partants : 1363   dont femmes : 238 (17,46% des partants)
Nombre d’arrivants : 564 (41,38% des partants)   dont femmes : 94 (16,67% des arrivants) (39,50% des partantes)
Nombre total d’abandons : 799 (58,62% des partants)

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