Le réchauffement climatique est à l’œuvre et les périodes de fortes chaleurs se multiplient. C’est le cas actuellement en ce mois de mai avec des températures élevées qui mettent à mal les organismes en constituant au mieux un frein à la prolongation de l’exercice, au pire une source de blessure ou de malaise. Que faire pour prévenir ?

Certes, nous savons que la chaleur peut être utilisée à fin d’amélioration des performances, mais le temps d’adaptation (ou crise climatique) est une période délicate à gérer. Et puis soyons clairs, les traileurs recherchent l’acclimatation à la chaleur pour pouvoir mieux performer en conditions chaudes, non pour améliorer leurs performances en conditions tempérées.

 

 

Une question de thermorégulation

 

Voyons tout d’abord ce qui joue avec la chaleur au niveau de notre organisme. En se mouvant, notre corps produit de la chaleur, dite endogène, tout simplement parce que le rendement mécanique de la locomotion humaine est imparfait. En effet, 75% de l’énergie issue de la dégradation des substrats énergétiques (glucides, lipides) se transforme en chaleur dont il va falloir évacuer la majeure partie. Les 25% restants sont utilisés pour le déplacement. On comprend donc aisément que la capacité à évacuer la chaleur, la THERMOLYSE, soit un paramètre important de la performance, qui plus est en conditions chaudes. 

 

[Thermolyse : l’ensemble des systèmes mis en jeu par les organismes homéothermes pour dissiper les surplus de chaleur et maintenir la température interne stable (37 °C pour l’être humain)

Dans la zone de confort thermique (environ 21°C pour l’être humain) la chaleur produite par le métabolisme compense exactement les pertes de chaleur par radiation, convection, conduction et perspiration (sudation insensible).]

 

La thermolyse (destruction de la chaleur) est donc le phénomène opposé à la thermogénèse (production de chaleur), ces 2 processus de thermorégulation ayant pour but de maintenir une température centrale stable. Elles sont bien entendu dépendantes des conditions environnementales et de l’activité du sujet. Notons bien que même au repos, le corps reste actif (métabolisme basal) et produit de la chaleur.

 

 

Des FC à la dérive

 

Les 2 sources de chaleur – interne et externe – influent remarquablement sur notre organisme à l’effort avec pour conséquence finale une dérive cardiovasculaire que nous allons détailler par la suite. Mais soyons bien clairs, nous parlerons ici de dérive uniquement dans le cas d’un exercice à intensité constante, car pour tout exercice dont l’intensité augmente progressivement (exercice dit ‘’triangulaire’’), de nombreux paramètres évoluent (dérivent ?) vers des valeurs maximales qui signent la fin de l’exercice.

Loring Rowell (Human Cardiovascular Control – Oxford University Press, 1993) fut l’un des premiers à étudier les flux sanguins chez l’individu au repos et à l’exercice et à permettre une meilleure compréhension du phénomène de dérive cardiaque. En effet, chacun a pu constater avec son propre cardiofréquencemètre, qu’en courant à intensité régulière, il arrive un moment où les fréquences cardiaques augmentent, témoignant d’une élévation de la consommation d’oxygène. Parfois, le phénomène de fatigue, surtout périphérique –musculaire– provoque l’effet inverse et vient masquer cette dérive des fréquences cardiaques qui ne peut plus être effective après quelques heures d’effort. Pourquoi les fréquences cardiaques ne restent-elles pas stables pour une même intensité d’effort, et pourquoi cette dérive est-elle bien marquée en conditions chaudes ? Rowell a montré que l’origine de cette dérive est due à la redistribution de la circulation sanguine et notamment à l’augmentation du flux sanguin cutané. 

Du coup il y a moins de sang et donc moins d’oxygène envoyé aux muscles qui ont pourtant besoin d’une même quantité d’oxygène pour conserver l’intensité de l’exercice en cours. L’organisme s’adapte en intensifiant le débit cardiaque via l’augmentation du nombre de battements par minute ; la dérive cardiaque est à l’œuvre. 

 

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Dérive cardiaque pour un même exercice à intensité constante en conditions tempérée, et chaude

 

 

En résumé, la dérive cardiaque est due à 3 facteurs qui peuvent jouer de concert : la chaleur extérieure (et le degré d’humidité), la production de chaleur endogène, la déshydratation. Dans chaque cas, il est nécessaire et vital de refroidir l’organisme. Pour ce faire, le flux sanguin cutané (vers la peau) est fortement augmenté (refroidissement liquide, ce qui entraîne un déplacement de fluides à partir du plasma sanguin vers le tissu cutané. Il en résulte en cascade une baisse de la pression artérielle pulmonaire et une diminution du volume d’éjection systolique. Pour maintenir le débit cardiaque (Débit = FC x VES), le rythme cardiaque doit augmenter.

 

 

Ralentir, hydrater, refroidir

 

La physiologie étant une science fort subjective, nous ne sommes pas égaux dans notre capacité à produire et à dissiper la chaleur (thermogénèse et thermolyse), et cela constitue une clé majeure de la performance. On peut agir en facilitant l’évacuation de la chaleur par notre organisme et en favorisant son refroidissement. Ainsi, chacun doit adapter sa tenue vestimentaire à sa propre physiologie pour trouver un équilibre entre température extérieure et production de chaleur interne. Rappelons que la pratique sportive en conditions chaudes peut mener au coup de chaleur d’exercice avec une incidence de la mortalité non négligeable. 

 

Nos conseils pour favoriser l’acclimatation :

  1. Réduire sa vitesse de déplacement pour rester dans les bonnes intensités
  2. S’habiller avec des tenues claires et respirantes
  3. S’hydrater régulièrement
  4. Se refroidir par aspersion
  5. Etre progressif dans les durées et intensités
  6. Privilégier les heures fraîches de la journée
  7. Se ménager une période d’acclimatation d’une dizaine de jours

 

Même si la chaleur peut être utilisée au même titre que l’altitude pour l’amélioration des performances, c’est un paramètre à manipuler avec le plus grand soin. Le traileur doit rechercher une bonne acclimatation qui lui permettra de performer en conditions chaudes grâce aux adaptations physiologiques adéquates.

 

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