Le travail des jambes en natation

Jusqu’à présent, l’utilisation des jambes en natation fait toujours débat même entre les plus grands entraîneurs internationaux. Il est donc temps d’observer ce que nous dit la littérature scientifique à ce sujet, puis de comprendre quels sont les mécanismes mis en jeu dans cet environnement. Enfin, des aspects plus pratiques seront abordés, pour que tout le monde puisse optimiser son entrainement, en s’aidant des membres inférieurs…

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Aspects biomécaniques et physiologiques dans la littérature scientifique :

L’utilisation des jambes implique un fort coût énergétique alors que son action propulsive reste limitée (Toussaint 1990a). Mais il a récemment été suggéré que l’action des jambes jouait un rôle important dans la coordination de la nage, la réduction des résistances de vagues avec un meilleur équilibre du tronc durant des épreuves de sprint. Watkins et Gordon ont affirmé que les jambes avaient une action indirecte sur la propulsion.

En fait, elles permettent de stabiliser le tronc et donc d’améliorer la vitesse d’environ 9% en moyenne. L’équipe de Toussaint et Hollander a dans ce sens, estimé que la puissance générée au cours d’une épreuve de natation était dû aux alentours de 10 à 20% par l’action des jambes.  

Toutefois, il est important de noter que chez des nageurs ou triathlètes amateurs, l’action des jambes ne créera aucune propulsion, souvent causée par un déséquilibre du corps via une mauvaise technique de battements de jambes. Aussi, Ribeiro et al. ont d’ailleurs bien montré que lorsqu’un nageur n’utilisait pas ses jambes, le coût énergétique était bien moindre. Pour bon nombre de nageurs, leur utilisation ne serait donc pas forcément appropriée selon l’objectif de la série ou la durée de l’épreuve.

 

Les points clés techniques :

 

Après avoir scruté l’impact des jambes sur le coût énergétique et son efficience motrice, regardons à présent en quoi une bonne technique de battements de jambes peut nous permettre d’aller plus vite :

  • La fréquence des battements : elle correspond à l’intervalle de temps entre deux coups de bras (un cycle de nage). Les meilleurs nageurs mondiaux utilisent souvent une fréquence de 6 battements par cycle de nage, qui leur permet de soutenir un effort intense. Pour autant, de nombreux nageurs d’endurance utilisent un rythme beaucoup plus lent avec deux battements par cycle, mais qui leur permet d’économiser davantage d’énergie. Nous conseillons pour les débutants, d’utiliser un rythme naturel, coordonné avec l’action des bras. Il faut veiller à bien synchroniser ce battement avec les actions respiratoires, et notamment ne pas oublier que le battement doit se poursuivre durant la phase d’inspiration, afin de conserver l’équilibre du corps. Nous observons souvent des battements en ciseaux lorsque l’inspiration est trop longue (le battement part sur le côté pour compenser le déséquilibre crée par la rotation de la tête). La fréquence de battements permet de diminuer les variations de vitesse intra-cycliques et d’adopter une nage plus continue sans variation de vitesse.
  • La profondeur des battements : c’est la distance entre le point le plus haut (début du battement) et le point le plus bas (fin du battement) de la malléole pendant un battement. Le mouvement commence par un abaissement de la hanche, suivi d’une légère flexion du genou. Ensuite, une flexion plantaire doit se réaliser avec un pied qui part vers le bas et légèrement vers l’arrière. C’est ce qui va permettre la propulsion par le battement de jambes.
  • Les pieds avec les doigts de pied en pointe : il est primordial de toujours rester avec les doigts de pied en pointe afin de ne pas pousser l’eau vers l’avant, ce qui ferait fortement chuter la vitesse. La souplesse des chevilles doit permettre de pousser l’eau vers l’arrière, même avec ses jambes ! L’orientation des forces propulsives est différente en brasse, c’est pourquoi dans cette nage, la contribution des jambes est similaire à celles des bras.
  • La souplesse de la cheville : si la cheville est souple, cela sera plus facile de mettre les pieds en pointe. Avec une cheville souple, on peut même arriver à tendre le pied de façon à ce que les orteils soient orientés vers l’arrière. Attention toutefois aux cyclistes ou aux runners, qui ont souvent une cheville rigide. Il sera plus difficile pour eux d’avoir un bon battement de jambes et peuvent tout à fait travailler cette souplesse, mais il faudra procéder avec précaution pour prévenir l’apparition d’éventuelles blessures.

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Intensité et battements de jambes :

La puissance générée par l’action des jambes n’est pas constante avec l’augmentation de la vitesse (Gatta). On se rend compte que lorsque la vitesse augmente fortement, la puissance des jambes est proportionnellement moins forte. Cela signifie que plus la vitesse augmente, plus la contribution de l’action des jambes est faible. C’est pour cela que les jambes garderont un rôle important sur des distances courtes où l’énergie totale doit être maximale (et donc le petit surplus de puissance produit par les jambes sera utile), mais leur rôle sera moins important à mesure que l’intensité diminue (en d’autres termes, que la distance augmente). C’est pourquoi nous préconisons de travailler majoritairement les jambes soit à intensité maximale pour développer la capacité à augmenter sa puissance totale, soit utiliser un travail de jambes à intensité lente pour faciliter la récupération et le retour veineux. Enfin, un exercice de résistance lactique sur les jambes pourra être intéressant, afin de permettre à l’organisme de mieux tolérer l’effort.

 

Et au niveau musculaire ?

image2Il est bien connu que les muscles des jambes sont les plus lourds, et nous avons vu précédemment qu’ils étaient très coûteux en énergie. Il est alors indispensable de trouver le meilleur ratio entre production de force et économie d’énergie.

La longueur des fibres musculaires a été montré comme indicateur de performance chez de jeunes nageurs. Un autre aspect est la présence et la distribution de fibres rapides ou de fibres lentes. Sur des vitesses élevées, la forte présence de fibres rapides sera un avantage pour produire plus de force. D’un autre côté, il ne faut pas oublier que les quadriceps sont des muscles très gros, qui sont très lourds et ajoutent du poids au nageur. Ils seront très utiles pour des sprinteurs pour la production d’énergie pour réaliser un effort maximal, notamment sur le départ, les virages et les coulées (qui constituent environ 30% de la distance totale des épreuves de sprints). Mais des quadriceps trop lourds pourraient engendrer une masse corporelle trop importante, qui causerait des problèmes pour soutenir un effort plus long.

Evidemment, le travail de jambes et son efficacité sera assuré s’il existe une coordination et un transfert avec l’action des bras. Ce transfert sera assuré majoritairement par les muscles abdos-lombaires. D’où l’importance de ne pas négliger cette partie du corps, socle de la tenue du corps dans toute discipline sportive.

 

Quelques conseils techniques :

  1. Assouplir sa cheville en réalisant des petites séances de stretching simple. S’habituer à toujours être en flexion plantaire lors du début du battements avec les orteils en pointe de pied.
  2. Penser à toujours faire partir le battement par un déclenchement de la hanche
  3. Porter des palmes pour augmenter votre force des jambes. En effet, la grande surface des palmes fait porter un poids plus lourd sur les chevilles et la jambe, ce qui implique un plus fort travail des muscles qui leur sont associés
  4. Nager avec des résistances (par exemple : une sorte de parachute accroché au maillot de bain avec une ficelle) afin de mieux sentir vos appuis sur les jambes
  5. Se renforcer musculairement en effectuant quelques séances de musculation sur les jambes comme des squats ou de la presse.

 

Conclusion :

 

Certains nageurs oublient que la coordination entre les jambes et les bras est indispensable pour performer en natation. Travailler les jambes de manière isolée permet d’avoir un mouvement plus efficace. Selon la nage, la vitesse des jambes peut atteindre entre 59 et 82% (Bartolomeu) de la vitesse en nage complète. Ce qui laisse quand même penser que le travail de jambes constitue un fort intérêt.

Un fort battements de jambes permettra de donner une propulsion supplémentaire à l’action des bras, tout en gardant un équilibre de corps plus stable associée une nage complète plus continue. Enfin, pour les nageurs de longue distance, l’utilisation des jambes ne devra pas trop être conséquente, elle devra suffire à la bonne stabilité du corps et donc de tenir plus longtemps.

 

Références :

  1. Toussaint HM, Beelen A, Rodenburg A, et al. Propelling efficiency of front crawl swimming. J Appl Physiol. 1988;65:2506-2512.
  2. Watkins J, Gordon AT. The Effects of Leg Action on Performance in the Sprint Front Crawl Stroke. Biomechanics and Medicine in Swimming. 1988 14 :310-314
  3. Ribeiro J, Figueiredo P, Sousa A, Monteiro J, Pelarigo J, Vilas-Boas JP, Toussaint HM, Fernandes RF. VO2 kinetics and metabolic contributions during full and upper body extreme swimming intensity. Eur J Appl Physiol. 2015 May;115(5):1117-24.
  4. Gatta G, Cortesi M, Di Michele R. Power production of the lower limbs in flutter-kick swimming. Sports Biomech. 2012 Nov;11(4):480-91.
  5. Bartolomeu RF, Costa MJ, Barbosa TM. Contribution of limbs’ actions to the four competitive swimming strokes: a nonlinear approach. J Sports Sci. 2018 Jan 10:1-10.

 

 

 

 

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