Le principe du jeu de vitesse (jeu de course) et quelques séances types

Comment bien intégrer le fartlek dans son entraînement ? Jean-Claude Vollmer livre quelques séances type utilisables du coureur débutant à l'athlète confirmé.

Coureuse sur chemin

Lire précédemment : Histoire et origines du farlek

Après les définitions abordons les fondements et le déroulement d’une séance de fartlek selon Gosse Holmer.

Un athlète doit s’entraîner entre 1 h et 2 heures tous les jours selon le modèle suivant.

  1. 5 à 10 minutes de course facile d’échauffement.
  2. Une course de 3 /4 mile à 1 mile ½ (1200 m à 2400 m) à allure rapide mais régulière.
  3. Marche rapide de 5 minutes.
  4. Sprints : trot léger puis un sprint à vitesse maximale sur 50 m à 60 m puis dérouler progressivement jusqu’au trot pour récupérer au niveau respiratoire puis renouveler le sprint sur 50 et 60 mètres. A répéter, sans interrompre la course (donc sans marcher) jusqu’à ce qu’on l’on se sente légèrement fatigué.
  5. Après une pause en marchant pour bien récupérer, nouveau trot puis démarrage sur quelques foulées puissantes avec un engagement maximal (cet exercice est important pour que le coureur puisse faire des démarrages lors des courses).
  6. Une course à pleine vitesse en montée très raide (160 mètres à 180 mètres).
  7. Quelques minutes de trot de manière relâchée pour récupérer de l’effort violent fourni en 6.

Ce type d’effort doit être répété plusieurs fois dans la séance (d’une durée d’ 1 heure à 1 heure ½). L’athlète ne doit pas se sentir fatigué, mais au contraire légèrement excité et plein de fraîcheur après l’entraînement. Chaque entraînement quotidien peut être terminé par un travail sur la piste sur 1 à 5 tours (330 mètres) selon la distance courue par le sportif en compétition.

Dans une session type, l’entraînement faisait au total 7 miles (environ 10 kilomètres) avec 4 à 5 kilomètres de travail de vitesse sur des distances de 40 mètres à plusieurs centaines de mètres.

Ce jeu de course avec la vitesse peut être réalisé jusqu’à cinq fois par semaine. Les courses en côtes étant très éprouvantes, il est recommandé de ne les inclure que deux fois par semaine (le lundi et le jeudi) en réalisant judicieusement deux fois les côtes le lundi et une fois le jeudi.

Gosse Holmer demandait parfois à des coureurs de faire en 2 heures ce qu’ils étaient capables de faire en 1 heure, augmentant ainsi la récupération et le volume total de travail. Les coureurs suédois réalisaient ainsi plus de travail de vitesse en une séance que leurs contemporains américains en une semaine. Et jour après jour, ils s’entraînaient aussi plus longuement.

Il faut noter que les Suédois ne développaient pas la résistance au moyen du fartlek uniquement, mais qu’ils utilisaient aussi l’entraînement par intervalles et de répétitions sur la piste.

Que développe le coureur par la pratique du fartlek ?

Le fartlek ramène à l’enfance, au jeu, à la manière dont l’organisme se développe au contact de la nature. Lors de l’enfance, la majeure partie des déplacements se fait de manière rapide mais sur des distances très courtes.

Par la pratique du fartlek, les coureurs apprennent à mieux connaître leurs capacités corporelles et mentales. Lors d’un fartlek, le coureur n’a pas à respecter un plan d’entraînement pré –programmé avec un certain nombre de répétitions à réaliser à telle ou telle allure mais il doit écouter son propre ressenti et solliciter par lui-même ses forces.

Il doit explorer par lui-même ses capacités, sa résistance à l’effort et trouver ses limites. Par le fartlek, il deviendra acteur de son entraînement.

Lors d’un fartlek, on peut s’adresser à tous les systèmes de production énergétique en alternance, ce qui est remarquable.

Le slogan du fartlek c’est le mot « liberté ».

Pour Olander, le fartlek n’est pas la recette miracle qui va amener automatiquement au succès mais un moyen pour ouvrir les yeux au coureur et lui apprendre que le chemin vers le succès et le progrès se nomme le travail, beaucoup de travail. Cependant pour Olander, le travail ne suffit pas, le sommeil et le repos sont tout aussi essentiels, car ces deux éléments vont rendre au corps ce qu’il a dépensé lors de l’entraînement.

Une autre originalité dans la préparation du coureur paraît tout aussi importante que le fartlek à Olander : une promenade de 2 à 4 heures dans la forêt lorsque le coureur dispose du temps nécessaire.

Le fartlek suédois n’a pas été utilisé très longtemps dans sa conception originelle car l’obtention de hautes performances au moyen du fartlek est apparue comme trop longue si celui-ci est utilisé de manière homéopathique à la méthode Holmer. Cette méthode a ainsi été repoussée par les entraîneurs des universités américaines qui expliquaient qu’ils n’avaient pas le temps avec les étudiants dans les universités (fin d’études vers 23 ans) pour utiliser une méthode longue à produire des résultats.

Même Percy Cerutty (1895 -1975), le grand entraîneur australien n’en a gardé que le principe, augmentant très considérablement l’intensité et la dureté des séquences afin d’obtenir plus rapidement des résultats. Le fartlek selon Cerutty, pratiqué à Portsea (à proximité de Melbourne dans le sud de l’Australie) consistait à faire 20 % de course sur la plage sur du sable dur, 10 % de montées de dunes très raides allant jusqu’à 80 pieds de haut (24 mètres), le reste étant basé sur des sprints et accélérations (comme en Suède), du jogging et des courses de tempo sur des chemins serpentant entre les dunes, le bord de mer et des chemins en terre battue.

Les week- ends d’entraînement à Portsea étaient totalement libres de tout travail sur piste. Dans les années 50, Cerutty était regardé comme un excentrique, branché alimentation naturelle et yoga. Mais Cerutty a amené l’entraînement à un niveau d’exigence physique que personne n’osait imaginer auparavant.

L’entraîneur néo-zélandais Arthur Lydiard (1917- 2004) a également repris les idées de Holmer en créant des séances de fartlek aussi bien sur le plat que dans les côtes, les athlètes accélérant au passage de marques sur le plat, les courses en côtes étant utilisées pour créer un fort stress.

En forêt de Marly, l’entraînement de Michel Jazy  était également beaucoup inspiré de cette méthode. Il a d’ailleurs fait avec d’autres coureurs français de nombreux stages à Volodalen. Un remarquable documentaire tourné en 1963 par Edouard Seidler pour la télévision française et visible sur le site de l’INA (Volodalen), montre l’entraînement des coureurs français dans l’environnement paradisiaque de Volodalen).

Voilà ce qui est dit sur l’entraînement de Michel Jazy dans la revue miroir de l’athlétisme n°1 1962 :

« En plein hiver à 6h30, en automobile avec son entraîneur, parfois avec un compagnon il se rend en forêt de Marly et cela tous les jours, sauf les dimanches et lundis. Entraînement de 2 heures qui ne sera pas fastidieux, entraînement dans la nature qui est aussi une oxygénation. Un itinéraire est établi qui recherche la variété du terrain, dans ses aspérités et sa nature. Chemins de sous-bois, sous- bois sur le sol étoffé par l’humus séculaire et par endroits recouvert de mousse. On recherche le plat, les monticules, en alternance ; puis les obstacles, troncs d’arbres abattus, tranchées d’épandage, caniveaux naturels en bordure des sentes etc. Les parcours sont effectués au train, parfois à la marche … Coupés de démarrage, de pointes de vitesse. Frassinelli (son entraîneur) veille à ce que cet entraînement n’atteigne jamais à la fatigue, à la saturation. Il doit demeurer un délassement psychique, loin de l’esprit de compétition ; une détente physique.

L’Ecole polonaise structure le fartlek, les Français aussi

Plus tard, l’école polonaise (Jan Mulak) a créé un fartlek polonais plus structuré. Durant ces séances, ce ne sont pas les particularités du terrain qui déterminent l’intensité des allures, c’est la durée des séquences et la vitesse (vite, maxi, dynamique …et les temps de récupération) qui sont programmées, que le coureur soit en train d’aborder une côte ou une descente.

En France, beaucoup d’entraîneurs utilisent le principe du fartlek mais en créant des entraînements beaucoup plus dirigés, contrôlés, en indiquant souvent le type, le nombre, la durée des séquences à réaliser lors d’un entraînement (la vitesse restant à l’initiative du coureur).

Peter Coe qui a entraîné son fils Sébastien, a utilisé le fartlek sous la forme suivante : sur un circuit de 800 mètres à  1200 mètres environ dans un parc présentant beaucoup de dénivelé mais visible sur toute sa longueur, les coureurs partent (en petit groupe de même niveau) pour 30 mn de course ; le coach décide à quel moment et sur quelle durée, les coureurs doivent accélérer (l’allure reste libre mais doit être dynamique). Accélérations, course d’allures soutenues se succèdent ainsi, gérées par l’entraîneur en fonction de l’observation des coureurs (fatigue apparente, capacité à réagir au coup de sifflet …). La gestion de l’entraîneur est primordiale, s’il veut que la séance dure 30mn au total.

Voilà quelques exemples de séances dites de fartlek utilisées actuellement bien loin du modèle original car ce sont souvent des séances de type « puissance aérobie » déclinées en nature.

Du concept originel, il reste néanmoins la relative liberté du choix de l’allure de course, la gestion libre de la récupération et bien sûr l’essentiel : son déroulement en nature, le coureur devant intégrer les alternances de dénivelé et la nature du sol.

Exemples de séances fartlek

  • 20mn d’échauffement puis pendant 30mn ou 40mn faire 45 s rapides toutes les 3mn.
  • 20mn d’échauffement puis pendant 30mn à 40mn faire 3 séries (30s vite avec récupération 1mn puis 1mn vite avec récupération 1mn puis 1mn30 vite avec récupération 1mn30s puis 2mn vite avec récupération 2mn puis redescendre avec des temps d’effort de 1mn30s, 1 mn30s avec les mêmes temps de récupération ) finir avec 5mn de récupération trot entre les séries
  • 20mn d’échauffement puis pendant 30mn à 40mn  faire 20s  à la vitesse maximale avec récupération 3mn puis 1mn vite avec récupération 2mn puis 3mn allure dynamique avec récupération 2mn puis à nouveau 20s vitesse maximale avec 2mn récupération puis 3mn au train avec récupération 2mn puis 1mn rapide avec récupération 4mn et recommencer
  • 20mn d’échauffement puis 2mn – 4mn – 1mn – 5mn  – 2mn – 4mn – 4mn- 2mn avec une récupération au trot pendant 1mn ou 2mn entre les efforts.
  • 20mn d’échauffement puis 1mn – 2mn – 3mn – 4mn – 5mn – 4mn – 3mn – 2mn – 1mn avec une récupération au trot pendant 1mn ou 2mn entre chaque effort
  • 20mn d’échauffement puis 2mn – 3mn – 1mn – 5mn – 2mn – 3mn – 4mn – 1mn avec une récupération au trot pendant 1mn ou 2mn ou 3mn selon la durée des efforts

On voit que les séances peuvent être variées à l’infini dans les temps d’effort (de 10s à quelques minutes) ainsi que pour les allures et la durée de la récupération.

Si le fartlek a été créé pour les coureurs de haut niveau, cette méthode peut très bien être utilisée par des coureurs loisirs car chaque coureur peut structurer sa séance en étant libre de courir à l’allure qu’il veut quand il veut, accélérer, ralentir, sprinter puis récupérer en trottant ou marchant.

L’idée de Gosse Holmer était révolutionnaire pour l’époque mais aujourd’hui encore le fartlek reste pour les coureurs de demi-fond et fond, l’entraînement de vitesse le plus accessible, le plus ludique, avec ou sans coach, à l’instinct et bien entendu des variations à l’infini.

A vous de jouer !

Osez le fartlek !

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