Le b.a.-ba des ischios blessés

Après une coupure totale ou partielle d’entraînement (typique du post-confinement), les principaux groupes musculaires impliqués dans la course à pied se retrouvent exposés à un risque accru de blessure.
Quid du groupe des ischio-jambiers : quels types de blessure, quelles rééducations ? Explications et infographie.

Les blessures aux ischio-jambiers sont courantes dans les sports qui impliquent des courses à grande vitesse. Elles sont une raison majeure d’entraînements / compétitions manqués.

Exemple : dans une série de compétitions internationales d’athlétisme tenues entre 2007 et 2015, les blessures musculaires en course à pied ont représenté 41% de toutes les blessures et les ischio-jambiers étaient le groupe le plus touché.

 

Ces dernières années, le système de référence de Munich servant à classifier ces blessures musculaires, s’est vu réviser et relayer par le BAMIC (British Athletics Muscle Injury Classification), qui s’appuie sur 2 informations obtenues par IRM :

  1. La localisation de la blessure, qui est soit myofasciale, soit à la jonction muscle-tendon, soit intratendineuse
  2. L’étendue de la blessure, qui est notée de 0 à 4

 

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De ces 2 informations dépend le temps nécessaire pour le sportif pour revenir à un entraînement normal, ainsi que le risque de récidive.

 

Plusieurs programmes de rééducation ont été publiés pour les blessures aux ischio-jambiers mais pas spécifiquement en rapport à une classification des blessures. Autrement dit, aucun programme de rééducation ne donne de lignes directrices qui croisent les connaissances sur la spécificité des blessures et sur la spécificité des différents muscles ischio-jambiers.

 

Face à cela, une équipe d’experts anglais a souhaité partager sa propre expérience en proposant une façon de relier :

– Les principes généraux de la rééducation des blessures aux ischio-jambiers

– Les 3 types de blessures évoquées (myofasciale, jonction muscle-tendon, intratendineuse)

Cette proposition est faite en 2 parties.

 

 

PARTIE 1 : 6 principes généraux de gestion de la rééducation des blessures aux ischio-jambiers pour le coureur

 

Principe n°1 : Établir une classification des blessures

L’équipe d’experts donne la priorité à l’évaluation clinique (historique de la blessure + examen clinique) puis, dans les 72h, aux imageries par ultrasons et IRM. L’IRM fournit certes un pronostic limité et moins pertinent qu’une approche plurielle, mais son utilisation est justifiée par le fait que l’examen clinique peut ne pas être en mesure de discerner une lésion tendineuse – qui est une blessure importante.

 

 

Principe n°2 : Faciliter la collaboration entre science et médecine du sport

Les équipes scientifique et médicale ont intérêt à collaborer dans un même modèle intégré de santé et de performance. Cela donne du sens à la classification : les rôles et les stratégies peuvent être régulièrement redéfinis pour s’adapter à la spécificité des tissus touchés. Par exemple, l’équipe de nutrition fournit des directives ciblées tandis que l’équipe de médecine s’occupe de la gestion de la douleur.

 

 

Principe n°3 : Impliquer le coureur dans la prise de décision

Lors de la gestion de la blessure, le rôle de l’équipe médicale est de fournir au coureur (et à son entraîneur, s’il en est) :

– Des informations expertes sur le diagnostic

– Les avantages et les risques des différentes stratégies

Lorsqu’un retour rapide à la pratique est requis, ce processus de « décision partagée » permet de trouver un compromis entre un retour précoce à la pratique et le risque de récidive, ainsi que d’adopter une position assumée par chacun.

 

 

Principe n°4 : Entraîner le mouvement ET les muscles

Les ischio-jambiers sont constitués de 3 muscles individuels, chacun ayant une fonction liée à son anatomie et un pattern de contraction spécifique. C’est pourquoi les exercices prescrits doivent être ciblés sur le muscle blessé. Par exemple, à haute allure de course :

– Le biceps fémoral (BF) est exposé à la plus grande contrainte. Il est surtout activé pendant la phase d’accélération.

– Le semi-tendineux (ST) est soumis aux plus grandes vitesses d’allongement. Il est surtout impliqué à vitesse maximale.

– Le semi-membraneux (SM) agit principalement comme producteur de force. Il joue un rôle important dans l’absorption et la génération de puissance à l’appui.

 

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La foulée étant un mouvement complexe et coordonné, il est essentiel de rétablir une coordination ‘normale’ post-blessure par l’intermédiaire d’exercices techniques (« drills ») sollicitant le contrôle moteur du coureur.

À l’échauffement, les drills permettent de charger progressivement le muscle en condition réelle (l’augmentation de la vitesse de mouvement et l’allongement du muscle étant 2 caractéristiques importantes de la charge).

 

Quel objectif recherché ?

Étant donné qu’une moindre flexion de hanche s’installe après une blessure aux ischio-jambiers, les drills devraient chercher à augmenter la flexion de hanche et la capacité à appliquer une force sur une direction horizontale.

 

 

Principe n°5 : Des exercices de force ayant un but spécifique

La complexité de la fonction des ischio-jambiers est bien connue, autant en termes anatomiques que fonctionnels. Face à la blessure, 2 axes de travail sont proposés par l’équipe d’experts :

– Prioriser la fonction excentrique (ie, que le muscle supporte une charge tout en s’allongeant)

– Avoir un travail de force isométrique (ie, le muscle subit une charge et sa position reste fixe)

 

L’entraînement excentrique

     a) développer une grande force excentrique

Les forces excentriques sont importantes en course à haute vitesse, notamment en phase terminale du retour aérien de la jambe. Être capable de produire une grande force excentrique réduit aussi les risques liés à l’âge ou aux antécédents – qui sont 2 facteurs non modifiables de blessure. À l’inverse, avoir un déficit et/ou une asymétrie des forces excentriques entre les 2 jambes implique un risque de récidive.

Avec ceci en tête, l’entraînement excentrique devrait être un élément clé de la rééducation (et de la prévention) des blessures aux ischio-jambiers.

 

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     b) augmenter la longueur des faisceaux pour avoir des muscles longs ET forts

Les blessures aux ischios engendrent des changements dans sa structure (raccourcissement des faisceaux) qui peuvent prédisposer le coureur à se blesser à nouveau. L’entraînement excentrique a l’intérêt d’augmenter cette longueur de faisceaux, ce qui peut réduire le risque de blessure mais aussi permettre au coureur de produire de la force malgré un muscle étiré.

Il est bien établi que l’exercice « Nordic hamstring » est efficace pour cela. D’ailleurs, de récentes études ont démontré que même un faible volume (2 x 4 répétitions, 1 fois par semaine) induit des améliorations et permet de limiter l’effet de désentraînement.

 

L’entraînement isométrique

     a) développer la résistance à la fatigue

La fatigue est régulièrement associée à des lésions aux ischio-jambiers. Si ces blessures sont plus fréquentes chez les footballeurs, elles le sont aussi en athlétisme notamment dans le dernier tiers des séances avec de hautes allures, et notamment chez ceux souffrant d’un déficit d’endurance de force (les muscles se fatiguant plus tôt et présentant des patterns d’activation modifiés).

Face à cela, l’entraînement des ischio-jambiers en condition de fatigue a démontré des effets positifs sur la réduction des blessures et la fonction musculaire (eg, une meilleure synchronisation des 3 muscles). Pour améliorer l’endurance des ischios, soutenir l’exercice de la chaise romaine à une jambe (ci-dessous) est efficace (ie, contraction longue, repos court).

 

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     b) dépasser le mécanisme d’inhibition musculaire

Les athlètes ayant des antécédents de blessure aux ischio-jambiers présentent des réponses chroniques à la douleur. Plus précisément, même après l’étape durant laquelle le muscle se protège en réduisant son activité électrique, on continue d’observer une inhibition durable des ischio-jambiers, ce qui peut compromettre la rééducation.

Face à cela, le groupe d’experts suggère de prioriser un entraînement isométrique avant les exercices excentriques car il a été démontré que :

– l’activation musculaire volontaire est plus élevée lors de contractions isométriques

– l’inhibition musculaire apparaît surtout sur des mouvements excentriques

 

 

Principe n°6 : Adopter une approche complexe du risque de blessure

La rééducation d’une blessure aux ischio-jambiers est l’occasion d’aborder les facteurs de risque potentiels qui peuvent être présents dans le programme d’entraînement, le système musculo-squelettique du coureur et/ou son mode de vie.

À ce sujet, le groupe d’experts choisit de prioriser 2 facteurs par rapport à la gestion des blessures aux ischio-jambiers.

 

La colonne

Les ischio-jambiers jouent un rôle stabilisateur sur le bassin, et un mouvement aberrant du bassin ou une perte de force en fermeture peut augmenter la tension sur les ischios. Si l’on manque de preuves pour soutenir l’idée qu’une gestion appropriée de la colonne vertébrale est une composante de la rééducation des blessures aux ischio-jambiers, en pratique, l’équipe d’experts préconise quand même un programme holistique d’entraînement de la force de la région lombo-pelvienne. Par exemple, des tests tels que l’élévation active de la jambe d’attaque ont démontré leur validité et peuvent être utilisés pour évaluer l’amélioration de la fonction lombo-pelvienne.

 

La hanche

La hanche est cruciale pour le fonctionnement optimal des ischio-jambiers. D’une part la faiblesse du grand fessier est un facteur de risque de blessure (ie, compensation par les ischios), d’autre part un symptôme commun chez les athlètes est une réduction de la flexion de la hanche (ie, moindre fermeture jambe-tronc). Or, à haute allure, cette moindre flexion s’accompagne généralement d’une compensation par rotation pelvienne, ce qui augmente la tension sur les ischio-jambiers.

Ce constat explique pourquoi la prise en charge (non chirurgicale) des morphologies « restrictives » est conseillée après une blessure aux ischio-jambiers.

 

 

PARTIE 2 : Recommandations spécifiques pour la rééducation des ischios basées sur le BAMIC

Pour chacun des types de blessure évoqués (myofasciale, jonction muscle-tendon, intratendineuse), les éléments présentés vont maintenant être intégrés en rééducation.

 

Classification A : blessure des fascias 

Présentation clinique

Cette blessure peut se manifester par une douleur soudaine ou progressive à l’arrière de la cuisse pendant ou même après l’effort. Les performances lors de tests d’amplitude de mouvement et de force sont souvent maintenues (probablement car les déchirures fasciales épargnent le bloc muscle-tendon) malgré une douleur étendue car le fascia est richement innervé.

 

Physiologie de la guérison

Les fascias entourent les groupes musculaires et, ainsi, assurent stabilité et coordination. Ils sont constitués de plusieurs couches de fibres de collagène très innervées glissant les unes sur les autres. Cela rend la guérison du fascia différente de celle des muscles et tendons : elle passe par une phase inflammatoire initiale suivie d’une fibrose et d’un pic de production de collagène. Le tissu cicatriciel atteint 50% de sa force maximale après 7 jours et 100% après 3 semaines.

 

Progression de la rééducation

     a) en course à pied

Les blessures myofasciales les plus fréquentes sont légères mais celles de grade supérieur suivent les mêmes principes de progression : étant donné la guérison relativement courte, une progression rapide vers des activités fonctionnelles peut être réalisée, notamment par des exercices de course. Des stratégies de gestion de la douleur (antalgiques ou thérapie manuelle) peuvent être utilisées pour faciliter ce retour fonctionnel.

Puisque l’athlète aura tendance à limiter sa flexion de hanche pour réduire la tension sur les ischios, il est important que les exercices cherchent à travailler cette amplitude de flexion de même que la vitesse d’extension de hanche.

Enfin, les drills précéderont les allures rapides et pourront être réalisés malgré une douleur modérée (4-5 sur une échelle de 10) – qui se dissipe généralement au cours de la première semaine. Lors de l’exécution de ces exercices, le sportif doit se concentrer sur des points précis :

 

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     b) en musculation

Comme le bloc muscle-tendon n’est ici pas blessé, et que la force est souvent maintenue, le renforcement spécifique des ischio-jambiers n’est pas prioritaire. Plutôt, il est suggéré un retour au programme habituel de musculation du coureur (avec une charge appropriée sur les ischio-jambiers) en parallèles des drills. Dès lors, la rééducation sera pleinement fonctionnelle.

 

Retour à la pratique

Pour une blessure des fascias, le retour est principalement basé sur l’examen de l’amplitude de mouvement, de la force, de la douleur à la palpation et du Askling H-test*, parallèlement à une bonne progression en course à pied.

Généralement, ces blessures présentent un faible risque de récidive.

 

* Allongé, effectuer une élévation jambe tendue la plus vite et la plus haute possible sans prendre de risque de blessure. On note alors l’amplitude et la vitesse d’exécution du mouvement, et l’inconfort ressenti

 

 

Classification B : jonction muscle-tendon

Présentation clinique

Ces blessures sont généralement soudaines lors d’un mouvement à haute vitesse. La production de force et l’amplitude de mouvement se trouvent réduites car la capacité de contraction est diminuée et les fibres blessées sont douloureuses.

 

Physiologie de la guérison

Les résultats de recherche suggèrent que la cicatrice n’est plus le point le plus faible du muscle ~10 jours après la blessure. La maturation du collagène et la régénération des fibres sont bien avancées en début et fin de troisième semaine, respectivement.

De façon importante, la compréhension du rôle des cellules satellites représente le point d’entrée dans ce processus de réparation, à la fois pour une charge optimale et pour les interventions annexes. Par exemple, des stratégies nutritionnelles et thermiques (eg, séances en environnement chaud) jouent un rôle pour restituer la physiologie de l’unité muscle-tendon.

 

Progression de la rééducation

     a) en course à pied

Les exercices de course sont introduits à mesure que la marche devient indolore. Toutefois, la progression des exercices n’est généralement pas aussi rapide que pour les blessures fasciales en raison de la déchirure des fibres musculaires.

L’accent sera à mettre sur le maintien d’un niveau de douleur faible (<3 sur 10) pendant l’exécution. C’est pourquoi les exercices avec peu d’élongation des ischio-jambiers sont utilisés en phase initiale de cicatrisation des tissus. Les exercices dynamiques commencent, eux, lorsque la force et l’amplitude s’améliorent (environ le 5e jour).

En plus de ces marqueurs, le volume et l’intensité des exercices et un Askling H-test négatif sont des étapes clé pour ré-introduire de la vitesse de course.

La course en virage ou avec des pointes s’inscrit plus tard dans la rééducation étant donné les exigences biomécaniques imposées aux ischio-jambiers.

 

     b) en musculation

Pour cette blessure, la tête du biceps fémoral apparaît comme la partie la plus souvent blessée. C’est pourquoi le pattern de contraction est important à considérer lors du choix d’un mouvement : les exercices à dominante hanche chargent le muscle au niveau proximal (eg, soulevé de terre roumain à une jambe, extension de hanche à 45°, Glut-Ham raise), ceux à dominante genou chargent au niveau distal (Nordic hamstring).

Alors que les premiers pourraient générer une plus grande hypertrophie du biceps fémoral, les seconds génèrent la plus grande activation du muscle. Dès lors, des exercices ciblant la hanche et le genou seront complémentaires et nécessaires.

Un exemple de progressions d’entraînement (ci-dessous) comprend une combinaison d’exercices à dominante hanche et genou, des variations excentriques et isométriques, et le développement de force et de résistance à la fatigue. La prescription initiale se fait à des volumes plus élevés et à une charge plus faible, avec une augmentation progressive de la charge à mesure que la tolérance des tissus s’améliore.

 

Tableau. Progression de charge pour les ischios après une blessure distale moyenne au biceps fémoral

Semaine 1 2 3 4
But recherché

Réduire l’inhibition

 

Encourager la guérison des tissus

Développer la résistance musculaire à la fatigue

 

Insister sur les charges excentriques à dominante hanche

Poursuivre le travail excentrique sur des longueurs musculaires plus importantes

 

Augmenter la charge excentrique distale avec des mouvements à dominante genou

Augmenter la charge excentrique des mouvements à dominante genou
Stress d’élongation Bas Bas-Modéré Modéré Élevé
Intensité / Volume de la charge Basse/Élevé (4-5 séries) Modérée/Modéré (3-4 séries) Élevée/Modéré (3-4 séries) Élevée/Bas (2-3 séries)
Fréquence par semaine 3-4 3-4 3 2
Choix d’exercices

Hamstring curl (en isométrique)

 

Chaise romaine à 2 jambes (en isométrique)

 

Squat

 

Step-ups

Chaise romaine à 1 jambe (en isométrique)

 

Soulevé de terre roumain à 1 jambe

 

90/90 hamstring bridge

 

Hamstring curl plus étiré (en isométrique)

Soulevé de terre roumain à 1 jambe

 

Chaise romaine à 1 jambe (avec charge en plus)

Nordic hamstring

 

Soulevé de terre roumain à 1 jambe

 

Chaise romaine à 1 jambe (avec charge en plus)

Nordic hamstring

 

La vitesse de récupération musculaire (notamment après des contractions excentriques) suggère que des allures de course rapides ne sont recommandées ni immédiatement après, ni le lendemain, d’un entraînement intense en force des ischio-jambiers. Cependant, l’inverse est possible : le groupe d’experts souligne que l’ajout d’une séance de renforcement (même avec une charge excentrique) 1 à 2 heures après une séance de course génère une demande moindre sur les ischio-jambiers et n’entraîne pas de dommages accrus ni de perte de fonction.

 

Retour à la pratique

L’examen comprend ici les mêmes étapes que pour les blessures des fascias (amplitude, force, douleur, Askling H-test) mais en raison de la dégradation de l’unité muscle-tendon, une évaluation plus approfondie de la force excentrique des ischios est requise (comparaison aux valeurs de base et analyse de la symétrie des membres).

 

 

Classification C : Blessure intratendineuse

Présentation clinique

Les lésions intratendineuses surviennent généralement lors d’une production de force élevée et soudaine, comme en sprint ou même juste à haute vitesse.

Au départ, ces blessures impliquent une perte importante d’amplitude et de puissance, mais aussi moins de douleur qu’escompté (palpation + étirement). Ensuite, la vitesse à laquelle ces symptômes s’estompent peut s’avérer surprenante : si la lésion intra-tendon est partielle et que le bloc muscle-tendon est intacte, la production de force peut revenir rapidement.

Cependant, étant donné que le tendon joue un rôle croissant dans la production de force lorsque la vitesse de course augmente, le coureur pourrait se re-blesser si l’entraînement progressait trop rapidement. C’est pourquoi une rééducation « conservatrice » structurée et ciblée est préconisée.

À noter que l’intervention chirurgicale n’est pas recommandée comme traitement primaire pour ce type de lésions.

 

Physiologie de la guérison

La cicatrisation des tendons est bien différente de celle des muscles. Elle est caractérisée par la formation d’une matrice extracellulaire qui sera remplacée par la synthèse et le modelage de collagène ~6 semaines après la blessure pour permettre au tendon de retrouver sa résistance. La consolidation se produit au cours des 6 semaines suivantes et la maturation s’étend sur plusieurs mois.

 

Progression de la rééducation

     a) en course à pied

Pour éviter de se blesser à nouveau, une augmentation progressive du volume et de l’intensité d’entraînement est prescrite, avec suffisamment de temps passé à chaque étape pour accumuler des charges de travail chroniques élevées et éviter les pics de charge.

 

     b) en musculation

Il existe un ensemble de preuves suggérant que lors d’un mouvement dynamique, une augmentation de la longueur du bloc muscle-tendon se produit via le tendon tandis que le muscle reste isométrique.

En conséquence, et compte tenu de la physiologie de guérison plus lente décrite pour ce type de blessure, la mise en charge excentrique devrait être retardée (de 3 semaines environ) afin d’éviter d’exercer une contrainte mécanique excessive sur les structures tendineuses en réparation.

Les principales variables à prendre en compte ici sont les progressions de la charge, de la longueur musculaire et du mode de contraction (tableau ci-dessous).

Compte tenu du processus de guérison du tendon, une charge chronique (durée >12 semaines) sera clé dans l’adaptation durable du tendon. Au cours de cette durée, la fréquence optimale de sollicitations des tendons a été suggérée de 36-72 heures entre les séances, afin de garantir la synthèse des tissus.

 

Tableau. Progression de charge pour les ischios après une blessure tendineuse proximale sévère au biceps fémoral

Semaine 1+2 3 4-5 6-7 8-9
But recherché

Réduire l’inhibition

 

Encourager la guérison des tissus

 

Éviter la tension sur le tendon

Introduire des contractions excentriques légères via des exercices à dominante genou

 

Développer la résistance à la fatigue

 

Augmenter la charge isométrique

Augmenter la charge excentrique à de faibles longueurs musculaires

 

Introduire des contractions excentriques légères sur des longueurs musculaires plus grandes via des exercices à dominante hanche

Augmenter la charge excentrique sur des longueurs musculaires plus grandes

 

Travail important de résistance à la fatigue et d’endurance de force

Charge excentrique élevée sur de grandes longueurs musculaires

 

Maintenir de fortes charges isométriques pour l’adaptation du tendon

Stress d’élongation Bas Bas Modéré Modéré-Élevé Élevé
Intensité / Volume de la charge Basse/Élevé (4-5 séries) Modérée/ Élevé (4 séries) Modérée/Modéré (3-4 séries) Élevée/Modéré (3 séries) Élevée/Bas (2-3 séries)
Fréquence par semaine 4 3-4 3 3 2
Choix d’exercices

Hamstring curl (isométrique-concentrique)

 

Mouvements en pont

Chaise romaine à 1 et 2 jambes (en isométrique)

 

90/90 hamstring bridge

 

Soulevé de terre roumain

 

Chaise romaine à 1 jambe (+ charge)

 

Nordic hamstring

 

Soulevé de terre roumain (charge)

 

Chaise romaine à 1 jambe (+ charge)

 

Nordic hamstring (+ volume)

Extension de hanche 45°

 

Extension de hanche avec câble à la cheville

 

Chaise romaine à 1 jambe (+ charge)

 

Nordic hamstring (+ charge)

 

 

Retour à la pratique

Les mesures les plus importantes sont les tests cliniques, fonctionnels et de force. Toutefois, étant donné le risque plus élevé de récidive pour ce type de blessure, d’autres informations sont utiles à la décision (figure ci-dessous).

une analyse biomécanique, pour comparer les temps de contact au sol et la longueur de foulée aux valeurs d’avant-blessure

un test de plaque de force, pour évaluer si les capacités de force requises pour les allures rapides ont été acquises (notamment pour le sprint)

l’utilisation répétée de l’IRM permet d’évaluer l’évolution de l’intégrité structurelle des tendons. Cependant, l’IRM peut ne pas être un bon corrélateur de la fonction des tendons et ne devrait donc pas être « le » facteur qui détermine la décision.

 

Avec ce type de blessure en particulier, une prise de décision partagée est de mise (sportif, cercle sportif et extra-sportif) car, parfois, la patience peut manquer pour assurer la guérison du tendon.

 

Complexité

de la blessure

CLASSE A CLASSE B CLASSE C

Complexité

du testing

Examen clinique Examen clinique Examen clinique
Évaluation de la force Évaluation de la force
IRM/Mécanique du mouvement

 

 

Pour conclure leur proposition de démarche, l’équipe d’experts tiennent à souligner son efficacité puisque « depuis la mise en œuvre de cette approche structurée et ciblée du diagnostic et de la réadaptation, notre audit sur les blessures a montré une nette réduction des taux de récidive ».

L’infographie ci-dessous résumé les stratégies proposées ci-dessus.

 

Infographie Ischios

 

 

Source : Macdonald, McAleer, Kelly et al. BJSM 2019

2 réactions à cet article

  1. Bonjour, j’ai des douleurs au quadriceps à chaque fois que je fais du sport sur plus d’une heure . Que dois-je faire pour que cette douleur s’arrête ?
    Bien à vous

    Répondre
  2. Bonjour,
    « Classification A : blessure des fascias »
    Est-ce que ce qu’on appelle parfois contracture entre dans cette catégorie. Je suis à j+4 d’une atteinte de ce type , douleur soudaine en course , bien que pas violente , sensation que le muscle se contracte. Arrêt immédiat de l’entraînement avec légère boiterie et amélioration de la marche progressive des j+1. Je m’interroge sur le protocole de reprise .

    Répondre

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