Forces mentales : lesquelles travailler pour franchir un cap ?

Oubliez l’idée que les champions ne doutent pas. Elle est fausse. Lorsque le coach anglais du triathlon distance olympique se rend au challenge opposant le recordman du miles aux meilleurs performers de la distance il y a de cela quelques années, et qu’il fait remarqué au coach du champion à quel point ce dernier est fantastique, il obtient comme réponse : « tu serais surpris mais il y a une heure encore, il était effrayé comme un chaton à la vue des performances des autres athlètes ! J’ai dû lui rappeler à quel point il était bon… »

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Scénario commun, notamment sur les épreuves de très longues distance (et en triathlon en particulier) où la réalité démontre le manque de confiance des athlètes en eux-mêmes. L’entraînement dans ces disciplines est si engageant que la sérénité éventuelle de l’athlète est complètement contrebalancée par les sacrifices réalisés et la rareté de l’échéance. D’autant plus en groupes d’âge en raison du faible nombre de compétitions annuelles qui limite l’expérience. Il y a peut-être aussi dans le lot une part de trait de personnalité perfectionniste… Dans ce cadre, se rassurer passe par le plan de course. Un plan millimétré, un plan maitrisé (parfois à excès). Mais un plan est « idéal » alors qu’une course est authentique. Une course est d’abord un test : le test de soi.

 

AVOIR SON PLAN IMPARFAIT ET DE LA RESSOURCE.

Imparfait. Voilà le plan qu’il est conseillé d’adopter, en tout cas d’accepter d’avoir. Mais ce n’est pas facile… « Imparfait » car il ne ressemblera pas à celui des autres, meilleurs comme moins bons. « Imparfait » car il ne collera pas à 100% à la réalité de la course, à ses événements prévisibles (la météo, les changements de pente) comme imprévisibles (les chutes, les oublis). Mais il devra être parfait pour vous ! Des champions comme Alistair Brownlee n’ont, par exemple, pas de scénario nutritionnel pré-établi en course – un point sur lequel l’athlète s’accorde une certaine spontanéité.

Quand on s’écarte du plan, cela peut alors être en termes de chrono, de timing nutritionnel, de sensations attendues, de niveau de satisfaction… Cet écart prévu / réalisé est source d’une anxiété souvent proportionnelle à la maîtrise du plan initial : « plus je m’écarte de ce que je pensais maitriser, moins cela me rassure ». C’est dans ce cadre de l’inconnu que les habiletés mentales prennent leur sens.

Les habiletés mentales sont toutes ces ressources/leviers qui permettent d’exploiter pleinement un potentiel ET qui se passent dans la tête : la confiance, la motivation, le focus, le control émotionnel, la résilience, la fixation de buts… en font partie. Elles permettent de performer sous la pression, de se dépasser malgré la douleur, d’être rigoureux dans son entraînement… bref, de passer de l’état d’anxiété face à un imprévu, à celui d’excitation pour pouvoir recoller à l’objectif initial.

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Ces forces ne fonctionnent pas sur le mode du « tout ou rien » : ce sont des capacités, donc elles se travaillent – même si on ne sait pas précisément combien de temps il faut pour les développer (du déclic jusqu’à plusieurs mois). On sait par contre qu’elles se développent sur la base de l’écoute de soi – par exemple pour établir son « propre plan imparfait », ou pour cibler les tactiques de course efficaces en accord avec ses forces et faiblesses physiques. « Connais-toi, toi même. »

1. Construisez donc un fil rouge plutôt qu’un plan. Le plan doit rester vague tout en étant enroulé autour du fil rouge : ciblez des zones d’intensité plutôt qu’une intensité fixe, ciblez les portions où vous pouvez changer de rythme et celles à respecter, celles où vous pouvez rêver et celles de concentration, ciblez vos besoins énergétiques sans vous enfermer dans un timing minuté, ciblez un niveau de douleur/d’effort par portion de course… mais laissez toujours la place à l’imprévu. C’est la 1ère étape, et souvent la seule nécessaire. Elle fait appel à de la fixation de buts.

2. Lorsque le fil rouge ne vous correspond plus (parce que les choses se passent vraiment bien, ou mal), misez sur l’initiative. La pertinence de cette initiative sera importante, elle sera à rapprocher des notions de clairvoyance, lucidité, justesse, qui sont malheureusement mises à mal pendant l’effort (voir Choisir ou subir pendant l’effort). Du coup, retenez ici qu’il y aura 2 forces à invoquer pour être sûr de ne pas vous égarer au moment de choisir : le contrôle émotionnel et la résilience. Ces habiletés mentales feront offices de garants en autorisant un maximum d’efficacité dans le calcul de la probabilité de réussite de vos choix. Notez pourtant que ces habiletés seront plus dur à exploiter si vous êtes compétiteur i.e., enclin à vous laisser porter par les comportements des autres.

3. Puis place aux habiletés de mises en oeuvre : vos forces de motivation et de focus feront maintenant la différence. Autrement dit, après le cognitif, place à l’énergétique (mental). Plus vous parvenez à mobiliser de facteurs motivants, tout en parvenant à rester concentré dessus, plus vous irez vite et loin. Plusieurs techniques existent dans cette perspective. Une particulièrement efficace est celle des 3P :

  • Visualiser des images Positives (à l’effort, le cerveau s’y confond et pourrait aimer cela),
  • S’auto-parler avec des mots Puissants (« John, ta puissance est impressionnante ! »),
  • Rester focus dans le Présent (rythmer sa cadence, sa respiration…).

 

L’enjeu de ces démarches n’est pas vital, puisque certains athlètes font sans et avancent à leur rythme, intuitivement et avec efficacité malgré tout. En revanche, pour tous, le travail des habiletés mentales, s’il peut permettre la réalisation ponctuelle d’un « personnel best », garantit au moins toujours un facteur de satisfaction : la régularité.

Ci-dessous un exemple de questionnement à réaliser pour se situer et orienter les axes de travail :

Cyril Schmit

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