Femmes, performance et pilules contraceptives

Le geste est banal et pourtant il affecte les hormones. La prise de pilules contraceptives est en effet une pratique courante aux effets variables, et pourtant encore peu connus lorsqu’il s’agit de performance.

Femme escalier

Dans un récent audit réalisé auprès de 430 athlètes élites féminines, 213 d’entre elles utilisaient des contraceptifs hormonaux.

Ce qui signifie que près de la moitié de la population interrogée n’avait pas de cycle menstruel naturellement régulé.

Parmi ces 213, 145 (68%) athlètes ont déclaré prendre des pilules contraceptives orales (PCO), ce qui en faisait le contraceptif hormonal le plus utilisé.

 

Outre le contrôle de la fertilité, les PCO sont utilisées pour réduire la tension prémenstruelle, les fibromes symptomatiques ou encore les maladies bénignes du sein. De façon générale, les femmes sportives déclarent aussi les utiliser stratégiquement pour manipuler le moment des règles. Ces dimensions de contrôlabilité et de soulagement font des PCO une option « souhaitable » pour de nombreuses athlètes.

 

Malgré cette prévalence d’utilisation, les effets des PCO sur la performance restent encore mal compris. Ce n’est pas faute que de nombreuses études expérimentales, revues et livres aient effectivement abordé ce sujet. En réalité, peu d’athlètes, entraîneurs, praticiens ou chercheurs comprennent véritablement les implications des PCO sur les performances dans la mesure où les études réalisées ont montré des résultats contradictoires sur la fonction musculaire, la capacité aérobie et anaérobie ou encore les performances.

 

En un mot, aujourd’hui, il est donc difficile de fournir des conseils utiles à la communauté sportive sur la manière d’utiliser les PCO.

 

Face à ce constat, une revue de la littérature – présentée ici – réalisée sous forme de méta-analyse, a été entreprise afin de comparer les effets des PCO sur la performance sportive :

1- chez des femmes utilisatrices VS. non-utilisatrices

2- lors de phases de prise VS. non-prise, pour un même groupe de femmes

 

Au total, ce sont 42 études et 590 participantes qui ont été considérées.

 

Dans l’ensemble, les résultats de la méta-analyse indiquent que les PCO pourraient, en moyenne, avoir un impact légèrement négatif sur les performances, même si d’un point de vue pratique l’ampleur et la variabilité des réactions individuelles peuvent justifier son usage. Par manque de similarité entre tous les protocoles réalisés, l’usage des PCO devrait donc être guidé par :

– Les besoins individuels : contraceptif, médical,…

– Les réactions : dans quelle mesure les femmes pourraient être affectées

 

Si l’on dépasse les résultats généraux, plusieurs autres points sont présentés. Tout d’abord, la baisse considérable, et chronique, des concentrations endogènes de progestérone pourrait être la cause de la baisse possible de performance chez les utilisatrices de PCO. Cette mesure hormonale est en effet plus basse chez les femmes utilisatrices VS. non-utilisatrices, et plus encore, elle reste basse chez les femmes utilisatrices après la prise de PCO, même au cours de la période de non-prise !

 

Le mécanisme à l’origine d’une baisse de performance pourrait être le suivant. En complétant le travail des glandes gonadotropes, les PCO affecteraient l’axe hypothalamo-pituitaire-ovarien, dont les effets sur la capacité de ventilation et l’utilisation des ressources énergétiques impacteraient finalement la performance d’endurance.

 

Les effets sur la performance, s’ils sont présents chez la sportive, sont alors logiquement médiés par une baisse de sa VO2max (moindre capacité à transporter et utiliser l’oxygène au niveau des muscles). Celle-ci peut aller de 5% à 11% selon la durée de la prise de PCO (de quelques jours à quelques semaines).

Pour leur part, les performances anaérobies/de force semblent moins sujettes à la modification hormonale ovarienne.

 

Si le doute persistait encore, les auteurs de l’analyse rappellent aussi que les PCO ne devraient pas être considérées comme des « suppléments » capables de booster la performance.

 

Ils pointent aussi du doigt la dimension triviale des résultats observés sur la performance. Certes ils montrent un effet négatif, mais plutôt que de décider de l’usage ou non de PCO par rapport à leurs effets la performance, chaque sportive devrait aussi considérer leurs avantages connus. Le soulagement des symptômes de crampes et de ballonnements, l’évitement d’une grossesse non-anticipée, et d’autres intérêts (aspects financier, émotionnel, pratique) pourraient effectivement changer la donne.

 

Dans ce contexte, aux auteurs de conclure que « d’un point de vue pratique, comme les effets ont tendance à être triviaux et variables selon les études, il semble qu’il n’y ait pas de preuves en rapport à la performance qui justifient une décision générale quant à l’utilisation des PCO. Il convient donc d’adopter une approche individualisée, basée sur la réaction de chaque athlète à leur utilisation ainsi que sur d’autres facteurs tels que leur objectif principal d’utilisation de PCO et leur expérience des cycles menstruels naturels. »

 

Source : Elliott-Sale et al. Sports Medicine, 50, 2020

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