Émilie Morier : « La qualification olympique revêt un gros enjeu, pour moi ce n’est pas un stress mais plutôt un challenge. »

10 ans déjà ! En ce mois d'avril, le site Lepape-info créé lors du Marathon de Paris 2011 fête son 10ème anniversaire. L'occasion d'échanger avec les spécialistes des disciplines que nous traitons régulièrement.
La triathlète française Émilie Morier championne du monde espoirs et de relais mixte 2019 se confie sur ses ambitions olympiques et l'évolution de son sport ces 10 dernières années. 10 ans, 10 questions. Entretien.

Crédit photo : ©Thierry Deketelarere / Triathlete Magazine

Lepape-info : Émilie, comment se profile pour vous ce début de saison olympique ? 

Émilie Morier : Tout se passe très bien. J’ai profité de cette période particulière de crise sanitaire pour passer des caps à l’entraînement. J’en suis encore au début de ma carrière, dans chaque discipline il y’a beaucoup de travail et des niveaux à passer, j’ai su garder ma motivation. J’ai intégré en juillet 2020 le groupe d’entraînement de Joël Filliol avec des nouveautés, de l’excitation et le fait que je puisse côtoyer les meilleur(e)s de la discipline comme les deux actuels  champions du monde (Vincent Luis et Katie Zaferes) avec qui il y a beaucoup à apprendre. On a 100% confiance en l’entraîneur et aux partenaires d’entraînement je ne peux pas rêver mieux, je suis la benjamine du groupe, j’observe beaucoup afin d’aller chercher plus tard je l’espère les mêmes résultats que les plus grands.

 

Émilie Morier : « J’ai gagné en consistance d’entraînement… Je n’ai eu aucune blessure et cela change vraiment un hiver, toutes les séances ont été faites, il n’y a pas eu un footing de manqué, la préparation fut optimale. »

 

Lepape-info : Comment se passe l’organisation au sein du groupe ? 

E.M : J’ai pu m’entraîner avec eux en août dernier avec ensuite la reprise des compétitions. Après nous avons tous été séparés avec les restrictions sanitaires. C’est seulement maintenant en avril que 80% de l’équipe va pouvoir enfin se retrouver. Pendant plusieurs mois, chacun a du se préparer dans son pays. Cela fait un mois que je suis basée sur Gérone (Espagne) avec une petite partie du groupe et c’est là que j’ai envie de préparer le projet olympique.

 

Lepape-info : Ce changement de structure était calculé avant les Jeux 

E.M : Le report des Jeux l’an passé m’a incité à me poser beaucoup de questions sur ce que je pouvais améliorer au niveau de l’entraînement et de l’équipe que j’avais autour de moi. J’avais besoin d’acquérir de l’expérience auprès des plus grands. Cela fait bientôt 10 ans que j’ai vraiment commencé ma carrière mais avec seulement 2 années en tant que professionnelle, je me suis dit qu’il n’y avait pas mieux d’intégrer un tel groupe pour être prête pour les Jeux Olympiques de Tokyo.

 

Lepape-info : Ce report des Jeux fut une bonne chose en fin de compte pour vous

E.M : Un an de plus de maturation psychologique avec le report des Jeux c’est une bonne chose, en plus c’est assez long en triathlon de prendre ses marques, trouver sa stabilité, son équilibre lorsque vous changez de structure. Ce fut un an intense mais bénéfique. J’ai gagné en consistance d’entraînement avec entre 25 et 30 heures par semaine notamment depuis le mois de janvier et je pense que cela va se répercuter en compétition. Je n’ai eu aucune blessure et cela change vraiment un hiver, toutes les séances ont été faites, il n’y a pas eu un footing de manqué, la préparation fut optimale.

 

Lepape-info : Quel est votre programme de retour à la compétition en vue de la sélection olympique ?  

E.M : J’ai prévu de participer aux 2 étapes du World Triathlon Championship Series de Yokohama (15-16 mai) et de Leeds (5-6 juin). La reprise est plus tardive que d’habitude, il y a de l’excitation. Je m’entraîne dur pour la compétition et j’ai vraiment envie de mettre en lumière tous les progrès réalisés dernièrement. La sélection pour les Jeux se fera évidemment sur ce début de saison, nous sommes toutes à des niveaux équivalents, nous avons toutes nos points forts. Les classements en 2020 ont été gelés du coup les performances de 2019 compteront aussi mais ce début de saison est crucial en vue des Jeux. Pour l’instant nous sommes 4 Françaises pour 2 places dans l’attente éventuelle d’un quota supplémentaire pour une 3ème place. La qualification olympique revêt un gros enjeu, pour moi ce n’est pas un stress mais plutôt un challenge.

 

TRIATHLON WORLD GRAND FINAL 2019
Émilie Morier championne du monde espoirs 2019 – Crédit photo : ©Thierry Deketelarere / Triathlete Magazine

 

Lepape-info : Que retenez-vous de vos 10 dernières années en tant que triathlète ? 

E.M : C’est en 2014, l’année où j’obtiens mes 2 médailles aux Jeux Olympiques de la Jeunesse (or en relais et bronze en individuel), que je me suis dit que le haut-niveau pouvait m’intéresser. En 2015 j’accède au Pôle France et j’apprends le quotidien, la vie de triathlète de haut-niveau. En 2019 je choisis de créer ma propre équipe, ma structure pour avoir cette liberté de pouvoir choisir avec qui je veux travailler. Je deviens championne du monde Espoirs et avec le relais mixte de l’équipe de France. En 2020, je rejoins le groupe de Joël Filliol pour acquérir plus d’expérience et me rapprocher du meilleur niveau mondial. Avant mes 14 ans (il y’a plus de 10 ans), mes entraînements étaient vraiment dans un registre ludique, c’était un jeu ensuite j’ai constaté une nette progression. Depuis l’âge de 6 ans quand j’ai commencé le triathlon il n’y a jamais eu d’étape de sautée, c’est assez motivant. Chaque année il y a eu des paliers de franchis à tous les niveaux (carrière, image, mental, relation avec les médias…)

 

Émilie Morier : « La Fédération française de triathlon a voulu dédramatiser la discipline… Beaucoup ont compris que le triathlon était à leur portée, l’image surhumaine d’avant était principalement due à l’Ironman. À présent il y’a de multiples et différents formats accessibles. »

 

Lepape-info : Quel regard portez-vous sur l’évolution du triathlon ces 10 dernières années ? 

E.M : Pour moi le triathlon a énormément évolué. Avant lorsque l’on parlait de triathlon il fallait rappeler les 3 disciplines comprises dans un triathlon. Maintenant tout le monde connaît le triathlon et l’Ironman. La couverture médiatique à la télévision avec notamment les retransmissions de certaines épreuves sur la chaîne l’Equipe, l’engouement des partenaires qui ont envie de suivre le triathlon, le fait que cela soit un sport olympique, la perspective des Jeux Olympiques 2024 à Paris font que tout va dans le bon sens pour faire connaître ce sport. Avec Vincent Luis (double champion du monde) qui a fait évoluer l’image du triathlon, le relais mixte trois fois champion du monde forcément quand il y a des résultats, les Français ont aussi envie de suivre l’équipe de France.

 

Lepape-info : Le triathlon est devenu un sport plus abordable par tous comme le fut le marathon il y’a quelques années ?  

E.M : Complètement, la Fédération française de triathlon a voulu dédramatiser la discipline connue avant surtout et quasiment qu’à travers l’Ironman. Maintenant il y a beaucoup de femmes qui s’y mettent, le triathlon est devenu un sport varié vu comme un défi. Beaucoup de personnes veulent à présent faire un triathlon au moins une fois dans leur vie et se fixe ainsi un objectif personnel ou collectif comme la cohésion de groupe. C’est devenu un challenge assez intéressant pour les entreprises. Se challenger de cette façon est à la portée de tout le monde parce qu’il y a différentes distances et du coup le triathlon est de plus en plus adopté, le nombre de licenciés a sensiblement augmenté. Les 3 sports du triathlon sont assez communs et abordables. Beaucoup ont compris que le triathlon était à leur portée, l’image surhumaine d’avant était principalement due à l’Ironman. À présent il y a de multiples et différents formats accessibles.

 

Lepape-info : La proportion hommes / femmes a t-elle évolué dans le triathlon ces dernières années ? 

E.M : De plus en plus de femmes pratiquent le triathlon. Par ailleurs, il n’y a jamais eu de déséquilibre en terme de reconnaissance entre les hommes et les femmes dans le triathlon que ce soit au niveau des primes de courses, de l’engagement des partenaires alors que dans d’autres sports les femmes n’ont pas leur place, ou alors il y a des inégalités comme dans le vélo parce que la densité n’est pas la même. Mais on constate que dans le sport d’une manière générale la balance commence à se rééquilibrer progressivement.

 

Lepape-info : Quel est votre rêve dans les mois, les années à venir ? 

E.M : Je rêve d’être à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Tokyo en étant satisfaite de tout ce qui a été accompli lors de mes deux dernières années. Je n’ai pas envie de parler obligatoirement de médaille, oui elle est est dans ma tête mais le plus important est de ne pas avoir de regret avec oui bien sur avec si possible une médaille autour du cou notamment celle du relais mixte, on pense aussi à la double médaille avec les JO 2024 de Paris.

Réagissez