Mekdes Woldu nouvelle détentrice du record de France du 10 km en 31'01.

Mekdes Woldu : « Papa, je l’ai fait, c’est pour toi… c’est pour lui que j’ai fait ce record. »

Mekdes Woldu 6e de la Tokyo Speed Race organisée par son équipementier Asics a couru le 10 km en 31’01 améliorant de 14 secondes le record de France de la discipline sur route établi par Liv Westphal et récemment égalé par Sarah Madeleine en 31’15.

Déjà détentrice des records de France du marathon et du semi-marathon, Mekdes Woldu tout juste rentrée de Tokyo s’est confiée avec joie et émotion sur son nouveau chrono de référence. Entretien.

Lepape-info : Mekdes, que retenez-vous de cette course à Tokyo ?

Mekdes Woldu : Ce fut une journée exceptionnelle au niveau des émotions, réaliser ce record de France du 10 km au Japon, le pays de mon équipementier c’était extraordinaire, incroyable comme les Jeux olympiques de Paris (Mekdes Woldu avait terminé l’an passé 20e du marathon olympique). J’étais très concentrée, poussée par l’ambiance, tout était en place, je me sentais forte mentalement, je ne voulais pas de nouveau rater ce record qui m’avait déjà échappé dans le passé. C’était la première fois que j’annonçais avant une course que j’allais battre un record et je pense que cela m’a donné plus de confiance, je n’avais pas peur, je savais que tout était possible. Pendant la course où l’on faisait 7 fois et demi la même boucle l’ambiance était folle j’entendais des Français qui criaient « Allez Mekdes », cela me rappelait l’ambiance du marathon des Jeux de Paris.

Lepape-info : À l’arrivée vous sembliez étonnée du chrono réalisé

M.W : On avait travaillé dur avec mon entraîneur mais je ne m’attendais pas à réaliser 31’01, je pensais plus courir en 31’08-31’10, j’étais pas loin des premières, j’étais un peu choquée et finalement je me dis que j’aurais pu descendre sous les 31 minutes. Je suis tellement heureuse, à l’arrivée j’étais comme déconnectée de la réalité comme s’il n’y avait personne autour de moi, je parlais seule, je criais, je pleurais.

Lepape-info : Votre meneur d’allure était un coureur Espagnol, mais le Français Félix Bour qui devait accompagner Etienne Daguinos contraint à l’abandon après une chute vous a attendu pour vous rejoindre au 4e kilomètre.

M.W : Avec le meneur d’allure Espagnol on avait convenu de partir sur des bases de 3’06-3’07 au kilomètre et de finir fort à la fin. Au 4e kilomètre Felix Bour nous rejoint 1 km plus tôt que prévu (après l’abandon d’Etienne Daguinos) et à partir de ce moment tout a changé. Félix me parle et me dit : « Je sais que tu es forte, je sais que tu as des réserves et que tu peux faire ce record, encore mieux que ce tu peux. » À 2 kilomètres de l’arrivée, il m’a dit quelque chose que je garde secret mais qui m’a poussé comme jamais en me disant que je pouvais courir en moins de 3 minutes au kilomètre et c’est ce que l’on a fait sur la fin, on a couru le dernier kilomètre en 2’56-2’57 !

Lepape-info : Felix Bour vous connait parfaitement bien

M.W : Félix est comme mon frère, je le connais depuis tellement longtemps, on a passé beaucoup de moments ensemble lors des stages à Font-Romeu, nous sommes complices, j’adore sa façon de courir, sa foulée j’en ai déjà parlé dans une interview, il a participé aux Jeux olympiques de Paris, j’avais 2 meneurs d’allure avec moi c’était parfait.

Lepape-info : Après vos records de France du semi-marathon, du marathon que représente celui du 10 km ?

M.W : J’avais raté ce record de France du 10 km en 2022 (31’25 à Berlin), le parcours assez compliqué avait été modifié 3-4 jours avant la course en raison du COVID en Allemagne à l’époque. Au final j’avais échoué à 10 secondes du record de France, ce record est resté dans un coin de ma tête. J’ai essayé à nouveau à Lille en 2024 (5e en 31’46) mais je l’ai encore raté, je voulais vraiment ce record, de l’avoir enfin réalisé à Tokyo c’est quelque chose d’exceptionnel. Apres mon échec en 2022, j’étais au téléphone avec mon père (décédé en mai 2024) qui m’avait dit : « Ne t’inquiète pas tu vas le faire ce record ». Samedi, je n’ai pas eu la chance de lui dire en face mais je pense qu’il m’a entendu à Tokyo. À l’arrivée, j’ai tapé au sol et j’ai crié : Papa, je l’ai fait, c’est pour toi… » C’est pour lui que j’ai fait ce record. C’est pour cela que j’étais un peu ailleurs, pas vraiment avec les personnes autour de moi à l’arrivée.

Lepape-info : Autre symbole fort, la course de samedi avait lieu aux abords du stade où aura lieu les championnats du monde d’athlétisme en septembre prochain

M.W : C’était ma première à Tokyo, je sais maintenant à quoi ressemble le climat, comment se préparer, combien de jours il faut arriver avant la compétition et comment s’adapter à la vie sur place, ce qu’il faut manger… J’espère que je serai sélectionnée et ainsi retourner à Tokyo en septembre.

Lepape-info : Les Mondiaux seront sur marathon ou 10 000 m pour vous ?

M.W : J’espère pour l’instant que ce sera sur le marathon avec mon record de France en 2h23’13…

Lepape-info : Record de France à 2h23’13 mais à 2 minutes des très exigeants minima de la Fédération Française d’athlétisme (2h21’13 pour le marathon femmes) pour Tokyo

M.W : Lors des championnats d’Europe de course sur route en avril à Bruxelles, on a échangé avec la Fédération Française d’athlétisme et son président. Il nous a dit qu’il allait faire en sorte que je sois au départ, nous verrons, c’est mon rêve mais aussi de celui de Manon Trapp (2h23’38 à Séville en février dernier) et des marathoniennes à ce niveau. On a fait aussi quelque chose d’exceptionnel avec l’équipe de France féminine à Bruxelles en remportant la médaille de bronze par équipes sur le 10 km et j’espère que l’on se retrouvera à Tokyo sur marathon.

Lepape-info : Quelle est la suite de votre programme dans les semaines à venir ?

M.W : Le 18 mai je serai à Franconville sur 3 000 m avec mon club pour la finale des Interclubs, je vais retrouver ma « famille », la piste en portant le maillot de mon club que j’adore depuis 2013 et mon arrivée en France. Après nous verrons avec le coach, on va se poser, parler, voir ce que l’on peut faire sur piste, quelle course ? c’est un secret que je garde pour moi pour le moment (rires).