Coureurs d’ultra, apprenez à gérer vos ravitaillements !

On les attend avec impatience, on les voit arriver avec soulagement : sur une épreuve d’ultra, les ravitaillements ont une importance stratégique. Mais attention à ne pas tomber dans certains pièges.

Saucisson, quartiers d’orange, gâteaux… Ils sont là, sur la table de ravitaillement, et ne demandent qu’à être mangés. Et vous, coureur engagé sur une épreuve d’ultra (plus de 80 km que ce soit sur route ou trail), vous avez besoin de reprendre des forces. Problème : quels sont les aliments vraiment adaptés aux circonstances ? A savoir un effort physique intense, et de longue durée.

Ludovic Dilmi, spécialiste de ce genre d’épreuves (lire notre rencontre avec Ludovic et Christian Dilmi), tient tout d’abord à faire tomber un mythe qui consiste à croire que « le coureur de long serait capable de manger tout ce dont il a envie ». Faux, répond le médaillé de bronze aux Mondiaux de 24 heures en 2012 (voir son récit). « Sur mon premier 24 heures, en 2009, à Séné, je découvrais. J’ai mangé des choses auxquelles je n’étais pas habitué. Du jambon, du gruyère. Résultat : j’ai été pris de vomissements »

Conclusion : l’improvisation et ultra ne font pas bon ménage. « Compter sur les ravitaillements de l’organisation, c’est trop aléatoire. Quel que soit l’objectif, je conseillerais de venir avec ses propres ravitaillements. Il vaut mieux apporter quelque chose que l’on a l’habitude de manger ». Exemple : « Des pâtes froides que l’on met dans un sachet. C’est excellent ! On peut même les tremper dans du potage. Et ça ne coûte pas cher ! Sur l’UTMB 2013, je m’étais aussi préparé des sandwichs avec du pain de mie, du kiri et du jambon », lance Ludovic Dilmi, avant de livrer son sentiment sur les produits de diététique de l’effort (gels, barres, boissons, etc…) proposés par plusieurs marques. « Bien sûr, on peut toujours dire qu’avant, on courait sans. Mais personnellement, je crois qu’il faut en profiter. On a besoin de compléments en sucre, acides aminées, vitamine B1 (pour l’absorption des glucides). Une pâte de fruits, c’est bien, mais ça n’apportera jamais autant, et ça ne contient pas les ingrédients qui permettent d’absorber de manière optimale le sucre. En ce qui me concerne, sur les ravitaillements, je prends du consistant. Et entre-temps, des gels, pâtes de fruits, et de la boisson énergétique ».

« Sur un ultra, à un moment donné, on n’est plus dans le plaisir, et il faut l’accepter »

Evidemment, à chacun ses goûts, mais la qualité nutritionnelle des aliments doit être un critère de choix. Parce que « même à des allures faibles, la dépense énergétique peut être énorme sur un ultra ». L’objectif, c’est donc d’apporter des sucres à son organisme « dès le départ, sans attendre une sensation de faim » et de « retarder le plus possible le moment où l’on tape dans les lipides. Le cerveau ne fonctionne qu’au sucre. Si l’on n’en a plus assez, on sera moins performant en terme athlétique, mais aussi intellectuel. On peut se tromper, être moins vigilant, moins bien voir. Bref, on perd en lucidité et on se met en difficulté intellectuellement sur la course. Sur une épreuve d’ultra, ça arrivera de toute façon à un moment donné, mais une mauvaise alimentation accélère le processus ».

ravitaillement Ultra Marin Golfe du Morbihan 2013Et Ludovic Dilmi de poursuivre : « L’orange, par exemple, n’apporte rien en terme nutritionnel. Et c’est très acide, ça peut donner envie de vomir. Le saucisson n’a pas non plus d’intérêt.  D’autant que son absorption par l’organisme est lente. L’estomac travaille à digérer alors qu’on lui demande de courir ! ».

Mais quid du plaisir alors ? Tout en insistant sur le fait que « sur un ultra, à un moment donné, on n’est plus dans le plaisir, et il faut l’accepter », le spécialiste du 100 km sait bien que lors de tels efforts, certains aliments peuvent participer à rebooster le moral. Le ravitaillement est un « ilot de plaisir », lance Ludovic Dilmi qui conseille par exemple de se fixer un objectif intermédiaire à atteindre pour décrocher une sorte de récompense : « On peut tout à faire se dire : « après 50 kilomètres, je prends du chocolat, ou un gâteau plaisir » ». Et de raconter sa stratégie sur les stands de ravitaillement : « Je commence toujours par m’alimenter avec ce que j’ai emmené. Parce que c’est ce dont j’ai besoin. Et ensuite, je jette un œil à ce qu’il y a sur la table. Je peux me laisser tenter par une pâte de fruits, un ou deux bonbons, un petit morceau de gâteau. Ce qui me fait envie sur le moment. Mais de façon limitée parce que l’idée n’est pas de s’empiffrer! Et surtout, à ce moment-là, je suis en train de repartir sur la course, donc je ne m’attarde pas ».

Car que l’on soit à la lutte pour la victoire, ou que l’on se batte avec les barrières horaires, le chrono reste un élément à prendre en compte. D’autant que : « Sur un ultra, on perd la notion du temps ». Bien gérer son épreuve passe donc par une bonne gestion du ravitaillement. « C’est un élément de la course, il doit s’objectiver. Comme ça, on arrive en ayant l’esprit clair et idem quand on repart. C’est comme le passage au stand sur une course automobile. On fait le plein, on vérifie que tout va bien, et c’est reparti. Quel que soit son niveau, on ne doit pas passer des heures au ravitaillement, au risque de sortir de sa course ! ».

Enfin, au-delà des incontournables recommandations d’hydratation (boire toutes les 20 minutes, 500 ml/heure), celui qui a un record personnel à 7h03mn29s sur 100 km (Seregno-Brianza, 2012), incite chacun à se méfier tant du froid qui masque la sensation de soif, que de la sudation qui « fait perdre beaucoup de minéraux ». « Le bon réflexe, c’est de regarder vos bras. Si vous voyez des cristaux blancs sur votre peau, arrosez-vous, buvez. Mouillez également votre casquette pour faire baisser la température de votre corps ».

Des conseils que chacun doit évidemment ensuite s’approprier. Car les coureurs d’ultra le savent bien : chaque organisme réagit différemment. Et même avec l’expérience, il reste toujours une part d’inconnu…

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