Pourquoi tous les entraînements intermittents de haute intensité ne se valent pas ?

Dans les sports d’endurance nous associons souvent les entraînements intermittents de haute intensité autour de la VMA, comme un fourre-tout qui permettrait d’augmenter sa VO2max, la taille du moteur aérobie.
Pourtant, suivant la durée des efforts, des récupérations et de leurs intensités les adaptations physiologiques ne seront pas identiques.
Parfois même, vous augmenterez votre VO2max par des mécanismes différents qui auront plus ou moins d’intérêts suivant votre discipline, la période de votre planification ou votre profil. Suivez le guide !

La façon habituelle d’expliquer VO2max, la mesure canonique de la capacité aérobie, est qu’il est fonction de la rapidité avec laquelle vous pouvez pomper du sang riche en oxygène (O2) à destination des muscles sollicités.

Vous avez donc besoin d’une quantité importante de sang pour transporter ce volume important d’O2 et d’un cœur fort pour le pomper.

Et il est vrai que l’entraînement d’endurance, avec le temps, augmentera la quantité totale de sang circulant dans votre corps et la quantité que votre cœur sera capable de pomper à chaque battement.

Une équation plus vieille que les JO !

Cependant, ce n’est que la moitié de l’histoire ! En 1870, un médecin allemand nommé Adolf Fick a théorisé ce qui est désormais connu sous le nom d’équation de Fick, qui dit essentiellement que la quantité d’O2 que votre corps utilise est la quantité que votre cœur pompe moins la quantité inutilisée qui revient au cœur. Vos muscles ont peut-être besoin d’O2, mais s’ils ne peuvent pas l’extraire et le métaboliser (le transformer en énergie) avant que le sang ne passe, alors pomper plus vite n’aidera pas.

Cela signifie qu’il existe un ensemble d’adaptations qui déterminent votre condition physique aérobie, comme la densité du réseau de capillaires qui infiltre le sang dans vos muscles (votre autoroute artério-veineux), la quantité et l’efficacité des mitochondries (vos usines à O2 dans les msucles) qui alimentent en O2 les contractions de vos cellules musculaires, ou encore la masse totale d’hémoglobine correspondant à vos transporteurs d’O2.

Pour résumer un cours de physiologie sur la filière aérobie de plusieurs jours en quelques lignes, voici quelques points importants :

  • Vos réserves d’O2 intramusculaire sont très faibles, la simple myoglobine qui fixe de l’O2 et s’épuisera très rapidement.
  • Notre ventilation permettra donc via l’air ambiant de faire rentrer de l’O2 dans nos alvéoles pulmonaires, puis de le diffuser dans le sang via notre cœur.

Ce dernier via votre ventricule gauche débitera la quantité de sang nécessaire à l’effort physique demandé. C’est le débit cardiaque : le produit de vos battements cardiaques et du volume d’éjection systolique (la quantité de sang envoyé par le cœur).

  • C’est là où la physiologie et l’entraînement vont de pair, il va être nécessaire de passer cet O2 d’un milieu extra cellulaire à un milieu cellulaire (le muscle) et de la transformer en énergie (l’ATP).
  • Vous pouvez déjà noter pour les retardataires des précédents articles, que l’un des moyens les plus efficaces sur le long terme pour améliorer la capacité contractile de votre systole, son côté charnu, passera par des entraînements de basse intensité, sous le premier seuil. Et oui pour rappel, l’entraînement à cela de magnifique que toutes les pièces du puzzle ont leur intérêt. Aujourd’hui nous allons vous prouver qu’il est important de bien dessiner vos séances de hautes intensités, mais n’oubliez jamais les autres besoins. Donc pour éjecter d’importants volumes…il faudra avant tout passer du temps à basse intensité !
  • Revenons à nos moutons. Le débit maximal, soit la VO2max (où se démarque les sportifs de haut-niveau avec des valeurs 3 à 4 fois supérieures aux sédentaires) dépend de vos usines (la capacité de vos ouvriers, les enzymes, à consommer de l’O2).
  • L’équation de Fick correspond au débit cardiaque maximal (la quantité de sang envoyé vers les muscles sollicités et mesurée via des électrodes en laboratoire) multiplié par la différence artério-veineuse mesurée pour sa part via un cathéter.

Cette dernière correspond au travail de vos ouvriers dans leur capacité à utiliser l’O2 au niveau musculaire. Se sera leur travail dans l’usine mitochondriale. Le cathéter mesurera la différence entre le contenu artériel en O2 (qui arrive) et le contenu veineux en O2 (qui repart), soit la différence artério-veineuse en O2.

Comme un péage, moins il sera efficace à gérer le flux, moins il sera performant. Il sera donc important d’améliorer le niveau de compétences de ces ouvriers via l’entraînement.

Pour clôturer, il va donc être possible d’augmenter le nombre d’ouvriers et leur niveau de compétences. En délocalisant des usines pour augmenter leur nombre.

  • Il sera également possible d’essayer d’avoir plus de transporteurs d’O2, nous n’en parlerons pas ici, mais cela correspond typiquement aux adaptations visées en altitude par l’augmentation de la masse totale d’hémoglobine (les transporteurs) et en stimulant la synthèse d’EPO qui stimulera la production de globules rouges.
  • Ou encore créer plus de routes, en augmentant le réseau capillaire pour pouvoir acheminer potentiellement plus d’O2. 

Pour l’entraînement à basse intensité, je vous inviterai à lire ou relire nos articles précédents sur le sujet. Repassons aux intervalles à haute intensité.

2 types d’intermittents, des adaptations différentes et une meilleure VO2max !

Une nouvelle revue en médecine du sport, de Michael Rosenblat de l’Université Simon Fraser et de ses collègues de l’Université de Toronto et de l’Université Monash, approfondit cette question de l’entraînement par intervalles et de ses potentielles adaptations physiologiques différentes.

En clair, est-ce que chaque programme d’entraînement visant à augmenter votre VO2 max provoque-t-il les mêmes changements dans votre corps, ou existe-t-il des mécanismes différents (et peut-être complémentaires) avec différents styles d’entraînement ?

Le travail de Rosenblat regroupe les résultats de 32 études comparant deux familles particulières d’entraînement par intervalles.

L’un est l’entraînement de sprints par intervalles (SIT), qui implique des sprints maximaux durant généralement 30 secondes ou moins (jusque 40sec pur du haut-niveau), avec plusieurs minutes de récupération.

L’autre est l’entraînement par intervalles à haute intensité (HIT), impliquant généralement des intervalles d’une à cinq minutes à une intensité légèrement inférieure à proche de VMA.

Toutes les études examinent des mesures qui peuvent être regroupées en tant qu’adaptations centrales (par exemple, la quantité de sang disponible et la quantité que votre cœur peut pomper à chaque battement ou par unité de temps), qui déterminent la quantité d’O2 qui parvient à votre muscles; ou des adaptations périphériques (par exemple, la densité capillaire, divers marqueurs de la fonction mitochondriale), qui déterminent la quantité d’oxygène extraite du sang avant qu’il ne retourne se réapprovisionner.

Comme vous vous en doutez, il y avait beaucoup de chevauchement dans les résultats. Après tout, des intervalles de 30 secondes et des intervalles d’une minute correspondront plus à la comparaison entre deux variétés de pommes, que de pommes avec des poires.

Mais il y avait une tendance. Les entraînements HIT avaient tendance à produire des changements plus importants dans les variables centrales : seul le HIT modifiait la quantité de sang pompée par battement cardiaque ou par unité de temps. Et les entraînements SIT semblaient déclencher des changements périphériques plus importants dans la densité capillaire et la fonction mitochondriale.

Il est important de reconnaître les limites de la mise en commun des résultats de tout un tas de petites études avec des populations de sujets diverses et pour la plupart d’un niveau d’entraînement assez faible. Mais ils s’alignent sur une autre étude intéressante menée par des chercheurs de l’Université Western il y a dix ans, qui comparait les entraînements SIT (4 x 30 secondes de sprint, avec 4min de repos) à un entraînement continu plus long (30 à 60 minutes de course à une vitesse modérée).

Après six semaines, les deux groupes montraient des améliorations similaires de leur VO2max (11,5 contre 12,5%) et des performances sur un contre-la-montre de 2 000 mètres (4,6 et 5,9 %). Mais seul le groupe continu avait augmenté son débit cardiaque maximal, soit est la quantité de sang par minute pompée par le cœur à VO2 max vers les muscles sollicités.

Ensemble, ces deux résultats suggèrent que des efforts plus longs et plus lents avec moins de récupération augmentent la condition physique grâce à des adaptations centrales, tandis que des efforts plus courts et plus rapides avec plus des récupérations longues déclenchent des adaptations périphériques.

Bien sûr, ce n’est pas tout ou rien. Tous les types d’entraînement produiront des adaptations centrales et périphériques mais en pouvant appuyer plus sur l’une ou l’autre et dans celles-ci sur des facteurs parfois encore plus fins.

Mes tips !

Et cela va même plus loin, puisque deux sport scientists de renom, Paul Laursen et Martin Buchheit travaillant depuis de nombreuses années sur l’entraînement HIT chez les sportifs de haut-niveau de différents sports ont affiné ces réponses.

VMA longue ou courte :

Pour résumer il semble désormais très clair que des entraînements de VMA sur des intervalles longs, type 1’/1’ à 100-105% de VMA/PMA jusqu’à 3’/1’30-2’ à 90-95% de VMA/PMA « mettront plus l’accent » sur des adaptations centrales dans la capacité à transporter l’O2.

Lorsque des intervalles plus courts comme du 30’’/30’’ à 105-100% de VMA/PMA, 15’’/15’’ à 110-115% de VMA/PMA « favoriseront plus » les adaptations périphériques dans la capacité musculaire à utiliser l’O2.

Une fois que l’on a dit cela le champ des possibles devient infini. Déjà de notre point de vue, cela démontre qu’il serait une grande erreur de s’enfermer dans un type d’entraînement. Certes un trailer n’aura pas les mêmes objectifs qu’un miler. Mais, oublier certaines pièces du puzzle, devrait logiquement les empêcher l’un comme l’autre d’atteindre à terme leur plein potentiel.

Ensuite, se sera à vous de « jouer » en fonction de votre historique, votre discipline, vos besoins identifiés, le moment de votre saison, etc.

Par exemple pour des intervalles longs nous savons qu’il faut une intensité au moins équivalente à 90% de la vitesse à VO2max pour maximiser le travail visé. Qu’il faudra 2 à 3min pour atteindre un niveau physiologique suffisant en fonction du niveau de pratique. Mais vous pourrez aussi jouer à ce moment sur vos récupérations (leur durée, type et intensité) suivant le but recherché. Seulement une récupération active bien qu’elle pourrait augmenter certaines adaptations ne sera pas nécessairement adaptée à certaines niveaux, profils et tout simplement à la qualité et quantité d’intensité nécessaire.

Sur les intervalles courts, comme vous l’avez vu il faut privilégier une intensité de travail élevée : 100-120% de la vitesse/puissance à VO2max) pour atteindre une VO2 élevée.

Le volume de travail ne devra pas excéder 2,5 fois votre temps de soutien à VMA. Au-delà, cela sera souvent accompagné d’une fatigue des muscles ventilatoires qui joueront moins bien leur rôle et donc oxygéneront moins bien les muscles.

Idéalement, en période de développement, il serait nécessaire que vos blocs de travail soient d’au moins 4min (par exemple 8×30/30), simplement pour atteindre un niveau suffisant de sollicitation cardio-vasculaire (1’30 à 2min sur un effort continu pour approcher VO2max).

Ici sur des intervalles courts le travail cardiaque et donc les adaptations centrales seront moindres aux intervalles longs. Mais votre péage artério-veineux devra être des plus efficace, sinon malgré votre gros cœur vous prendrez vite le mur.

D’autre part la charge neuro-musculaire sera plus élevée et vous pourrez même la moduler par des changements de direction, de surface (bitume, tartan, gazon, sable) ou de mode de locomotion (course à pied, natation, vélo, rameur).

Ces axes sont évidemment plus développés par les sports collectifs…ou dans d’autres pays. Mais, nous ne sommes pas certains que refaire le même programme de VMA, au même endroit, à la même période et tous les ans ait un grand intérêt ?

Sprints longs par intervalles :

Et l’extrême du « péage » : les sprints longs. 20 à 40 sec à fond ! Entrecoupé de récupérations longues de 1 à 5min. Oui le % de sollicitation de VO2 sera faible, loin de VO2max, mais vous demandera une très forte demande en O2 au niveau musculaire.

Cela se rapproche de ce que pourrez réaliser des coureurs de 800-1500m, avec un shift progressif du métabolisme énergétique, une augmentation du métabolisme au fil de la séance et des répétitions qui obligera vos muscles à maximiser sa capacité à utiliser l’O2.

Evidemment elle seront associées à une forte contribution lactique, potentiellement augmentée par la durée des sprints et des récupérations. Soyez défensifs sur vos premières constructions de séance pour minimiser la perte de vitesse et du pattern de course pour l’individualiser au fil des séances à votre profil et vos progrès.  

Notre principal conseil est de ne surtout pas vous enfermer dans un type d’entraînement. Osez et soyez inventif !

Par ailleurs pour vous rassurer. : le HIT long ou les sprints répétés mettront pour chacun l’accent sur une adaptation. Mais ce n’est pas non plus noir ou blanc. Donc n’ayez pas peur pendant quelques semaines de quitter vos séances classiques pour mieux y revenir, armés de nouvelles armes.

Bonne séance !

2 réactions à cet article

  1. WOW!!!!! super article sur le sujet. En fait je considère que c’est l’article le plus pertinent que j’ai consulté sur le thème du développement aérobique. Je vous en remercie !!!

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  2. Une nouvelle fois pertinent, précis et accessible !
    Merci beaucoup pour tout ce que vous apportez (ici comme ailleurs) pour le développement du sport et de la performance chez le sportif amateur (entre autre).

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