Maintenant que vous avez parcouru les deux articles précédents sur le choix préférentiel entre la position assise ou danseuse et que vous avez cerné les aspects clés à travailler afin de progresser, il est temps de passer à l’action.
Je vous propose aujourd’hui trois types de séances d’entrainement pour vous aider à atteindre vos objectifs : une séance de musculation, deux séances spécifiques pour booster vos capacités anaérobies lactiques et une séance de travail en bosse, spécifique, ciblée et efficace.
De la musculation en veux-tu en voilà
Nous l’évoquions dans le 2e article, mais l’un des problèmes musculaires qui altère les synergies musculaires et la production de puissance, est la force de certains muscles, notamment ceux autour de trois articulations fondamentales que sont les articulations de la hanche, du genou et de la cheville et généralement les chaines postérieures.
Le gros avantage du corps humain est que ce dernier travaille en chaine, donc certains muscles en fonction du cycle de pédalage, vont avoir différents rôles, parfois fléchisseurs, parfois extenseurs ou simples stabilisateurs de l’articulation concernée.
Souvent, les cyclistes se limitent au travail des membres inférieurs, qui est certes primordial, mais oublient le haut du corps et notamment les chaines postérieures sur le tronc et la ceinture scapulaire.
Serait-ce les mêmes qui se plaignent de douleurs cervicales ? Ou qui, à l’image de Contador, grimpent en danseuse avec un dos « ondulant » de droite à gauche tel que le ferait un serpent pour se déplacer ?
Je vais ici prioriser le travail sur des exercices d’endurance de force, méthode qui permet de faire un premier pas en douceur dans le monde de l’entraînement en musculation.
Concrètement cela signifie, réaliser en théorie 12 à 15 mouvements et de ne pas être capable d’en faire un de plus, on parle alors de 12 à 5 RM (RM : Répétitions Maximales).
La vulgarisation de la recherche autour de la musculation, nous amène de nos jours à assimiler l’endurance de force à des exercices composés d’un plus grand nombre de répétitions ou réalisés sur une durée de temps.
Chaque séance devra être précédée d’un échauffement et conclue par une phase de récupération et de retour au calme de votre choix.
Si vous avez déjà fait de la musculation vous pouvez enchainer tous les exercices qui vont suivre. Si en revanche vous vous initiez, je vous propose de choisir 3 exercices pour le bas du corps et 3 pour le haut du corps.
Si vous ne comprenez pas les exercices proposés, n’hésitez pas à faire un tour sur internet afin de visionner des vidéos les montrant.
Séance petit matériel | |
Exercices bas du corps 2 séries de 20 répétitions de chaque côté du corps. Le temps de récupération entre chaque séries est court, moins de 30 s. | Tibial postérieur : Inversion de cheville à l’élastique. Assis au sol passez votre élastique autour d’un pied et tendez cette même jambe (garder le dos droit). Tenez l’élastique dans vos mains. La deuxième jambe passe au-dessus de l’autre et applique une tension sur l’élastique. Maintenant avec votre pied entouré de l’élastique, rentré le vers l’intérieur. Gastrocnémiens : Flexion plantaire à l’élastique Tenez l’élastique dans vos mains et passez-le autour de la pointe d’un de vos pieds (axe de pédale sous le pied). Tendez votre jambe et gardez le dos droit. L’autre jambe sera fléchie et parallèle à la première. Maintenant réalisez des flexions plantaires c’est-à-dire que vous amenez la pointe de votre pied vers l’avant et le bas sans bouger le reste du corps. Quadriceps : Extension de genou à l’élastique assis Assis sur un banc de muscu ou une chaise, passez votre élastique autour de votre cheville. Accrochez l’autre partie de votre élastique derrière vous, à un espalier si vous êtes en salle de muscu ou à une table ou votre canapé à la maison. Comme sur la chaise à quadriceps, réalisez un mouvement d’extension de genou c’est-à-dire que vous allez relever votre bas de membre inférieur. Ischios-jambiers : Flexion de genou à l’élastique allongé au sol Allongé sur le ventre, passez l’élastique autour d’une de vos chevilles. L’autre bout de l’élastique sera accroché à un espalier ou quelqu’un vous le maintiendra. Vous allez maintenant réaliser une flexion de genou en ramenant le bas de votre jambe (pied/tibia) perpendiculairement à votre cuisse et répéter ce mouvement. Psoas iliaque et droit fémoral : Flexion de hanche debout En position debout mettez une partie de votre élastique sous un pied et maintenez-le fermement. L’autre partie se positionnera sur l’autre jambe autour de votre cheville que vous allez avancer de 10 à 15 cm vers l’avant. Maintenez votre buste droit, mains sur les hanches, regard fixe vers l’avant et jambes tendues. Réalisez un mouvement de flexion de hanche c’est-à-dire que vous allez essayer de lever votre jambe avant le plus haut possible sans fléchir le genou et revenir poser le pied au sol. Grand fessier : Extension de hanche debout Debout les mains en appui contre un mur ou contre un espalier, mettez votre élastique sous le pied, jambe avant. Passez-le autour de la cheville, jambe arrière. Réalisez une extension de hanche c’est-à-dire que vous allez jambe tendue tirer sur l’élastique vers l’arrière et ramener la jambe en position initiale. |
Exercices haut du corps 2 séries de 20 répétitions de chaque côté du corps. Le temps de récupération entre chaque série est court moins de 30 s. | Abdominaux : Sicilian Crunch Vous aurez besoin d’un swissball, d’une bouteille d’eau de 2L remplie (bien entendu) ou d’une altère de 2 à 5 kg. Positionnez votre dos sur le swissball, pieds au sol genoux formant un angle de 90°, votre bouteille dans les mains devant vous, bras fléchis et votre regard orienté vers le plafond. En même temps que vous levez votre charge vers le plafond, réalisez un crunch et revenez en position. Répétez ce mouvement. Grand dorsal : Tirage poulie haute à l’élastique Accrochez le centre de votre élastique à un espalier à une hauteur 30 à 40 cm supérieure à votre taille. Prenez chaque extrémité d’élastique dans vos mains. Mettez-vous face au point d’attache de votre élastique et positionnez une de vos jambes en avant (idéalement la même qui est en avant sur votre vélo quand vous mettez vos manivelles à l’horizontale). Vos bras sont en l’air presque tendus et au-dessus de votre tête. Ramenez vos coudes vers l’arrière jusqu’à ce que vos mains viennent en contact avec vos pectoraux tirant l’élastique vers l’arrière et le bas. Revenez en position initiale et répétez. Pectoraux et triceps : Pompes sur les genoux avec élastique Passez votre élastique autour du dos et positionnez-le sous les omoplates. Ramenez-le chaque côté sous les bras et attrapez-le dans chacune de vos mains. Mettez-vous en position de pompe mais si vous n’êtes déjà pas à l’aise avec ce mouvement sans élastique, je vous recommande de le réaliser en appuis sur les genoux. Ces derniers seront légèrement écartés (largeur de bassin). Positionnez vos mains au sol (aplomb des épaules) d’un écartement à peine supérieur à votre largeur d’épaules (environ 50 cm entre les deux mains). Réalisez votre mouvement de pompes. Trapèzes et rhomboïdes : Shrug à l’élastique Mettez-vous debout et passez votre élastique sous vos pieds. Tenez-le ensuite chacune des extrémités dans vos mains. Les épaules sont relâchées et les bras détendus le long du corps. Le mouvement va consister tout en gardant les bras tendus à hausser les épaules contre la résistance de l’élastique et les basculer ensuite vers l’arrière en gonflant la poitrine (vous sentez dans votre dos vos omoplates se rapprocher) et revenir à la position initiale. |
Je vous sais joueurs et joueuses. Si ces exercices étaient trop faciles pour vous, je peux vous faire deux recommandations.
- La première, changer la tension des élastiques pour vos exercices. Ce choix est primordial. On peut débuter par une tension légère du type 2 kg et si ce n’est pas suffisant mettez l’élastique en tension en tirant dessus. Ou alors, opter pour une tension plus importante de 3, 5 ou 8 kg.
- La deuxième, jouer avec les temps de réalisation du geste. Je m’explique. En musculation on parle de temps sous tension du muscle. Par exemple, sur un geste classique de squat, vous allez descendre en 1 s et remonter aussi vite. Afin de complexifier l’exercice et d’augmenter la durée d’effort sur les fibres musculaires, on peut proposer de réaliser la triple flexion en 3s, stabiliser en bas de gestuelle 1 s et remonter en 1s. Ou bien descendre en 1s, stabiliser 2s et remonter en 3 s selon si l’on veut jouer davantage sur la contraction excentrique ou concentrique. Petit conseil n’hésitez pas si vous êtes à l’aise à chercher des phases de 2 à 3 s de mise en tension sur la partie excentrique du mouvement… Vous m’en direz des nouvelles.
Bien sûr, il ne s’agit dans le cas présent que d’un exemple de séance, que vous pouvez réaliser pour améliorer vos qualités de force en cyclisme et plus particulièrement dans les montées.
Bien entendu, la musculation ne remplacera jamais le travail spécifique sur le vélo et c’est pour cela que je vais maintenant vous proposer deux séances sur le vélo. Suivez-moi !
Le travail lactique vous connaissez ?
Au cours du précédent article, nous parlions notamment grâce au travail de Bouillod et al. du recours nécessaire à la filière anaérobie pour apporter l’énergie nécessaire à la danseuse et son maintien au cours de l’effort.
Pour ce faire, il faudra développer cette qualité qui n’est pas la meilleure chez les cyclistes d’endurance.
En définitive, plus l’activité est courte et soumise à des changements de rythme, plus votre corps est susceptible de tolérer le travail lactique facilement. Les meilleures activités pour cela sont le BMX RACE et le kilomètre sur piste…
Vous êtes donc loin du compte, si vous faites des cyclosportives ou de la rando vtt. En revanche, vous avez certainement de meilleures qualités d’endurance aérobie, que les spécialistes des deux autres disciplines… mais chacun son truc.
Il n’en demeure pas moins que posséder un répertoire de base « lactique » est nécessaire car cela vous permettra :
- De mieux tolérer les efforts intenses et à la fois d’augmenter votre puissance ou son maintien au-delà de PMA
- Favoriser des récupérations plus efficaces. Vous serez en mesure de resynthétiser plus vite le lactate et d’éliminer ou tamponner l’acidité de l’organisme.
Si vous voulez vous mettre à lancer des attaques dans votre groupe de copain du weekend…. On vous connait par cœur ! Alors n’hésitez plus et testez les séances qui suivent.
Pour réaliser la séance nous allons utiliser comme curseur d’intensité, la puissance, en se basant sur l’échelle d’intensité proposée par Frédéric Grappe.
Quand on parle de travail anaérobie lactique on se situe en zone 6 ou I6 (Intensité 6), ce qui correspond à environ 65 % de la puissance maximale ou au-delà de 150 % de la puissance maximale aérobie (PMA).
Un exemple vous parlera mieux, prenons le cas d’une personne qui écrit des articles sur ce site et qui ne roule plus beaucoup… Ou pas suffisamment à son gout. Vous l’avez ?
Je possède une PMA de 300 W et une Pmax de 1100 W cela représenterait un exercice réalisé à une puissance supérieure à 450 W si on se réfère à la PMA et 715 W si l’on se réfère à la puissance maximale. Que faire dans ce cas ?
Privilégions la valeur la plus importante pour avoir un effet maximisé. Pourquoi ? La réponse réside en deux mots « réserve anaérobie ».
En effet, la réserve anaérobie est schématiquement le delta de puissance entre Pmax et PMA soit 1100 W – 300 W dans mon cas, ce qui représente 800 W. Si je réalise un exercice à 450 W alors que j’ai une réserve anaérobie conséquente (je n’ai pas choisi le bon filon en faisant de l’endurance) l’exercice sera considéré facile.
Prenons maintenant l’exemple inverse, je suis coureur d’endurance d’un niveau largement supérieur, avec une PMA de 400 W et une Pmax de 900 W (chiffres d’un coureur que j’entraînais).
Ce coureur possède une réserve anaérobie de 500 W, 150 % PMA équivaudra à 600 W et 65 % Pmax vaudra 585 W. Dans ce cas-là on peut choisir indépendamment l’un ou l’autre des indicateurs mais gardez à l’esprit qu’un coureur avec une PMA élevée et une Pmax faible ne sera pas à l’aise sur du travail lactique.
Il va falloir en tenir compte et ajuster au mieux l’intensité de l’effort et la charge de travail.
Afin de mieux comprendre les intensités d’effort je vous renvoie à l’article écrit par Remy Deutsch sur le site :
Séance 1 : inspiré de la méthode KOUZAKI & TABATA : IDE 200 | |
Échauffement | 5 min @ I1 10 min @ I2 3 X 30 s @ I5 / 30 s @ I2 5 min @ I2 |
Corps de séance | Série 1 : 2 x 20 s @ 200 % PMA avec r = 2 min. Récupération : 8 min @ I1 Série 2 : 2 x 20 s @ 180 % PMA avec r = 2 min. Récupération : 8 min @ I1 Série 3 : 2 x 20 s @ 160 % PMA avec r = 2 min. |
Récupération | 5 min @ I1 |
Séance 2 | |
Échauffement | 5 min @ I1 5 min @ I2 2 min @ I4 2 min @ I2 1 min @ I5 2 min @ I2 30 s @ I6 5 min @ I2 |
Corps de séance | 5 à 8 répétitions x 2 min @ Tlim avec r = 20 min @ I1/I2 Tlim : Temps Limite Cela signifie que vous allez vous mettre à intensité maximale pendant 2 min et qu’au bout de cet effort vous serez incapables de poursuivre plus d’une seconde. Si vous souhaitez avoir une idée de la valeur de puissance, reportez-vous à votre profil de puissance record (PPR) que propose votre plateforme de suivi (Garmin, Strava, Nolio ….) et regardez la puissance préconisée pour 2 min à intensité maximale. Cela vous donnera une base de travail que vous ajusterez sur le terrain. J’ai noté 5 à 8 répétitions, en effet la séance s’arrête lorsque vous n’êtes plus en mesure de maintenir la même puissance moyenne que les répétitions précédentes. Si l’on se base sur l’ouvrage de Hunter Allen « Training and racing with a powermeter », valeur que j’utilise, je me base sur une perte de puissance moyenne de 10%. Lorsque mes athlètes atteignent ce seuil, la séance est terminée. |
Récupération | 10 min @ I1 |
Et le travail en montée dans tout ça ?
Effectivement, il ne manque que celui-là, le travail en montée. Si l’on souhaite s’améliorer en montée il faudra forcément faire un travail spécifique dans la pente, pas le choix.
Je ne vous recommanderai jamais de faire ce que l’on voit parfois et que je trouve absurde, à savoir monter des bosses voire des cols pour certains (toujours plus… !) sur un gros braquet pendant plusieurs dizaines de minutes.
Cela va générer des tensions excessives sur le système ostéo articulaire et engendrer des problématiques à minima tendineuses. Et bannissez-le complètement chez le jeune athlète, qui a des fragilités au niveau tendineux et ligamentaire, ce qui risquerait de créer des arrachements osseux.
L’idée du travail en bosse est d’alterner le recrutement musculaire et la sollicitation des fibres musculaires.
Pour ce faire, on va alterner les positions en montée et l’on peut jouer sur de nombreux facteurs tels que, la vitesse de déplacement, la pente (il vous faudra un home trainer du type Wahoo), la cadence, la position sur le vélo, la position des mains, l’intensité de l’effort…
Séance 4 : Le roi de la montée | |
Échauffement | 5 min @ I1 5 min @ I2 3 x 30 s assis / 15 s danseuse en montée à (2-3 %) @ I3 3 x 1 min @I2 à 90 rpm / 30 s @I3 70 rpm. 5 min @ I1/I2 |
Corps de séance | Trouvez un parcours composé de 3 montées d’une pente de 5 % et d’une distance d’environ 5 km qui vous permette de rouler en I2 aux environs de 12 km/h ce qui fera une durée d’environ 25 min. Première ascension : « l’initiation » Alterner 30s en @ I2 à 85 – 90 rpm assis sur la selle, suivi de 30 s @ I2 à 70 – 80 rpm en danseuse. Récupération : 10 min @ I1 à 90 rpm sur le plat Deuxième ascension : « la puissance » Alterner 3 min en @ I2 à 85 – 90 rpm assis sur la selle, suivi de 1 min @ I3/I4 à 70 – 80 rpm en danseuse. Récupération : 10 min @ I1 à 90 rpm sur le plat Troisième ascension : « la force » Alterner 1 min en @ I3 à 70 rpm assis sur la selle + 1 min @ I3 à 60 – 70 rpm en danseuse + 3 min @ I1/I2 à 85 – 90 rpm. |
Récupération | 10 min @ I1 sur le plat |
Cette séance à pour objectif de vous faire tester différentes approches du travail d’alternance assis danseuse en montée et ainsi vous permettre de créer ensuite vos propres séances.
Au final grâce à la musculation, au travail lactique et au travail en montée, vous avez de quoi progresser.
N’oubliez pas qu’idéalement la spécificité du travail est celle qui paye le plus. En gros, foncez sur le vélo pour du travail spécifique mais il n’en demeure pas moins que pour progresser davantage le recours à la musculation est primordial et qu’un transfert sur le vélo parait être ce qui fonctionne le mieux.
Pourquoi pas alors ne pas débuter par une séance de force endurance en musculation et enchainer par du travail d’alternance assis/danseuse en montée sur votre vélo… Vous testerez et m’en direz des nouvelles.
Cyril GRANIER
Docteur en sciences du sport