Comment connaitre ses besoins en fonction du dénivelé et de son sac à dos sur un trail ?

Sur un trail ou ultra-trail l’équation vers la performance sera double : se préparer musculairement énergétiquement et mentalement au contexte (durée, dénivelé + & - & type de terrain) et y associer un ravitaillement adapté au jour J.
Celui-ci sera donc fortement impacté par votre profil et le parcours à l’inverse d’une course sur route plus linéaire ou la durée renseignera en grande partie les besoins.
La science peut-elle nous apporter une réponse ?

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Historique de recherche

Dans les années 1970, des chercheurs de l’armée américaine ont développé un outil appelé l’équation de Pandolf.

Vous y mettez votre poids, celui de votre sac, votre vitesse de marche/course, la pente que vous montez, et l’équation renseigne combien de calories vous brûlez théoriquement par heure. Il y avait juste un problème avec cette équation originale : elle ne pouvait pas gérer les pentes descendantes pourtant si cruciale sur ces épreuves, ni les conditions thermiques et hypoxiques.

En 2019, une autre équipe de chercheurs de l’US Army Research Institute of Environmental Medicine (USARIEM), dirigée par David Looney, a produit une équation modifiée pouvant gérer à la fois les montées et les descentes. Cette équation, cependant, ne vous permet pas de prendre en compte le poids de la charge que vous transportez…

En pratique, nous voulons une équation capable de gérer le dénivelé et les charges portées et, plus important encore, nous voulons être sûrs que ses prédictions sont aussi précises dans le monde réel qu’en laboratoire.

Lorsque vous planifiez un voyage avec sac à dos, vous ne voulez pas manquer de nourriture, mais vous ne voulez pas non plus trimballer un tas de ravitos superflues que vous finirez par ramener à la maison.

Comprendre comment le dénivelé, le type de sol, le poids du sac et la vitesse de course/marche affectent vos besoins énergétiques serait un grand pas en avant par rapport au simple fait de supposer nos besoins de façon générale et pratique.

À cette fin, Peter Weyand de la Southern Methodist University, avec ses collègues Lindsay Ludlow, Jennifer Nollkamper et Mark Buller de l’USARIEM, ont récemment publié dans le Journal of Applied Physiology une comparaison directe de quatre équations.

Il y a les équations de Pandolf (avec une version mise à jour incluant les descentes) et Looney ; une estimation très simple de l’American College of Sports Medicine ; et une super-équation qui peut gérer à la fois le dénivelé et la charge portée que Weyand et Ludlow ont proposé en 2017, qu’ils ont surnommé Minimum Mechanics.

Où en est-on ?

L’objectif principal de l’article n’est pas de choisir la meilleure équation. Au lieu de cela, ils testent le principe de base selon lequel il est possible de faire des prédictions utiles et précises du coût calorique dans des conditions réelles changeantes à partir d’équations développées sur un tapis roulant. Les quatre équations peuvent être modifiées avec une variable de terrain qui ajuste les prévisions de calories si vous avancez sur du gravier, des cailloux ou de la boue.

Mais au cours d’un long trail sur un terrain vallonné et des surfaces variables, les équations peuvent-elles vraiment produire une prédiction décente ?

Pour le savoir, Weyand et ses collègues ont envoyé sept volontaires sur un petit trail de quatre milles dans le parc Flag Pole Hill de Dallas, portant un GPS, un moniteur de fréquence cardiaque et un calorimètre portable pour mesurer la quantité d’oxygène et de dioxyde de carbone qu’ils inspiraient et expiraient.

C’est l’avancée pratique cruciale en comparaison aux années 1970 : la possibilité de réaliser des mesures métaboliques fiables en extérieur. Les chercheurs ont également mené une série d’autres expériences pour vérifier l’exactitude de leurs estimations de calories sur le terrain et des facteurs d’ajustement de ce dernier.

Pour les deux équations équipées pour manipuler des sacs à dos, Pandolf et Minimum Mechanics, les sujets ont répété l’essai sur le terrain en portant un sac à dos contenant 30 % de leur poids corporel.

Oui, mais…

Le résultat global peut être résumé par « Oui, mais… ».

Les équations ont toutes fait un travail raisonnable d’estimation de la dépense calorique sur divers gradients et terrains. Voici la consommation totale d’énergie pendant les trails expérimentaux (exprimée en quantité d’oxygène consommée plutôt qu’en nombre de calories brûlées), avec la valeur mesurée indiquée par une ligne horizontale en pointillés :

Vous pouvez voir que, dans cette étude de Weyand et Ludlow, l’équation précédemment proposée par Weyand et Ludlow (Min Mech pour Minimum Mechanics) semblait la plus fiable.

Sans sac à dos (unloaded), la réduction était de 4 %, contre 13, 17 et 20 % pour les équations ACSM, Pandolf et Looney. Avec un sac à dos (LOADED), la prédiction Minimum Mechanics n’était que de 2% inférieure, contre 13% pour Pandolf, ce qui semblerait intéressant.

Oui, mais… Pourtant, il est difficile de se prononcer définitivement sur la « bonne » équation, car différents modèles peuvent mieux fonctionner dans différentes circonstances.

L’un peut être meilleur à vitesse lente, mieux fonctionner dans les montées, ou un autre exceller avec de lourdes charges, alors si l’on rajoute le terrain, les conditions extérieures, le profil de l’athlète….

Par exemple, regardons de plus près l’estimation de la consommation calorique par les quatre équations pendant le trail expérimental. L’axe vertical montre la consommation d’oxygène (ml/kg/min), qui est proportionnelle au taux de combustion des calories ; l’axe horizontal indique le temps écoulé pendant la randonnée.

Pendant la première partie de la randonnée, sur un terrain plat, l’équation de Looney est la plus élevée. Sur toutes les côtes (colonne rouge), l’équation de Pandolf donne les valeurs les plus élevées. Dans les descentes (colonne bleu), l’équation ACSM inverse sa place.

Weyand et ses collègues discutent et essayent d’expliquer certaines de ces nuances dans leur nouveau travail, mais le sportif voudra seulement et surtout une estimation simple et plutôt fiable lui permettant d’ajuster ses pratiques à la demande.

Sur la base de ces données particulières, le modèle Minimum Mechanics semble être le meilleur pari. Il a été construit à l’origine en testant 32 sujets sous 90 combinaisons différentes de vitesse, de pente et de charge, bien loin par exemple des trois sujets utilisés pour l’équation originale de l’ACSM et des six sujets utilisés pour celle de Pandolf.

Dans un monde parfait, il existerait une application ou un site Web dans lequel nous pourrions entrer une trace GPS qui appliquerait l’équation à chaque point successif une estimation des besoins en calories pour des itinéraires longs et complexes. Pour les fans de codages et de trail il y a sans doute de quoi cumuler ici vos 2 passions !

Pour des estimations approximatives des segments avec une note cohérente, voici deux calculateurs de mécanique minimale pour les terrains longs et non plats :

En côte : https://jscalc.io/calc/vs4PsIgSbjehZ3Gi

En descente : https://jscalc.io/calc/Gx9PDtiPUjc9mFn5

Le facteur de terrain (https://journals.tdl.org/jhp/index.php/JHP/article/view/67) est de 1 pour l’asphalte et légèrement plus élevé pour les terrains plus accidentés ; La note est en pourcentage, de -100 à +100.

Finalement comme pour tous les sujets sur lesquels nous avons écrit ces dernières années il faudra être curieux sur ce sujet et les différents facteurs pouvant les influencer, tester et analyser pour au fil des sorties trouver la méthodologie qui rendra le plus performant.

Gardez bien en tête que les 4 principaux facteurs de performance en trail restent : les aspects musculaires trop souvent oubliés ; la gestion d’allure et de son potentiel (sieste, etc.) souvent mal géré ou trop tard dans l’épreuve par rapport à ses capacité Vs le contexte ; les aspects mentaux rarement ciblés à l’entraînement ; et donc un ravitaillement adapté à sa personne, ses besoins et à l’épreuve…

À vous de jouer, vous avez tout l’été pour revenir à la rentrée mieux armé que jamais 😉

Larticle de Weyand et ses collaborateurs : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34410843/

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