Le retour de Florent Manaudou : comment performer sur 50 mètres nage libre à Tokyo ?

La nouvelle retentissante est tombée dans les colonnes de l’équipe ce mardi 19 mars 2019 : Florent Manaudou revient dans la course au titre Olympique, en annonçant son come-back, après 2 ans et demi d’arrêt. Cette période a été synonyme d’une pause dans les bassins, mais en aucun cas une pause sportive, puisque le champion du Cercle des Nageurs de Marseille s’est consacré à la pratique du handball, avec le club d’Aix en Provence. Ce retour dans l’eau s’accompagne d’une ambition forte de glaner une nouvelle médaille olympique, qui compléterait un palmarès déjà bien rempli. Mais, cette médaille est-elle possible ? Notre article vous propose un regard scientifique sur les critères de performance pour gagner le 50 mètres nage libre aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020.

(Photo Martin Bureau, AFP)

1/ Se rapprocher des 21 secondes

 

Le record personnel de Florent Manaudou sur cette épreuve est de 21’’19 secondes, temps réalisé en finale des championnats du monde à Kazan (Russie) en 2015. Ce temps représente la 5ème meilleure performance de tous les temps, et la troisième réalisée en textile. En effet, depuis l’arrêt de Manaudou, deux nageurs ont déjà réussi à améliorer cette performance. Il s’agit de Caeleb Dressel qui a réalisé 21’’15 lors des championnats du monde de Budapest en 2017 et de Ben Proud qui a établi lors des derniers championnats d’Europe à Glasgow, la meilleure performance mondiale de tous les temps en textile sur 50m en 21’’11.

Si Florent Manaudou veut redevenir champion olympique, alors il lui faudra battre son record personnel. D’autres poursuivants le talonnent, le Marseillais devra donc se rapprocher de la barre des 21 secondes pour espérer l’emporter au Japon.

 

2/ Une course de sprint, mais pas seulement

 

L’épreuve de 50 mètres nage libre est l’épreuve de natation la plus courte au programme des Jeux Olympiques. Elle fait justement partie des épreuves dites de « sprint », toutefois, les recherches scientifiques rappellent que cette épreuve se distingue largement des épreuves de sprint que l’on peut connaitre en athlétisme (le 100m plat par exemple).

En effet, plusieurs auteurs ont mis en évidence que le système anaérobie alactique représentait entre 25 et 40% de la production totale d’énergie sur 50 mètres chez des nageurs de haut niveau (Rodriguez et Mader, 2010 ; Capelli et al., 1998). La glycolyse anaérobie représente entre 40 et 50% de la dépense d’énergie totale, et le système aérobie peut contribuer jusqu’à 20% de la performance totale. Ces résultats montrent que le 50 mètres est une épreuve pour les sprinteurs, mais qu’il est indispensable d’avoir une forte puissance aérobie et une grande puissance lactique pour espérer devenir le meilleur du monde. Les qualités intrinsèques d’explosivité ne suffisent pas. C’est pourquoi, il faudra à Florent Manaudou, un développement des capacités aérobies pour maintenir une performance de haut niveau.

Ce système aérobie sera également essentiel pour arriver à enchainer les courses (séries, demi-finales et finales) afin de ne pas arriver trop entamé en finale. Ces exigences physiologiques se traduisent par une décomposition de l’épreuve en 4 parties différentes, où l’alliance entre qualités physiologiques, physiques et techniques sera déterminante.

 

3/ Le start

 

Cette phase est essentielle pour le 50 mètres nage libre, où il est impératif de générer une vitesse horizontale maximale pour arriver dans l’eau avec le plus de vitesse possible. Après le signal de départ, le nageur doit avoir un temps de réaction le plus réduit possible tout en produisant une vitesse maximale avec ses jambes. Le nageur doit également réussir à bien coordonner l’action de ses bras et de ses jambes avec l’alignement de son corps, de manière à bien plonger.

Malgré ses 1,99m, Florent Manaudou se débrouille très bien sur cet exercice puisqu’il était le nageur qui arrivait le plus facilement à se détacher du plot de départ (cf image).

Aujourd’hui, il ne devrait pas avoir perdu ses qualités d’explosivité, grâce à son entrainement de handball. Il est fort possible que le handball lui ait permis de développer des qualités de puissance sur les jambes, lui permettant de gagner en vitesse d’exécution lors de la poussée au départ. Plusieurs chercheurs ont mis en évidence qu’un entrainement physique adapté (tel qu’il a pu réaliser avec le club d’Aix-en-Provence) améliore l’équilibre du profil force-vitesse des sportifs de haut niveau, leur autorise une meilleure puissance (Jimnez-Reyes et al, 2017) et ainsi une meilleure qualité de saut (Samozino et al., 2014). Cette première étape sera sans doute toujours la force du champion olympique 2012.

 

Photo du plongeon de la finale des championnats du monde 2015, Florent Manaudou (cercle rouge) sort le premier des plots de départs.
Photo du plongeon de la finale des championnats du monde 2015, Florent Manaudou (cercle rouge) sort le premier des plots de départs.

4/ Le plongeon

 

La phase de plongeon est fortement influencée par le start précédent la phase d’envol. Le but principal du plongeon est de transférer cette vitesse horizontale sur une trajectoire optimale qui permette d’entrer dans l’eau avec une vitesse maximale, autorisant une coulée sous-marine très rapide. Durant cette phase, Florent Manaudou arrive à capitaliser cette vitesse, pour bénéficier d’une coulée très efficace. Il ne devrait pas avoir de problèmes à conserver cette faculté. Il lui « suffira » de travailler régulièrement cette phase d’envol à l’entrainement.

 

5/ La coulée

 

La coulée correspond au moment où le nageur entre dans l’eau, jusqu’à ce que la tête repasse au-dessus de la surface de l’eau. Cette phase est essentielle en natation, et d’autant plus pour les épreuves courtes où elle représente presque 30% du temps total de la course (Lyttle and Benjanuvatra, 2005).

Florent Manaudou excelle dans ce domaine et jusqu’aux Jeux Olympiques de Rio, il était connu pour être l’homme le plus rapide jusqu’aux 15 premiers mètres (qui correspond aussi à la distance limite de coulée autorisée). Un récent article scientifique vient d’ailleurs de montrer l’immense importance du départ, pour la performance finale lors des épreuves de sprint (Morais et al., 2018). Florent Manaudou était capable de franchir la ligne des 15 mètres dans un temps proche des 5,00 secondes.

Lors des derniers championnats du monde, l’américain Caeleb Dressel a été flashé en 4,96 secondes selon l’Institute for Applied Training Sciences de Leipzig (Allemagne). De nombreux nageurs se rapprochent des 5 secondes sur les 15 mètres et Manaudou devra impérativement conserver cette vitesse pour ne pas être déjà en retard après cette première partie de course…

 

Photo de la coulée des championnats du monde 2015, Florent Manaudou (cercle rouge) est le meilleur dans cet exercice. Il devance ses concurrents lors de la sortie de l’eau.
Photo de la coulée des championnats du monde 2015, Florent Manaudou (cercle rouge) est le meilleur dans cet exercice. Il devance ses concurrents lors de la sortie de l’eau.

 

Avant de terminer la phase de coulée, il convient de réaliser ce qu’on appelle « la reprise de nage » qui consiste à enchainer la phase de coulée et la phase de nage complète. Le nageur doit coordonner l’action de ses bras et de ses jambes pour perdre le moins de vitesse possible et assurer une continuité de nage. Cette transition s’avère souvent compliquée à très haute vitesse. Florent Manaudou devra retrouver cette capacité à sentir le moment opportun où actionner son premier mouvement de bras. C’est l’un des moments clés de la course, qui lui avait couté cher à Rio en 2016.

 

Photo de la reprise de nage de la finale des Jeux Olympiques 2016, Florent Manaudou (cercle rouge) passe les 15 mètres en première position, mais avec moins de marge qu’habituellement.
Photo de la reprise de nage de la finale des Jeux Olympiques 2016, Florent Manaudou (cercle rouge) passe les 15 mètres en première position, mais avec moins de marge qu’habituellement.

6/ La nage

 

Une fois cette première partie de course terminée, il reste un peu plus de quinze secondes de course à réaliser en nage complète. Cette partie se nage sur un modèle assez bien établi en termes de modalités de nage. Selon le site swimswam.com, tous les finalistes du 50 mètres nage libre des Jeux Olympiques de Rio 2016 ont réalisé entre 36 et 39 mouvements de bras, à un tempo supérieur ou égale à 1 secondes par cycle de nage, soit une fréquence d’environ 60 cycles de bras par minute, associée à une distance par cycle d’environ 2,2 mètres.

Ces informations révèlent l’importance de développer plusieurs qualités physiques qui sont l’explosivité, la fonction neuromotrice, qui permettront de soutenir une fréquence de bras très élevée. Mais le nageur ne pourra aller très vite que si cette haute fréquence est accompagnée d’une production de force importante. Florent Manaudou devra continuer le travail de musculation déjà réalisé auparavant avec le Cercle des Nageurs de Marseille afin de retrouver ses qualités neuromusculaires. Il devrait être bien entouré lors des cycles d’entrainement prévus avec le groupe de l’Energy Standard en Turquie, puisqu’il retrouvera son ancien entraineur James Gibson, et l’un de ses principaux concurrents, le britannique Ben Proud. Ce groupe d’entrainement se caractérise par un travail de musculation à sec très important (quasi quotidien) avec un volume nagé assez faible.

Le principal défi pour Manaudou résidera à soutenir un effort très intense sur la totalité du 50 mètres. Au regard de ses performances lors des interclubs de novembre 2018, le multiple champion du monde peut légitimement y croire.

La réponse bientôt ?

 

Références :

 

  • Capelli C, Pendergast DR, Termin B. (1998) Energetics of swimming at maximal speeds in humans. Eur J Appl Physiol 78:385–93.
  • Institute for Applied Training Sciences
  • Jimenez-Reyes P, Samozino P, Brughelli M, Morin JB. (2016) Effectiveness of an Individualized Training Based on Force-Velocity Profiling during Jumping. Front Physiol 7:677.
  • Morais JE, Marinho DA, Arellano R, Barbosa TM. (2018) Start and turn performances of elite sprinters at the 2016 European Championships in swimming. Sports Biomech 18(1):100-114.
  • Rodriguez, FA, Mader, A. (2010). Energy systems in swimming. Word Book of Swimming: From Science to Performance. Seifert, L., Chollet, D., Mujika, I. Eds.
  • Samozino P, Edouard P, Sangnier S, Brughelli M, Gimenez P, Morin JB. Force-velocity profile: imbalance determination and effect on lower limb ballistic performance. Int J Sports Med 35(6):505-10.
  • Swimswam.com Tritonwear race analysis: 2016 Olympics men’s 50 freestyle. URL available at https://swimswam.com/tritonwear-race-analysis-2016-olympics-mens-50-freestyle/

 

 

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