Duncan Perrillat : « J’espère pouvoir me dire après la course que ceux qui m’ont sélectionné ont bien fait de me prendre. »

Ce dimanche place aux championnats d'Europe de cross-country à Dublin (Irlande). Parmi les 40 retenu(e)s en équipe de France, Duncan Perrillat va honorer sa première sélection internationale.
Le Grenoblois, âgé de 28 ans, 4ème des championnats de France de cross-country, parfois difficile à suivre est un athlète attachant qui vit et court à l'instinct comme il aime le dire. Entretien.

Lepape-info : Duncan, dans quel état d’esprit êtes-vous avant ces championnats d’Europe de cross-country ? 

Duncan Perrillat : Je suis enthousiaste en me disant que ce n’est que du bonus car à la base ce n’était pas l’objectif et que je ne me voyais pas y aller et en même temps j’ai envie de me dire que je n’ai pas été sélectionné pour rien, j’ai envie de montrer que j’ai ma place.

 

Lepape-info : Que représente votre première sélection en équipe de France ?

D.P : Beaucoup et pas que pour moi. Cela fait longtemps que je fais de l’athlétisme, on revoit souvent les mêmes noms lors des grands championnats en équipe de France. Je me dis que cela change un peu d’avoir mon nom dans la liste. Même si cela n’avait pas été moi cela m’aurait fait plaisir de voir un nom de quelqu’un qui n’est jamais en équipe de France ou qui n’est pas forcément sur le podium des sélections comme moi qui a terminé 4ème des championnats de France. Au final, ce n’est pas qu’une question de talent.

 

DUNCAN 3

 

Lepape-info : Vous avez 28 ans, tout a commencé il y a combien de temps ?  

D.P : Quand j’ai commencé l’athlétisme j’avais 12-13 ans, j’étais au collège c’était de l’athlé loisirs avec une pratique d’un peu toutes les épreuves avec du saut, du lancer, de la course. et les premiers cross du collège.      

 

Duncan Perrillat : « À Chicago, j’avais peu d’argent, je ne connaissais personne, je n’arrivais pas à trouver de travail. Je me suis fait une pancarte imitation « Linkedin » et je me suis mis dans la rue pour trouver du travail avec cette pancarte. C’était un gros challenge. Je ne suis pas passé loin de l’échec. Chicago est l’expérience qui m’a le plus fait grandir. »

 

Lepape-info : Comment cela s’est-il enchaîné pour vous ?

D.P : J’ai fait pas mal de sports comme du ski alpin, du ski de fond, du judo, du tennis. Au début j’ai alterné entre l’athlétisme l’été et le ski l’hiver. Ce n’est qu’au lycée en 1ère et terminale que j’ai commencé à faire uniquement de l’athlétisme en me spécialisant dans le demi-fond. Je me rappelle au lycée d’avoir terminé 14ème aux championnats de France de cross. Ensuite j’ai fait une licence sport-études vers Chambéry (Savoie), j’ai bien pu m’entraîner. Le fait d’être à distance, je ne voyais pas grand monde ce n’était pas si bien et cela ne m’a pas trop réussi au point qu’en fin de licence j’étais sur le point d’arrêter l’athlétisme. Mes performances se sont améliorées avec des chronos d’environ 8’20 sur 3 000 m et cela m’a permis d’avoir une bourse sportive pour partir aux États-Unis.       

 

Lepape-info : La vie aux États-Unis fut une étape importante et particulière

D.P : Je suis resté 3 ans en Californie à Riverside à la CBU (California Baptist University), pendant 2 ans j’étais athlète-étudiant avec l’obtention d’une autre licence en marketing. J’ai fait une 3ème année pour avoir un Master et après je suis parti travailler avec un visa de travail et je suis allé à Chicago en voiture tout seul pour trouver un boulot là-bas. J’avais 3 mois avec le visa pour trouver un emploi. Je dormais dans ma voiture que j’avais acheté en Californie. La Californie c’était comme l’on dit « l’American Dream », tout était beau, bien, la vie était facile. Quand je suis parti fin septembre 2018 cela s’est compliqué, il commençait à faire froid. À Chicago, j’avais peu d’argent, je ne connaissais personne, je n’arrivais pas à trouver de travail. Je me suis fait une pancarte imitation « Linkedin » et je me suis mis dans la rue pour trouver du travail avec cette pancarte. C’était un gros challenge. J’ai trouvé un emploi dans le marketing et l’évènementiel pour Middleby, la plus grosse entreprise mondiale de cuisines résidentielles et professionnelles au mois de décembre. Je ne suis pas passé loin de l’échec. Chicago est l’expérience qui m’a le plus fait grandir. Aux Etats-Unis, j’ai découvert le monde du travail mais je ne pouvais plus m’entraîner et je me suis dit que l’athlétisme c’était terminé.

 

Lepape-info : Pourtant tout a recommencé par hasard

D.P : J’ai fait un semi-marathon à Greenwood avec mon entreprise. On savait que j’étais ancien athlète j’avais repris la course à pied trois semaines avant, j‘avais pris 8 kg, je faisais un peu de musculation du haut du corps, cela avait été un peu compliqué j’avais terminé en 1h14. Je me suis rendu compte que finalement j’aimais bien courir j’ai repris l’athlétisme. Je n’étais dans aucun club avec aucun groupe, je faisais des sorties longues de mon côté. Je travaillais beaucoup et j’allais courir le soir. L’entreprise qui m’avait accueilli à Chicago devait m’embaucher à Londres après un retour en France.

 

Duncan Perrillat : « Je suis un peu désorganisé, je ne suis pas du genre à me poser 15 000 questions. À l’entraînement j’ai du mal aussi à être sur un plan spécifique, j’aime bien courir parce que cela reste quelque chose de simple, j’aime bien courir à l’instinct. »

 

Lepape-info : Le retour en France a tout accéléré

D.P : De retour à la maison, en septembre 2019, j’ai trouvé un entraîneur Jérémie Ghibaudo qui a un bon groupe à Grenoble. J’ai fait des compétitions avec notamment une 9ème ou 10ème place lors du cross de sélection pour les championnats d’Europe devant Yohan Durand et derrière Simon Denissel et Yohan Kowal, c’était bien. À l’occasion d’une autre course sur route je termine juste derrière Cheruiyot qui avait pris l’année précédente la 5ème place des Championnats de France de cross. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais eu un tel niveau alors que je n’avais fait aucune vraie séance. Je n’étais pas allé une seule fois sur la piste, je n’avais pas vraiment fait de fractionné, je ne regardais pas vraiment les distances parcourues, c’était pour le plaisir. Je me suis dit que si je m’y remettais sérieusement, je pouvais passer un palier. J’ai démissionné de mon poste à Londres avant même d’avoir commencé j’ai travaillé à mi-temps chez mes parents qui sont médecins, je faisais du secrétariat médical cela me laissait de m’entraîner le matin et le soir. J’ai réalisé 29’25 sur un 10 km, je faisais des séances que je n’avais jamais fait avant, puis après il y a eu la pandémie ce fut un peu compliqué, je me suis entraîné à nouveau de mon côté sans me poser de questions comme je le faisais à Chicago. Il y a quelques temps les compétitions ont repris c’est une bonne chose.  

 

Lepape-info : Avec notamment cette victoire au championnat de France de marathon à Rennes le 24 octobre mais pas de titre car vous avez oublié de porter le maillot de votre club !   

D.P : Parfois je trouve certains règlements pas très importants et je les prends à la légère. Il faut que je fasse attention, que je réfléchisse un peu plus quand je fais certaines choses. Je ne m’attendais pas à perdre le titre pour cela. Cela reflète totalement ma façon d’être. Ceux qui disent que j’ai fait cela pour le buzz se trompent complètement, ils ne me connaissent pas. Je suis un peu désorganisé, je ne suis pas du genre à me poser 15 000 questions. À l’entraînement j’ai du mal aussi à être sur un plan spécifique, j’aime bien courir parce que cela reste quelque chose de simple, j’aime bien courir à l’instinct. Par exemple lors des France de cross où je termine 4ème, je n’avais pas envie de partir plus vite que cela, je me suis dit que si je devais remonter des places je le ferai et que si cela n’arrivait pas c’était comme cela. J’ai fait ma course sans m’occuper des autres.

 

DUNCAN 2

 

Lepape-info : Cette part d’insouciance en vous peut vous aider à aborder sereinement les Europe de cross ? 

D.P : Oui clairement. Lorsque j’ai appris ma sélection j’étais hyper heureux. J’espère pouvoir me dire après la course que ceux qui m’ont sélectionné ont bien fait de me prendre. Le jour J, j’essayerai de trouver le rythme qui me correspond et de me donner au maximum sans me poser de question. Ce que j’adore dans le cross c’est que chaque course est unique on ne sait pas à quoi s’attendre en terme de parcours j’aime cela. Cela va me permettre de me rendre compte du niveau européen, d’être sur la même ligne de départ par exemple que Jakob Ingebrigtsen cela me permettra de me calibrer par rapport aux cadors européens.

 

Duncan Perrillat : « L’objectif marathon je l’ai en tête depuis plus d’un an. Les cross c’est du bonus mais l’objectif c’est vraiment le marathon. J’irais à Séville en février prochain pour faire un chrono. »       

 

Lepape-info : Votre entraîneur arrive à vous suivre, à vous cerner ? 

D.P : On en a rediscuté récemment, cette année cela faisait 3-4 mois que je m’entraînais tout seul. Déjà lors du premier confinement lorsque j’avais fait un peu ce que je voulais il l’avait pris comme un manque de respect. Comme beaucoup d’entraineurs, il est rigoureux, organisé mais pas moi. Je suis volontaire dans ce que je fais mais je le fais de façon complètement désorganisée. Il m’aime bien mais parfois cela peut-être vexant, il m’envoie un plan et après je lui dit que je l’ai à peu près suivi dans l’idée sans me focaliser sur les chronos à la seconde près par exemple. C’est difficile pour lui de me suivre et de tout comprendre me concernant. Je sais que je ne peux pas tout faire tout seul, j’ai besoin d’être accompagné sur certains points pour continuer à progresser.

 

Lepape-info : 2h14’49 pour votre 1er marathon à Rennes cela vous donne l’envie de basculer sur cette distance notamment en vue des Jeux de Paris 2024 ?   

D.P : L’objectif marathon je l’ai en tête depuis plus d’un an parce que je vois que j’encaisse bien à l’entraînement en terme d’endurance, je n’ai pas tant de vitesse que cela, je n’aime pas trop ce qui est lactique. Par rapport à mon envie, ma physiologie et mes qualités je pense que c’est une bonne chose de m’orienter sur des distances longues. Pendant la pandémie j’avais fait un marathon à l’entraînement en plein été il faisait 30 degrés et cela ne s’était pas très bien passé, j’ai fini complètement déshydraté. J’avais terminé en 2h24 en passant en 1h07 au semi. Les cross c’est du bonus mais l’objectif c’est vraiment le marathon. J’irais à Séville en février prochain pour faire un chrono.

 

Lepape-info : Vous avez des passions autres que l’athlétisme ? 

D.P : J’aime dessiner (visages, natures morte) même si je le fais de moins en moins, le badminton, le patin à glace

 

Lepape-info : Votre ligne directrice dans la vie ? 

D.P : Vivre simplement et être heureux. Parfois les gens se créent des problèmes qui n’ont pas lieu d’être.

1 réaction à cet article

  1. Que de fraîcheur et de sincérité dans cette interview. Cela change des discours conventionnels, démagogiques et/ou faussement modeste. Puisse Ducan être compris et accompagné dans son originalité. En attendant, bon vent à Dublin. The world is yours. Please surprise us. Joseph Hoang

    Répondre

Réagissez