Yohan Durand : « Sur marathon, le championnat d’Europe à Munich sera mon gros objectif de l’année. »

La dernière fois que Yohan Durand s'était confié à nous c'était juste après sa superbe 15ème place au marathon de Paris en 2h09'21 (record personnel). Depuis le Bergeracois s'est bien sur entraîné mais a surtout récemment confirmé sa très bonne forme.
Deux courses et deux nouveaux records personnels : le 31 décembre sur le 5 km de Barcelone (Espagne) en 13'39 (record de France masters) et dimanche dernier lors du 10 km de Valence (Espagne) où il a terminé 14ème et meilleur Français en 28'19.
À 36 ans, Yohan Durand actuellement en stage à Monte Gordo (Portugal) aborde 2022 de la plus belle des façons avec de légitimes ambitions. Entretien.

Yohan Durand au marathon de Paris 2021 - Crédit photo : Bastien Seon

Lepape-info : Yohan, les évènements se sont bien enchainés depuis le marathon de Paris  

Yohan Durand : J’ai coupé pendant 15 jours après Paris, ensuite je me suis lancé l’idée de faire quelques cross. J’avais décidé de ne pas faire une pause trop longue pour mettre à profit ma forme sur des cross en novembre avec notamment les championnats de France pour le club. C’était aussi l’occasion de casser la routine de l’entraînement marathon toujours sur la même allure et d’aller sur le cross avec des relances et travailler d’autres aspects.

J’ai eu un peu de mal sur les premiers cross parce que ce n’est pas le même rythme et que j’étais sans doute encore émoussé du marathon de Paris. Après ce cycle de 3 semaines / un mois en mode cross j’ai légèrement coupé et je suis reparti sur une préparation axée route avec du travail spécifique et de vrais objectifs : le 5 km de Barcelone et le 10 km de Valence. Je me suis préparé ici au Portugal, je suis revenu en France le 23 décembre pour fêter Noël avant de courir en Espagne. Cela s’est très bien passé avec sur le 5 km de Barcelone un nouveau record de France masters en 13’39 et un record personnel sur le 10 km de Valence en 28’19.      

 

Yohan Durand : « Sur marathon vu la concurrence, la densité avec l’armada des spécialistes Africains c’est plus simple de jouer un TOP 8, un TOP 5 voire un podium au championnat d’Europe que lors du championnat du Monde à Eugene (Etats-Unis) en juillet. En plus faire un marathon à Eugene cela veut dire un long voyage, 8h de décalage horaire, ce n’est pas la même météo. »

 

Lepape-info : Deux performances qui confirment votre grande forme de l’automne

Y.D : Oui en plus ce sont des distances différentes du marathon. En septembre dernier lorsque j’avais battu mes records sur 10 km, semi puis sur marathon c’était dans la logique je savais que j’étais en forme dans cette période de l’année, j’avais axé ma préparation pour être au top le 14 octobre pour Paris. Là depuis j’ai fait des choses différentes avec les cross, des distances beaucoup plus courtes. En fait je profite d’avoir fait beaucoup de foncier, d’avoir cette grosse caisse du marathon avec quelques séances de spécifique pour que tout de suite mes qualités d’ancien coureur de 5 000 m, de piste, de 3 000 m en salle reviennent assez vite.

 

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Yohan Durand au marathon de Paris 2021 – Crédit photo : Bastien Seon

 

Lepape-info : Quels sont vos objectifs pour 2022 ? 

Y.D : Normalement le principal objectif sera le championnat d’Europe à Munich (Allemagne) au mois d’août. Je ne referai pas de marathon d’ici là. Sur marathon vu la concurrence, la densité avec l’armada des spécialistes Africains c’est plus simple de jouer un TOP 8, un TOP 5 voire un podium au championnat d’Europe que lors du championnat du Monde à Eugene (Etats-Unis) en juillet. En plus faire un marathon à Eugene cela veut dire un long voyage, 8h de décalage horaire, ce n’est pas la même météo. Alors que Munich ce n’est pas loin de la France, ce sera à peu près les mêmes conditions météo. Donc sur marathon le championnat d’Europe à Munich sera mon gros objectif de l’année avec des objectifs intermédiaires comme ce fut le cas l’an passé avant Paris avec pourquoi pas les championnats de France de cross en mars, les championnats de France du 10 km en avril à Boulogne-sur-Mer, quelques courses sur route et semi. L’objectif sera de courir vite sur semi à haut niveau sur des bases de 1h01-1h02 pour être plus à l’aise lorsque je serai sur marathon et que je passerai en 1h04 au semi.

 

Yohan Durand : « Dans le collectif France avec des athlètes comme par exemple Mehdi Frère, Hassan Chahdi, Florian Carvalho, Nicolas Navarro on peut en avoir beaucoup sous les 2h10 et aller chercher une médaille à Munich. »

 

Lepape-info : Vous vous sentez capable de réaliser de tels chronos sur semi ?

Y.D : Oui complètement, quand je vois ce que je fais sur 5 km, 10 km et sur marathon je me dis que cela doit passer sur semi. Je sais que c’est important d’être fort sur semi pour être fort sur marathon, je ne néglige pas le long. Nous avons décidé avec mon entraîneur de faire cette année un seul marathon pour privilégier une vraie préparation longue à partir de mi-mai. Avant je vais me faire plaisir sur des courses mais à partir du 15 mai ce sera objectif marathon.

 

Lepape-info : Lors du rassemblement du collectif marathon en novembre à Saint-Jean-de-Monts vous avez justement discuté de la stratégie de préparation pour l’été prochain ?  

Y.D : Même si les critères de sélections n’ont pas encore été rendus officiels, l’idée est d’amener une équipe de France compétitive sur les championnats d’Europe à Munich parce qu’il y aura aussi la Coupe d’Europe de marathon avec un classement par équipes. Dans le collectif France avec des athlètes comme par exemple Mehdi Frère, Hassan Chahdi, Florian Carvalho, Nicolas Navarro on peut en avoir beaucoup sous les 2h10 et aller chercher une médaille à Munich. Disons que j’ai presque mon billet, j’étais le meilleur Français en 2021 et il ne reste pas beaucoup de marathons pour s’illustrer avec notamment Séville en février et Paris en avril sachant que la date limite pour réaliser les minima est le soir du marathon de Paris. Pour me sortir de la sélection, il faudrait d’ici là qu’il y ait 6 Français qui fassent moins de 2h09’21 (mon chrono à Paris en 2021), cela parait peu probable.

 

Lepape-info : Saint-Jean-de-Monts est visiblement un endroit qui a fait l’unanimité  

Y.D : On avait la thalasso à disposition, on bénéficiait de l’espace récupération c’était intéressant surtout pour se remettre des championnats de France de cross à l’époque qui avaient laissé pas mal de traces musculaires et de fatigue physique. Sur place, les parcours sont bien avec la piste cyclable, la forêt.

 

Yohan Durand : « En 2022, je vais courir moins que cet automne, je vais plutôt faire de vrais cycles et essayer de ne pas me blesser. Le demi-fond est une discipline où la blessure peut vite arriver surtout à mon âge donc il faut aussi courir intelligemment. »

 

Crédit photo : Bastien Seon
Crédit photo : Bastien Seon

Lepape-info : Comment gérez-vous votre carrière à maintenant 36 ans et que les performances sont là, vous êtes plus à l’écoute de votre corps ? 

Y.D : Je pense que j’ai plus de recul que lorsque j’étais jeune. J’aborde les compétitions avec un peu moins de pression, plus d’expérience. Je sais ce que je vaut à l’entraînement, sur les dernières courses je suis arrivé serein, confiant et sans stress. Je revis, c’est un plaisir monstre de me réentraîner dur parce que je n’ai plus aucune douleur, c’est un plaisir de participer aux compétitions parce que je sais que je suis compétitif alors qu’avant je savais qu’en arrivant sur une épreuve j’avais « bricolé », que cela pouvait passer sur un malentendu. Là je sais que je suis prêt, sur les dernières compétitions de ces derniers jours par exemple je sortais d’une préparation de 5 semaines, je n’ai pas loupé une séance, pas un entraînement, pas un footing tout s’est bien passé. Le fait de ne pas avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête de se dire j’ai été blessé j’ai bricolé, vous arrivez plus posé, serein et cela joue certainement.

Je ne me fixe plus de limite quand je vois que je progresse à chaque sortie. Je sais qu’à un moment donné les secondes vont être difficiles à gagner même si par rapport à mon 10 km de Valence il y a encore beaucoup de choses perfectibles sur la course, je sais que je peux encore faire beaucoup mieux. Cela motive, les sponsors reviennent, vous reprenez confiance, vous gagnez plus d’argent, vous êtes ambitieux, vous allez sur plus de courses, vous voulez plus en faire après il y a le risque de trop courir c’est la difficulté aussi.

 

Lepape-info : Votre expérience vous permet de modérer vos ardeurs ? 

Y.D : À un moment donné je me suis dit je vais en faire beaucoup, il faut courir, mettre des dossards, je sortais d’un an et demi d’opérations suivi de la pandémie de coronavirus, pendant deux ans et demi je n’avais pas couru. Maintenant j’ai mon objectif en août et nous allons réfléchir à des compétitions sur lesquelles je peux être compétitif. En 2022, je vais courir moins que cet automne, je vais plutôt faire de vrais cycles et essayer de ne pas me blesser. Le demi-fond est une discipline où la blessure peut vite arriver surtout à mon âge donc il faut aussi courir intelligemment.

 

Yohan Durand : « Je pense que 2022 serait une bonne année si je ne bats mes records mais que je vais chercher une médaille, je n’aurai qu’un marathon et la vérité ce sera le 16 août. C’est la difficulté de viser un seul objectif, c’est souvent le cas en athlétisme, on est jugé sur le grand championnat. La médaille serait le rêve ultime. »

 

Lepape-info : Votre état de forme vous étonne ? 

Y.D : Après la saison de cross, mon entraîneur (Christophe Le Nocher) m’a dit de couper une semaine, je lui ai dit ok mais en lui précisant qu’après j’avais en tête le 5 km de Barcelone et les 10 km de Valence. Pour lui c’était non il pensait que ce n’était pas bon que je ne serai pas prêt. Je lui ai expliqué que les cross m’avaient fait du bien, que la coupure allait pouvoir me permettre de me régénérer et que je pensais vraiment être performant sur ces courses. Au final cela s’est bien passé parce que je me connais et je sentais qu’en quatre semaines je pouvais revenir à un niveau très très fort. L’expérience et le fait de se connaître ont fait que cela a fonctionné

 

Lepape-info : Quelle est votre philosophie actuellement ? 

Y.D : Pas de limite et me faire plaisir, j’ai l’impression que dans la vie quand tout va bien, tout va bien et inversement. J’ai le sentiment d’être sur le haut de la vague depuis le mois de septembre et que j’arrive à surfer dessus. Il va falloir lever le pied jusqu’en mars pour reprendre un vrai cycle d’entraînement, ne pas faire de compétitions tous les week-end et de profiter au maximum de mon état de forme.

 

Lepape-info : Quel est votre rêve ultime cette année ? Une médaille à Munich ? 

Y.D : Oui je prends bien sûr ! L’an dernier j’étais plus dans l’idée de battre des records personnels du 5 km au marathon autant en 2022 je pense que ce serait une bonne année si je ne bats mes records mais que je vais chercher une médaille, je n’aurai qu’un marathon et la vérité ce sera le 16 août. C’est la difficulté de viser un seul objectif, c’est souvent le cas en athlétisme, on est jugé sur le grand championnat. La médaille serait le rêve ultime.

 

Lepape-info : Elle vous semble accessible cette médaille ?

Y.D : Sur un championnat oui. Il me semble qu’à la fin de l’année 2021 j’avais la 12ème performance européenne avec en fait  4 Israéliens naturalisés qui ont couru entre 2h07’44 et 2h08’41 le même marathon en Israël en mars et que l’on ne voit pas forcément sur les grands championnats mais qui vont plus monnayer leur présence sur des marathons à chrono. Un marathon de championnat reste particulier sans lièvre, c’est délicat de faire des pronostics, j’estime que j’ai mes chances. Si je garde cet état de forme et que tout se passe bien je pense que j’en suis capable. Quand on voit l’exemple de Christelle Daunay championne d’Europe en 2014 à presque 40 ans cela montre bien que dans une discipline d’endurance peu importe l’âge si vous avez la fraîcheur mentale et physique vous pouvez toujours vous en sortir. D’autant que l’expérience compte plus que la fougue de la jeunesse sur les distances longues, j’en suis sûr.

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