Pourquoi jeûner avant de courir sous la chaleur ?

On utilise souvent la métaphore d’une voiture pour imager le corps à l’exercice. Avoir comme l'on dit un plus gros « moteur », des « amortisseurs » robustes ou une faible « consommation aux 100 km » sont des axes de progrès. Par rapport aux épisodes de chaleur que nous vivons cet été, le sang en tant que « liquide de refroidissement » devient un paramètre clé. Voyons pourquoi.

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Pour comprendre plus facilement ce qui compte dans la performance, on a tendance à compartimenter : l’exercice est assimilé aux termes « fatigue » et « muscles », la nutrition aux mots « sucre », « graisses » et « énergie »,  la chaleur à ceux de « sueur » et « déshydratation ».

L’étape suivante, dans cette compréhension, est de saisir les relations qu’il existe entre chacun de ces éléments car ce ne sont pas que des termes.

 

Exemple : en quoi une période d’affûtage (liée à l’entraînement) permet-elle d’augmenter nos réserves musculaires de sucre (liées à l’énergie) ?

Dans cette logique de compréhension, nous allons voir en quoi le sang est à l’interface des interactions entre exercice, chaleur, et nutrition.

 

  1. Manger avant de courir

Ici, on aborde d’abord une unique relation (manger-courir).

Dans ce titre, « avant » doit être compris comme « juste avant », c’est-à-dire dans les dernières minutes avant de courir. Dès lors que l’on s’imagine cela, on pense alors immédiatement que c’est une erreur !

Et effectivement, il serait improductif de détourner le sang de nos muscles vers notre intestin, surtout lorsque l’enjeu est de faire une performance – c’est d’ailleurs bien là le challenge des boissons d’effort et des repas d’avant-course pour éviter les maux d’estomac.

Cependant, il est à noter que ce comportement improductif peut ne pas l’être, et qu’il est même devenu une vraie stratégie de progrès ces dernières années. Car en effet, le système digestif peut aussi devenir plus efficient en utilisant peu à peu moins de sang lorsqu’il est régulièrement soumis à cette contrainte de « manger avant de courir ».

Comme une voiture avec peu d’essence, on comprend donc ici qu’il n’est pas judicieux d’irriguer simultanément plusieurs parties de notre corps, si l’on peut s’en passer.

Cette logique vaut aussi sous la chaleur.

 

 

  1. Courir quand il fait chaud

« Chaud » représente pour certains 25°C dehors, et pour d’autres 30°C. Les sensibilités varient.

Tout comme pour le point précédent, on peut se dire que courir en chaleur est une erreur. Mais ici encore, notre corps est capable d’apprendre à devenir plus efficace dès lors qu’il est progressivement exposé à ce stress. Or, avant d’en arriver à ce stade, la question demeure : pourquoi est-ce plus dur de courir en chaleur ?

Derrière la réponse simple « parce que j’ai chaud », il faut imaginer qu’il existe un tas de mécanismes – comme pour une voiture – dont celui de la réorganisation du volume de sang dans le corps. En chaleur, celui-ci abonde sous la peau dans le but d’évacuer sa chaleur vers l’environnement extérieur.

Or, n’oublions pas que ces masses de sang représente un volume limité.

Autrement dit, à irriguer les portières ou le toit de notre voiture (c’est-à-dire la peau), on approvisionne forcément moins le moteur.

 

 

  1. Manger avant de courir quand il fait chaud

On en arrive à notre point d’intérêt.

Même si les deux points précédents peuvent être vus comme un axe de progrès lorsqu’ils sont travaillés isolément, il n’est pas conseillé de les combiner pour espérer maximiser les progrès.

Cette idée serait légitime, certes, car logique. Mais malheureusement, nombre de facteurs de performance, lorsqu’ils sont cumulés dans un temps réduit, surchargent l’organisme : les conséquences vont de la blessure locale à la fatigue générale.

 

D’un point de vue physiologique, vous avez probablement déjà cerné le « pourquoi » : le fait d’appeler en parallèle dans notre intestin ET sous la peau, des volumes de sang normalement destinés aux muscles peut transformer la séance en chemin de croix :

  • Fréquence cardiaque très rapidement haute
  • Sensation de chaleur très prononcée, sans sudation excessive ou visage rouge
  • Pénibilité accrue de l’exercice, dont un inconfort digestif

 

 

Que faire alors ?

Au cours d’une année, nombre d’efforts interviennent dans ce contexte : après avoir mangé et sous la chaleur. Et il n’est pas toujours envisageable de repousser l’effort, réduire l’allure, trouver des passages à l’ombre ou s’arroser régulièrement.

 

Dans l’immédiat (la séance d’entraînement va démarrer), il sera mieux de prioriser les boissons froides par rapport aux aliments.

En effet, même si ces derniers sont nutritionnellement avantageux à l’exercice et, en ambiance tempéré, ne posent pas forcément de problèmes digestifs au coureur, la chaleur change clairement la donne. Non pas car les aliments se digèrent plus difficilement (bien que…), mais car ils délivrent évidemment moins d’eau au corps.

Et là est leur intérêt principal pour le point discuté. Les boissons, surtout celles d’effort (eg, hypotoniques), auront l’intérêt de préserver le volume sanguin notamment lorsqu’elles sont fraîches (5-10°C) :

  • Sudation encouragée, car le plasma sera chargé d’eau
  • Volume de sang plus important, car le plasma sera chargé d’eau
  • Fréquence cardiaque plus basse, car le plasma sera chargé d’eau
  • Élévation de la température centrale retardée, car la boisson fraîche agira au centre du corps

Des liquides donc, pour soutenir une circulation sanguine sollicitée de toute part.

 

À une échelle de temps plus longue, la logique est différente.

Pour se préparer à nos deux facteurs de stress avant une course, je conseillerais de prioriser l’acclimatation à la chaleur 4 semaines avant la course, puis de greffer des séances « avec l’estomac plein » après 10 jours et uniquement sur des séances à la fraîche/hors chaleur pour limiter le stress physiologique.

De la sorte, votre organisme sera presque totalement acclimaté lorsque vous démarrerez la seconde stratégie.

Dans cette perspective, la dernière semaine pourra faire l’objet de jauger vos réactions en combinant les 2 sources de stress : chaleur + digestion. Cette phase servira à ajuster vos allures et doser vos apports nutritionnels – chacun des deux ayant été amélioré par le bloc de 3 semaines précédentes

Cette trame est relativement courte mais rationnelle. Dès lors, l’étendre sur une durée supérieure ne peut qu’être bénéfique en termes d’expérience, et donc pour vos résultats.

 

En guise d’ouverture aux interactions exercice-nutrition-chaleur, il est possible de s’interroger sur :

  • Une question locale : quelle hydratation avoir pour maintenir mon volume de sang (quantité, type, température, timing) ?
  • Une question globale : dans quelle mesure puis-je augmenter l’intensité d’exercice sans souffrir des effets de mon dernier repas et de la chaleur ?

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