Comment la Norvège est devenue une place forte du sport de haut-niveau ? Une approche radicalement différente !

Les Jeux Olympiques d’hiver 2022 à Pékin se sont achevés il y a une semaine.
Comme en 2018 à Pyeongchang, la Norvège a trusté les podiums en terminant à la 1ère place au tableau des médailles avec 37 médailles dont 16 en or, 8 en argent et 13 en bronze loin devant l’Allemagne et la Chine.
Impressionnante, la Norvège est une nation qui brille en toute saison.

Ce qui est nouveau c’est que la Norvège est une nation de plus en plus forte lors des compétitions se déroulant l’été et dans des sports populaires.

Notamment au travers des frères Ingebrigtsen en demi-fond et plus particulièrement de Jakob, récent champion olympique du 1500m, de Karsten Warholm intouchable sur 400 m haies, Kristian Blummenfelt champion olympique de triathlon.

 

Sans oublier Erling Haaland l’un des plus grands talents actuels en football, Casper Ruud 8ème mondial au tennis ou plus surprenant Viktor Hovland top 10 mondial au golf, Mol et Sorum champions olympique en titre de beach-volley ou Magnus Carlsen n°1 mondial aux échecs depuis 11 ans.

 

Alors, comment la Norvège s’y prend-elle ? Comment un pays de 5,3 millions d’habitants soit près de 13 fois moins que la France peut-il produire une telle richesse de talents ?

 

Cela commence par une approche radicalement différente du sport basée sur un concept connu sous le nom de « Joy of Sport for All ».

Alors que les Anglos-saxons dirigent les enfants qui affichent du potentiel dans des structures d’élite à un âge précoce et  que la France fait le choix des filières fédérales, la Norvège pour sa part met l’accent sur la participation.

 

Les enfants sont encouragés à pratiquer autant de sports que possible ( à des coûts très bas)  pour les parents.

Autre approche encore : les clubs ne sont pas autorisés à enregistrer les scores des matchs ni à réaliser des classements pour les enfants de moins de 13 ans et il n’y a pas de classement individuel, de confrontation d’équipes ou de championnats nationaux jusqu’à ce groupe d’âge.

Ces règles sont étiquetées et écrites dans « les droits de l’enfant dans le sport », un document de 12 pages qui explique que « les enfants devraient vivre une expérience positive chaque fois qu’ils pratiquent un sport ».

Les adolescents prometteurs peuvent se spécialiser dans un sport choisi et recevoir un encadrement expert. Mais même les adolescents talentueux s’adonnent souvent à une variété de sports et restent attachés à leur club local. Warholm ne s’est concentré sur les haies qu’à l’âge de 20 ans et a passé des années à concourir en décathlon.

Si  J.Ingebrigtsen reste une exception liée à l’histoire familiale, ils ont malgré tout pratiqué de nombreux sports intensément (foot, ski de fond…) jusqu’à leur arrivée au niveau élite en course à pied .

 

T.A. Hetland, qui a remporté l’or en ski de fond aux Jeux olympiques de 2002, a essayé presque tous les sports dans son enfance, y compris le sprint, le disque, le javelot et le football en plus du ski de fond « nous jouions au football l’été et skiions l’hiver. C’était assez normal et ça l’est toujours », a-t-il déclaré.

Il a également expliqué que, même au niveau élite, l’entraînement est beaucoup moins rigide en Norvège que dans de nombreux autres pays : « Si vous enseignez les compétences et la passion, les athlètes se développent », « Les athlètes s’entraînent en partie avec des entraîneurs plus comme mentors et moins comme dictateurs imposant un programme et une vision. »

 

Il n’en a pas toujours été ainsi. Le sport norvégien a connu un moment de vérité en 1988 après que le pays n’ait remporté que cinq médailles – trois d’argent, deux de bronze – aux Jeux Olympiques d’hiver de Calgary et terminé 11ème nation (1er en 2018 avec 39 médailles : 14 or, 14 argent & 11 bronze).

Cette mauvaise performance a incité à repenser le développement des athlètes et viser à une plus grande collaboration entre le gouvernement et les clubs. Cela a également conduit à la création d’un centre sportif d’élite appelé Olympiatoppen, qui a pour vocation d’accorder plus d’attention à la formation d’athlètes de haut niveau à l’approche de l’élite.

 

Quand la Norvège a accueilli les Jeux Olympiques en 1994 à Lillehammer, le pays était de retour parmi les trois premiers en remportant 26 médailles, dont 10 d’or.

Depuis, elle a dominé le classement des médailles aux Jeux d’hiver qui reste son terrain de prédilection mais elle a également commencé à connaître du succès aux Jeux d’été. Vebjorn Rodal a remporté le 800 mètres masculin aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, Trine Hattestad le javelot et l’équipe féminine de football a remporté l’or aux Jeux de 2000 à Sydney ou Andreas Thorkildsen au javelot en 2004 et 2088.

« Il y a vraiment eu un changement dans l’ensemble de la réflexion lorsque nous avons eu l’organisation des Jeux en 1994 à Lillehammer », a déclaré Inge Andersen, ancienne secrétaire générale de la Confédération des sports. « parce qu’alors nous avions pour objectif d’être la meilleure nation en 1994, et cela a rejailli sur l’ensemble du mouvement sportif en Norvège. Depuis, nous sommes de plus en plus forts. »

 

Andersen a déclaré que la Norvège n’avait pas non plus dévié de son concept de participation et d’égalité d’accès aux sports.

« Les jeunes en Norvège ont la possibilité d’essayer de nombreux sports différents et, en fin de compte, ils peuvent choisir par eux-mêmes ». « Ce n’est pas l’entraîneur, le père ou la mère qui choisissent pour eux ».

 

Autre aspect spécifique, Tore Ovrebo, le directeur d’Olympiatoppen, a déclaré que s’il était confiant quant aux chances de la Norvège aux J.O d’hiver en Chine , il n’avait pas d’objectif de médailles. « Nous avons de grandes attentes et nous pensons que se seront de bons Jeux pour la Norvège ». « Notre travail consiste à aider les athlètes à faire de leur mieux et ensuite nous comptons les médailles. »

Il faut malgré tout prendre toujours du recul sur des concepts d’entraînements ou de formation propres à une nation ou un groupe de personnes. Des français ne seront jamais des norvégiens et l’inverse est évidemment également vrai.

 

Malgré tout, lorsqu’un modèle fonctionne,  il est important de prendre le temps de les étudier. Nous idéalisions ces dernières années les modèles anglo-saxons et plus particulièrement anglais sur l’accompagnement réalisé auprès de leurs sportifs élites à très fort potentiel. Ce modèle n’est pas transposable à la lettre au modèle français, mais nous a appris à plus individualiser l’accompagnement de ces top athlètes en ciblant leurs besoins spécifiques et tenter d’apporter des solutions ciblées.

Mais, n’oublions pas que certains modèles de performance dans de nombreux sports  sont appréciés par les étrangers, en atteste le nombre de nos techniciens partant à l’étranger dans des projets de haute performance. Comme souvent le français a par nature une tendance à critiquer et à voir l’herbe plus verte chez son voisin.

Mais, il est à noter que les Norvégiens ont pris un parti fort de prioriser une pratique sportive large et volumineuse. Or, nous savons depuis de nombreuses années que cela reste souvent le meilleur moyen de développer de futurs champions à l’inverse de la spécialisation, mais également de futurs adultes en bonne santé physique et mentale.

Cela laisse donc à réfléchir sur ce que nous pouvons proposer à nos jeunes publics qu’ils aient une nature compétitive ou non. 

 

 

image1
aubry_anael
image3
@AUBRYANAEL
image5
Anaël Aubry
image6
Anaël Aubry Sport Scientist

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réagissez