Les capteurs de puissance en course à pied sont-ils fiables et utiles ?

Il y a quelques années sont apparus des capteurs de puissance en course à pied. Aujourd’hui ils sont universels et ancrés dans le monde cycliste ou triathlète pour objectiver l’intensité d’exercice sur le vélo quel qu’en soient les conditions (vent, pluie, beau temps, descentes, montées…).
Il est tentant de les dupliquer dans des sports cousins comme la course à pied où l’environnement peut également être changeant hors d’une piste par belle météo. Alors est-il pertinent de s’équiper ?

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La société qui a lancé l’idée des capteurs de puissance pour la course à pied et qui a le leadership sur le marché se somme Stryd.

Bonne nouvelle, elle a récemment publié un livre blanc intitulé « Running Power Definition and Utility ». Vous aurez tous compris la traduction.

Etrange une société qui vend un appareil et réfléchit à son utilité ?

 

 

Ayez en tête qu’une étude indépendante très récente a établi que plus de la moitié des outils connectés utilisés dans le sport n’ont pas été validées par des recherches indépendantes et seulement 5% l’ont été officiellement, 10% des technologies ont été développées et utilisées dans la recherche.

Cela permet de prendre un peu de recul sur les outils que nous pouvons utiliser. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont aucun intérêt ou ne sont pas fiables, mais que sans un petit travail de comparaison et de recul personnel il ne faudra parfois pas aller trop vite en besogne.

Stryd a donc ici le mérite, malgré sa mise sur le marché en 2015 d’être humble et assez transparent. C’est pourquoi il nous semble intéressant, en tous les cas c’est notre conception, de ne pas forcément suivre une mode, un mouvement, mais plutôt d’aller vers ce qui semble être le mieux pour soi.

 

Dès son lancement, l’un des cofondateurs de Stryd a déclaré que son défi fondamental était « le manque de connaissance » et espérait que les premiers utilisateurs aideraient l’entreprise à déterminer la pertinence de son produit. C’est encore une fois d’une grande honnêteté. Mais cela reflète également que si vous avez foncé tête baissée vers l’outil sans en connaitre les problématiques, vous avez potentiellement acheté un produit producteur de chiffres, mais sans en ressortir une utilité claire dans la lecture de vos contenus d’entraînement.

Malgré tout, politique gagnante pour Stryd qui a obtenu de nombreux retours de ses utilisateurs, notamment anglo-saxons et relativement positifs de la part des coureurs amateurs. Mais, persiste une grande déconnexion entre les critiques positives des utilisateurs et le consensus général des scientifiques qui étudiant la course à pied, à savoir que la puissance en course à pied est un concept fallacieux dans sa rigueur et son intérêt tel qu’elle est perçue dans le champ des sports d’endurance.

En cela, ce livre blanc permet de beaucoup mieux appréhender le concept de puissance en course à pied, notamment en allant plus loin dans la compréhension de la technologie, de bien comprendre les biais et apports potentiels, pour se faire sa propre idée avec une certaine prise de hauteur et ainsi réaliser ses propres choix.

 

 

La loi des 3 facteurs

Vous savez toutes et tous que la puissance en cyclisme, comme la vitesse en course à pied ou natation, indiquera à un instant T la charge externe de votre activité. En clair, à quelle intensité correspond l’effort que je suis en train de produire. Cela aura une grande pertinence, car si vous maitrisez votre profil, vous saurez si courir à 15 km/h est trop élevé ou insuffisamment pour réaliser la performance souhaitée vis-à-vis de ce qu’il reste à entreprendre et l’a déjà été.

Mais, la charge est une équation à trois facteurs. En effet, et c’est toute la magie du corps humain, un effort sportif répond à un challenge énergétique. En clair, comment vais-je m’organiser pour produire l’énergie nécessaire au stress actuel. Notre physiologie est formidablement constituée, elle va chercher à établir instantanément différents processus permettant de répondre à la commande : « te fournir le niveau d’énergie nécessaire pour courir à 15 km/h sur une route bitumée plane avec vent dans le dos de 10km/h et une ambiance thermique de 20°C et 50% d’humidité par exemple.

Le 3ème facteur étant notre mental, l’ordinateur central qui enverra les commandes, captera les informations et dictera la marche à suivre. Nous pourrions en ajouter bien d’autres comme la raideur de vos tendons, votre niveau de puissance, votre mobilité, etc., mais finalement ils n’ont pas lieu d’être discuté ici car si votre manque de mobilité de cheville fait qu’au-dessus de 15 km/h vous consommez beaucoup d’énergie, c’est finalement qu’il ne faille pas simplement lire un chiffre (15 km/h ou 200 W), mais le lire avec une vision globale de la performance et de vos capacités aux multiples facteurs.

Autre exemple, si vous consommez peu à 15 km/h mais n’êtes pas armé mentalement pour tenir un marathon, cela vous avancera bien d’être économe sur l’intensité théorique pour votre marathon vis-à-vis de votre profil énergétique. Peut-être qu’ici, travailler le 3ème facteur prendra tout son intérêt.

 

 

Le challenge énergétique

La charge externe, qu’elle soit vitesse de déplacement en course à pied ou puissance en cyclisme nous indique donc la vitesse à laquelle nous utilisons nos stocks énergétiques et de quelle façon, le fameux challenge « puis-je répondre à la demande ? » (un effort max de 1 min ne vaut pas un effort maitrisé de 2h ; un effort max de 1min répété 10 fois sur une course de vélo de 2h n’aura pas le même sens que s’ils sont réalisés avec 1min de récupération donc en 20 min).

C’est pourquoi il est important de savoir ce qui se cache derrière ces chiffres : vitesse/puissance Vs temps Vs conditions Vs profil personnel) pour permettre un retour objectif sur l’effort actuel ou à réaliser si l’on maitrise sa propre loi de l’offre et la demande : je produis 15 km/h sur une route plate sans vent = je produis X puissance = X demande énergétique.

Pour conclure, une charge externe n’a donc aucun sens si l’on a pas conscience de la demande énergétique qu’elle produira. Et donc, notre quotidien n’est que challenge énergétique. Des très simples : l’être humain moderne sédentaire assis presque toute la journée mangeant à sa faim avec un challenge proche de 0. Des plus complexe : le sportif jouant parfois avec ses limites de la séance lactique à l’échec à l’ultra trail de plusieurs jours.

 

Nous pouvons donc considérer un coureur comme une usine qui transforme l’énergie de ses réserves personnelles et/ou d’apports extérieurs et la transforme en force pour se propulser au sol et vers l’avant. Il y a cependant une importante problématique, la machine humaine bien qu’impressionnante par son fonctionnement énergétique, sera d’une efficacité toute relative.

En clair, l’énergie produite n’est utilisée en moyenne qu’à 25% de son total. Le reste sera perdu à différentes autres fins et notamment à la production de chaleur et cela d’autant plus dans nos sports aérobies. Le même phénomène se produira pour nos muscles qui ne sauront produire leur pleine puissance dans le cadre de nos différents mouvements, dans un contexte humain.

En clair, il y aura mécaniquement une importante différence entre votre puissance métabolique qui reflète de façon imagée les calories que vous brûlez et leur provenance (glucides, lipides, protéines ; muscles, foie, tissu adipeux…), et votre sortie soit la puissance mécanique illustrée par la force avec laquelle votre pied frappera le sol, associée à toutes les autres demandes énergétiques : la flexion de hanche et de genou permettant la remontée de votre pied, le mouvement de balancier de vos bras, etc.

 

De façon intéressante, femmes et hommes de terrain nous nous intéressons très souvent préférentiellement à la charge externe : vitesse/puissance/temps. Hors, encore une fois, si ces données sont prises seules, il manque des informations essentielles à l’équation terminale.

D’autre part, dans nos sports à forte dimension énergétique, la charge interne prend tout son sens car pour tout effort demandé, le challenge sera très souvent énergétique. Lors de notre dernier article sur le caractère économique exceptionnel des marathoniens d’exception comme Kipchoge (https://www.lepape-info.com/actualite/actualite-running/la-fin-du-mythe-de-la-vo2max-premiere-partie/), nous avions pu voir que ces experts ont donc la faculté à peu consommer d’oxygène à la vitesse de course et surtout leur grande efficience de geste leur permet que cette consommation dérive peu.

Or, cette consommation d’O2, que l’on pourrait également illustrer par leur fréquence cardiaque (FC) aura pour rôle principal de permettre l’oxydation des sucres et des graisses notamment. Donc assez logiquement s’il est « peu » coûteux pour Kipchoge de courir à 21,1km/h cela pourrait lui permettre de prendre l’avantage sur un adversaire pour qui cela l’est plus. Bien entendu il faudra rapporter d’autres facteurs comme : son endurance musculaire, ses capacités mentales, son entraînement, etc. Mais par exemple, connaitre simplement sa vitesse de course ne se suffirait donc pas.

Cet exemple illustre assez bien l’intérêt pour nous tous d’associer les chiffres de notre activité à leur demande et non uniquement de s’en servir comme d’une data de mise en avant sur les réseaux vis-à-vis de nos conceptions. Mais cela vaudra également pour des efforts très courts. Quels que soient les distances, même si vous visez des adaptations musculaires et/ou mentales par exemple, elles seront le plus souvent associées à un stress physiologique énergétique auquel le corps essayera de s’adapter.

 

Par exemple, si votre entraîneur vous demande de faire plusieurs sprints de 5 sec où vous devrez donner le maximum et avec une récupération complète permettant de repartir sans baisse de performance cela ne coule pas de source qu’il y a un grand défi énergétique, surtout pour nous endurant.

Et pourtant, votre corps devra s’organiser pour fournir une très grande énergie en un temps record. Pour cela vos enzymes (les ouvriers de votre usine à énergie du muscle) vont devoir augmenter comme jamais leur rythme de travail. Quelqu’un qui ne s’entraînerait jamais dans ce secteur aura certainement un déficit sur ce processus énergétique. S’y entraîner devrait donc permettre d’augmenter la main d’œuvre de ces ouvriers. Bien entendu d’autres adaptations seront clairement également à regarder sur les aspects neuromusculaires et techniques.

Malgré tout, ils seront dépendant de la capacité à fournir de l’énergie efficacement comme pour tout effort. Cela pourra valoir le coup pour un cycliste/triathlète qui doit réaliser des relances, pour un nageur lors de sa poussée au plot ou sur le mur, un nageur d’eau libre au passage des bouées, un coureur à pied au départ d’un cross. Bref, une nouvelle fois, quel est le coût de l’effort demandé ?

 

 

Courir n’est que physiologie

J’en conviens, nous sportifs ne parlons pas beaucoup de physiologie. Mais je pense que c’est surtout une question de terminologie. Si vous allez dans un laboratoire et utilisez un tas d’équipements sophistiqués pour enregistrer votre VO2max, vous mesurez donc votre consommation énergétique. Souvent nous nous arrêtons sur la consommation d’oxygène, car c’est un bon indicateur de la vitesse à laquelle nous brûlons l’énergie aérobie. Et si vous utilisez ces données de laboratoire pour identifier une FC qui vous permettra de courir à votre allure de course identifiée, vous utilisez à nouveau la FC comme indicateur d’énergie.

Et je dirais même que si vous abandonnez toute la technologie et que vous courez simplement à la sensation, en essayant de juger votre rythme pour parcourir la distance souhaitée le plus rapidement possible, votre perception de l’effort comme indicateur de réussite de l’objectif s’appuiera sur sa connaissance de vos facteurs de performance et donc notamment l’énergétique. Car lorsque l’on est lucide sur ses capacités vis-à-vis de l’effort demandé, notre ordinateur central se trompe rarement.

Si vous souhaitez réaliser un footing ou une sortie vélo facile, car cela a du sens dans votre programmation, votre objectif sera que les sensations de facilité soient présentes. Elles seront énergétiques. Par exemple, en ne dépassant pas le seuil aérobie, vous resterez dans une consommation énergétique faible, presque uniquement aérobie, incluant encore minoritairement la glycolyse.

 

 

Cyclisme Vs course à pied

Tout le monde ne possède pas un capteur de puissance en cyclisme, mais la question de son utilité lorsque l’on souhaite être fin dans l’analyse de ses efforts ne se pose plus.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’en cyclisme l’intensité d’effort à X vitesse donnée sera influencée par de nombreux facteurs comme le rendement au sol (qualité de route et des pneumatiques, pression de ces derniers), le poids Homme/machine, la qualité de vos roulements, vos roues, votre vélo, le vent, seul ou en peloton, votre positionnement, etc. L’avantage du capteur de puissance est qu’il nous renseignera sur une puissance mécanique, celle que vous appliquez à vos pédales.

Par exemple si vous réalisez un test d’effort en laboratoire pour connaitre votre profil aérobie ou réalisez un sprint maximal, la puissance appliquée, qu’elle le soit sur la bicyclette de la clinique, votre vélo, les mains en bas du ceintre ou aux cocottes correspondra toujours relativement à la même puissance mécanique.

Donc si vous savez associer une puissance à une intensité donnée, par exemple 50% de PMA, ou le seuil aérobie, etc., vous pouvez estimer l’effort interne demandée et donc la demande énergétique qui y est associée. En d’autres termes, vous pouvez ajuster votre effort à la hausse ou à la baisse suivant l’effort à venir connue et votre connaissance de vous-même. Comme vous le feriez par exemple en gérant votre effort que ce soit avec un GPS ou au ressenti pour un entraînement en course à pied. S’il faut réaliser 1h sur un terrain vallonné ou 10×400m récupération 1min, dans les deux cas de figure avec la meilleure performance possible, la demande de charge externe et donc interne n’étant pas la même vous ajusterez votre vitesse de course en fonction pour être le/la meilleur(e) possible.

 

Mais, courir est totalement différent de pédaler. Le livre blanc de Stryd, rédigé par la scientifique interne Kristine Snyder a également mis contribution des conseillers scientifiques externes que sont Shalaya Kipp et Wouter Hoogkamer, ceux-là même que nous avons régulièrement cités dans nos nombreux articles ces dernières années sur les chaussures Nike et la courses aux records sur marathon, ces derniers étant actuellement les experts en matière de science de la course à pied.

 

Ceux-ci identifient trois raisons pour lesquelles les puissances mécanique et métabolique (externes et internes) n’ont pas de relation aussi cohérente en course à pied qu’en cyclisme.

  • La première est que le mouvement des membres est beaucoup plus variable, ce qui signifie que l’efficacité musculaire varie également davantage qu’en cyclisme.
  • La seconde est que chaque coup de pied au sol oblige à absorber des forces plutôt qu’à en produire. Or, cette phase d’absorption demande une importante dépense d’énergie à chaque fois que le pied touche le sol.
  • Enfin, la magie de la course à pied et ce qui différenciera le plus souvent les experts des amateurs, réside dans le fait que nos tendons auront un rôle de ressort à chaque foulée, stockant puis recyclant l’énergie emmagasinée à chaque passage du pied au sol, augmentant ainsi presque naturellement et à moindre effort notre puissance mécanique pour avancer et maintenir la vitesse souhaitée.

 

Finalement nous pourrions à la rigueur essayer d’établir une relation entre puissance mécanique et métabolique sur tapis roulant. Assez logiquement vos appuis différeront assez peu dans ces conditions très linaires et peu changeantes en dehors du facteur vitesse. Bien entendu vous tirerez plus sur les bras à 17 km/h qu’à 8, mais malgré tout l’organisation mécanique pour avancer y est moins importante qu’en plein air. Mais notre énergie élastique n’y resterait pas mesurée. Alors quid du passage de la piste au bitume. Que se passera-t-il lorsque le moindre dénivelé se présentera… Pourquoi ? Parce que par exemple lorsque vous montez, votre foulée rebondit moins efficacement et par conséquent vos tendons restituent moins d’énergie.

 

De récents travaux ont montré en moyenne – que nous ayons un ordre de grandeur ces chiffres différents en fonction des nombreux facteurs – que l’efficacité de mouvement sera diminuée de 10% lors du passage d’un terrain plat à montant. Lorsque ce dernier sera supérieur à 20%, par exemple lors de certaines montées de trail, se sera de nouveau 10% qui seront retranchées à l’efficacité de mouvement.

 

En pratique, cela signifie qu’essayer de maintenir une puissance mécanique constante comme un cycliste pourrait par exemple le faire sur un contre la montre, malgré les variations de dénivelé, ne sera pas possible en course à pied à la lecture des données rendues par un capteur de puissance.

 

De façon concrète ? Si par exemple vous êtes à 100 Watts (W) sur un parcours plat, « facile d’un point de vue physio ». Pour reprendre les chiffres moyens, d’un coureur ou d’une coureuse moyenne, votre efficacité sera de 60%, soit 160W métabolique/énergétique. Votre parcours de footing emprunte une longue côte de pourcentage moyen, vous perdez en efficacité mécanique. Pourtant vous vous fiez au capteur de puissance pour essayer de lisser votre effort, mais cette perte d’efficacité, que nous estimerons ici à environ 20%, augmentera votre ressenti de difficulté, votre cardio et votre souffle. Logique, votre puissance métabolique/énergétique sera passé à environ 200W lorsque le capteur annoncera toujours 100W comme souhaité.

 

 

Ce que veulent vraiment les coureurs

C’est la réalité que Stryd reconnaît formellement dans son livre blanc. Leur appareil affiche une lecture qui ressemble à une puissance mécanique comme pour celui du cycliste, calculée ici à partir d’un ensemble d’accéléromètres, de gyroscopes, d’un baromètre, d’une sonde de vent et d’autres capteurs intégrés dans un podomètre.

Mais l’algorithme, car oui il s’agit d’un algorithme à l’inverse d’un capteur de puissance cycliste basé sur la déformation de jauges de contraintes permettant la mesure du couple de force dans le pédalier ou les pédales par exemple, ne devra donc pas être lu de même façon que pour la puissance cycliste.

Le capteur de puissance en course à pied est explicitement conçu pour maintenir une relation constante entre la donnée de puissance affichée à l’écran et votre puissance métabolique. Dans l’exemple ci-dessus, si vous maintenez 100W sur l’appareil Stryd, vous produisez en fait 83W mécaniques, ce qui correspond à 167W métaboliques. Conserver la puissance constante sur l’écran du Stryd équivaut à maintenir la puissance métabolique constante et à laisser la puissance mécanique changer sans en connaitre donc réellement le changement.

 

Dans le livre blanc, Snyder, Hoogkamer et ses collègues introduisent une terminologie plus subtile. Ce que Stryd vise réellement à fournir comme information, est une mesure de la demande métabolique instantanée, plutôt que de la puissance métabolique.

 

À titre de comparaison, l’un des principaux problèmes de la FC est qu’elle ne répond pas instantanément aux changements de la demande métabolique. Lorsque vous commencez à gravir une colline, vos muscles commencent à consommer plus d’énergie immédiatement, mais votre fréquence cardiaque augmente plus lentement à mesure que les systèmes de contrôle du corps réagissent au changement et que le système aérobie, donc cardiovasculaire s’ajuste.

Cela signifie que vos muscles ne reçoivent temporairement pas assez d’oxygène pour répondre à leurs besoins en énergie aérobie, ils comblent donc ce besoin par de l’énergie anaérobie alactique ou lactique suivant la demande. Si vous montez une côte tout en essayant de maintenir votre FC constante, vous sprinterez dans la première section et mettrez un coup de frein lorsque votre rythme cardiaque se sera mis au niveau souhaité, mais avec une puissance mécanique donc trop forte pour l’allure souhaitée et une FC qui devrait continuer à dériver malgré votre ralentissement.

Même lors de votre test d’effort en laboratoire, votre puissance métabolique rencontrera le même problème. A savoir un temps d’ajustement pour que les mesures aérobies (VO2, FC, ventilation, etc.) se stabilisent. C’est pourquoi si vous souhaitez une analyse fine de votre profil individuel il sera souhaitable que les paliers fassent à minima 2min et que l’incrément (l’augmentation de puissance ou de vitesse) ne soit pas un escalier trop élevé, donc ajusté à votre niveau.

Stryd vise donc ici autre chose : il estime la demande métabolique imposée à vos muscles en temps réel, à un instant T, plutôt que la quantité d’énergie fournie par votre système aérobie, prenant ainsi en compte les apports énergétiques, tant des systèmes aérobie qu’anaérobie.

 

Clairement son utilisation pour être le plus fin dans son effort sera rendu compliqué dans des conditions de dénivellation très changeantes. Sauf si vous accepterez pendant plusieurs sorties de ne pas vous fier aux « chiffres » bruts, mais plutôt d’apprendre à les lire en fonction de votre analyse et de votre profil individuel de coureur et face aux différentes conditions (sur le plat bitumé, sur chemin, une pente montante ou descendante d’environ X%, etc.). Alors il pourrait être un indicateur relativement fin de votre effort pour réajuster celui-ci au besoin.

Rappelez-vous par exemple, que nous avions vu récemment que la notion de vitesse/puissance critique prenait tout son sens pour les courses d’endurance, notamment ici pour les top athlètes sur marathon. Il pourrait par exemple devenir envisageable de réaliser cette durée d’effort sur le plat bitumé comme sur un trail, seulement à l’inverse du cycliste qui essayerait de maintenir une puissance constante sur le plat comme dans le dénivelé +/-, ici vos données de puissances s’ajusteront avec le dénivelé.

Par ailleurs, Stryd doit avoir la capacité à s’ajuster aux conditions de vent, de surface, climatiques, de pression atmosphérique, etc., auxquels le cycliste doit lui faire face par sa connaissance de sa réponse à ces derniers. Par exemple, en abaissant sa puissance de X Watts lors de conditions thermiques extrêmes pour éviter le coup de chaleur.

 

 

Mais alors qu’y a-t-il à l’écran ?

Cela reste une question sans réponse. Le nombre sur l’écran Stryd n’est donc pas une puissance mécanique rigoureuse et mécanique comme celle du capteur cycliste. Ce n’est pas non plus une demande métabolique, bien qu’il essaye d’y répondre.

La réponse de Stryd est la suivante : « le facteur d’échelle utilisé n’est clairement pas arbitraire. Il a été choisi pour permettre la cohérence entre les valeurs de puissance suivant l’effort réalisé ». Plus clairement, leur volonté est d’homogénéiser la lecture de la puissance avec celles des cyclistes pour une compréhension facilitée.

Cette puissance n’étant pas actuellement mesurable finement et justement, l’objectif est qu’un cycliste ou triathlète utilisant l’appareil en course à pied puisse s’y retrouver avec des valeurs assez proches pour un effort au seuil ou à PMA par exemple.

 

Personnellement il faut leur reconnaitre leur démarche et franchise. Ils déclarent « Oubliez le nombre. Le nombre n’est pas important. C’est ce qu’il représente qui a un intérêt ». En d’autres termes, prenez part à la compréhension de vos efforts et de votre pratique physique. Pourquoi encore tant de trailers partent pleine balle sur un ultra avant de devoir s’arrêter plusieurs dizaines de kilomètres plus loin pendant que les plus défensifs les dépasseront alors qu’ils auront parfois eu plusieurs heures de retard plus tôt dans l’épreuve.

Le phénomène existe sur toutes les épreuves, même sur route ou sur piste, même si se seront ici plutôt des minutes et des secondes. Malgré tout, cela dénote un manque de connaissance de soi-même vis-à-vis de l’effort demandé. Nous avons pris ici cet exemple, mais cela pourra être la même chose pour un footing aéro toujours couru au seuil. Si le footing aéro a été placé dans la planification d’entraînement c’est qu’il aura toute sa place et du sens dans votre préparation.

Ce type d’appareil peut donc permettre de prendre du recul et de la hauteur sur sa pratique, s’il n’est pas lu dans un premier temps uniquement comme un gadget à chiffre. Mais plutôt à déchiffrant ces datas en fonction de nos terrains d’entraînement et des efforts qui y sont associés.

Une nouvelle fois, un bon prétexte d’être acteur de sa pratique.

Vous pourrez le faire au travers du capteur de puissance ou de bien d’autres choses en étant curieux(se) : https://www.lepape-info.com/author/anael-aubry-sport-scientist/   

 

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@AUBRYANAEL
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Anaël Aubry
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Anaël Aubry Sport Scientist

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 réactions à cet article

  1. Bonjour,
    je suis un possesseur d’un capteur Stryd depuis (assez) longtemps (environ 4 ans).
    Pourriez-vous élaborer un peu sur comme vous l’utilisierez, dans votre pratique ?
    merci et bonne journée.

    Répondre
  2. Petite erreur en début d’article. ce sont les capteurs de puissance *en cyclisme* dont il est fait référence 😉

    On notera donc que la terminologie est plus qu’erronée sinon. Il ne saurait s’agir de « capteur » de puissance vu que :

    1) Aucune puissance n’est mesurée réellement ce sont juste des estimations à partir des accélérations du pied (1 seul qui plus est, quid des différences D/G)

    2) Comme l’article l’explique bien ce n’est pas vraiment la puissance qui est estimée mais un « substitut » de demande métabolique.

    mais bon « estimateur de quantité arbitraire » c’est moins vendeur je suppose ^^

    T.

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