Grégory Rouault : « Je pense que les triathlètes du club sont plutôt en forme, ils ont envie de remettre un dossard sur le ventre. »

Plus d'un mois après le début du déconfinement, de nombreuses interrogations, incertitudes persistent au sujet du retour des compétitions sportives et notamment les épreuves de triathlon. En attendant d'y voir plus clair, Grégory Rouault, coordinateur sportif et entraîneur de Poissy Triathlon, s'est confié sur la situation vécue ces dernières semaines et sur les perspectives qui se présentent pour son club champion de France 2019 chez les garçons et les filles. Entretien

Poissy Triathlon champion de France 2019 (crédit photo : Christophe Gourdy)

Lepape-info : Grégory, comment s’est déroulé le confinement pour Poissy Triathlon ?   

Grégory Rouault : Nos athlètes se sont entraînés dans leurs structures de référence comme par exemple Dorian Coninx à Grenoble, une partie est également à Montpellier. Ils se sont adaptés aux règles avec beaucoup de home trainer, certains ont pu se confiner avec un accès à une piscine privée et ils ont pu nager pendant une partie du confinement. Au début, les Jeux Olympiques de Tokyo n’avaient pas encore été reportés et il y’avait des enjeux sportifs pour les cadres concernés par les JO. Beaucoup de préparation physique généralisée, du Zwift (simulateur de cyclisme en ligne) à gogo et de la course à pied avec les contraintes du confinement.

 

Lepape-info : Un confinement arrivé brutalement et qui a changé la donne

G.R : Ce fut une pratique différente avec des hauts et des bas pour certains parce que émotionnellement ce n’est pas simple de s’entraîner sans avoir d’objectif. Il a fallu faire le dos rond à certains moments et continuer de travailler à d’autres. On a organisé quelques points en visioconférence pour essayer d’échanger tous ensemble. Des activités en vidéo, des plans d’entraînements  ont été mis en place pour tous les adhérents du club des plus petits aux plus grands. On a essayé d’occuper le terrain pour que tout le monde puisse garder un maximum d’équilibre dans sa vie.

 

Lepape-info : Cassandre Beaugrand et Léonie Périault ont vécu le confinement ensemble  

G.R : Oui elles étaient du coté de Salernes dans un milieu triathlétique avec leurs proches et aussi Aurélien Jem l’un des membres du club qui étaient avec elles lors du stage du mois de janvier à la Réunion avec du coup très peu de séance en autonomie ce qui facilitait la chose alors que les autres étaient un peu seuls avec un environnement à gérer. Ensemble ils ont réussi à créer une petite dynamique d’entraînement dans un contexte particulier.

 

Grégory Rouault : « Ce sont des athlètes qui se sont entraînés, ce n’est pas comme s’ils avaient fait une coupure hivernale avec un relâchement complet. Ils ont maintenu des volumes d’entraînement assez élevés avec de l’intensité et du travail physiologique. »

 

Lepape-info : Quand le déconfinement est arrivé, vous étiez prêts à repartir de plus belle ?  

G.R : On a repris la pratique du vélo et de la course à pied avec une semaine de décalage le temps de remettre nos process en place. Pour l’ensemble de nos groupes ce fut un vrai succès, sur la première semaine quasiment tout le monde a repris. Maintenant nous attendons avec hâte la réouverture de la piscine normalement lundi prochain pour les créneaux de natation. Pour ceux licenciés au club et qui sont en province comme à Montpellier ou Grenoble les piscines sont déjà rouvertes. Je pense que les triathlètes du club sont plutôt en forme, il va falloir retrouver des capacités aquatiques et de multi enchaînements, ils ont envie de remettre un dossard sur le ventre. Maintenant il faut espérer qu’il y’ait un bout de fin de saison.

 

Lepape-info : Qu’est ce qui est le plus dur à retrouver au niveau des sensations pour les triathlètes de haut-niveau ?  

G.R : Cela dépend des personnes. Il y’a des athlètes qui sont très « aquatiques » et qui ont des facilités à retrouver très vite leur capacités en natation et d’autres plus « terrestres » pour qui reprendre la natation sera plus compliqué. Certains qui ont fait beaucoup de home trainer ou d’autres exercices pendant le confinement mettront peut-être plus de temps à retrouver le rythme de la compétition en course à pied. Par exemple avec Anthony Pujades dont le point fort est la natation, on a optimisé le bloc sur la partie vélo, course à pied, PPG parce que nous savons qu’en 2-3 semaines de natation il aura retrouvé 90 à 95% de son niveau. Ce sont des athlètes qui se sont entraînés, ce n’est pas comme s’ils avaient fait une coupure hivernale avec un relâchement complet. Ils ont maintenu des volumes d’entraînement assez élevés avec de l’intensité et du travail physiologique. Il faut retrouver l’aspect sensoriel dans l’eau, l’endurance musculaire propre à la natation mais cela va revenir au fur et à mesure.

 

Lepape-info : Reste l’incertitude sur la reprise des compétitions, dans quel état d’esprit êtes-vous ?    

G.R : Pour moi l’idée est de prendre les jours les uns après les autres et de s’adapter parce qu’on a pas le choix. Pour l’instant on nous dit que normalement à la fin août il y’a une reprise. Il faut se préparer pour cela c’est notre devoir sinon cela ne sert à rien de s’entraîner. Il faut s’accrocher à cela et on fera les comptes à la fin de l’année mais s’il y’a une reprise ou non c’est hors de notre contrôle. Par contre ce que l’on peut contrôler c’est d’être prêt ou pas si cela reprend. Je pense que les triathlètes se sont bien entraînés, il y’aura à mon avis des petits retards par manque de compétition ou de volume en natation mais certains ont développé d’autres qualités. Ils vont ressentir une telle joie de remettre un dossard, de se retrouver, de regoûter au plaisir sain de la compétition que certains manques physiques seront compensés.

 

Grégory Rouault : « Il va peut-être falloir revoir le modèle général de fonctionnement du triathlon. Nous sommes triathlètes et quand le modèle économique est compliqué il faut savoir s’adapter. La crise nous met en difficulté, nous savons que nous avons perdu quelques partenaires, vu le contexte nous le comprenons sans savoir s’ils reviendront. »

 

Lepape-info : Actuellement, y’a t-il un mélange d’envie et de frustration ? 

G.R : Pour ma part, je ne le vis pas comme de la frustration parce que nous ne maîtrisons pas la situation que nous vivons. Je comprends que certains triathlètes puissent être frustrés en se disant par exemple moi j’étais prêt pour les Jeux Olympiques, j’avais préparé mon hiver ou je n’arrive pas vraiment à me projeter parce qu’il n’y a rien qui est sûr. Il y’a une incertitude qui n’est pas évidente à gérer mais nous au club on a tout a fait pour les rassurer à travers l’accompagnement réalisé pendant cette crise. On a joué notre rôle maintenant c’est aux athlètes de jouer le leur. Si la saison dure 8 semaines et bien il va falloir être présent et le mieux possible pendant ces 8 semaines. Ce sera forcément une saison très particulière. Tout le monde ne vit pas la situation de la même manière, certains vont se perdre pendant cette période, d’autres vont peut-être développer des compétences et passer un cap. Pour les athlètes olympiques, l’échéance est reportée d’un an, les modalités de sélection vont légèrement évoluer, c’est compliqué surtout quand il y’a de la compétition c’est très inconfortable mais il faut savoir s’adapter tous les jours.

 

Lepape-info : Quelles sont les premières dates de compétition annoncées ?  

G.R : Le Grand Prix de Châteauroux est prévu le 22 ou le 23 août, celui de Quiberon est annoncé pour le 5 septembre, le même week-end que le WTS (World Triathlon Series) de Hambourg (Allemagne) et le championnat du monde de relais mixte. Ensuite les championnats de France sont annoncés les 19-20 septembre à Montceau-les-Mines avant les 3-4 octobre la Coupe de France et éventuellement le championnat d’Europe des clubs. Il y’a aussi pas mal de manches de Coupe d’Europe qui ont été reportées entre fin août et début novembre. L’idée comme en cyclisme est de sauver un peu les meubles, de montrer les maillots parce qu’il y’a des inquiétudes économiques pour tous les clubs.

 

Lepape-info : Pas trop dur d’attendre encore la reprise des compétitions alors que d’autres secteurs d’activités ont vraiment repris ? 

G.R : Je me mets dans une logique d’adaptation par rapport à ce que l’on nous donne. Il semble qu’il ait été prouvé ou en tout cas il a été dit que la pratique sportive était un facteur accélérant et aggravant par rapport au virus. C’est un principe de précaution qui a été adopté. Pour le respect et l’intégrité des athlètes, je comprends qu’il faille suivre ces consignes. On a pas grand chose à gagner on a beaucoup à perdre. On fait avec la réglementation en attendant un retour à la normale.

 

Lepape-info : Vous avez eu des nouvelles des autres clubs ? 

G.R : Les clubs qui étaient en zone verte dès le début de déconfinement n’ont pas pu pour autant accéder avant nous à leurs piscines, tout est une question de volonté et surtout de mise en place. Economiquement, tout le monde est en train de faire le point cela ne va pas être évident. Il va y avoir un effort tant au niveau des subventions publiques que des fonds privés qui sont amenés. Il va peut-être falloir revoir le modèle général de fonctionnement du triathlon. Nous sommes triathlètes et quand le modèle économique est compliqué il faut savoir s’adapter. La crise nous met en difficulté, nous savons que nous avons perdu quelques partenaires, vu le contexte nous le comprenons sans savoir s’ils reviendront. Le président de Poissy Triathlon, Philippe Gros et le bureau du comité directeur ont géré le club en bon père de famille depuis plusieurs années pour faire en sorte que l’on puisse faire face dans ce genre de crise. C’est une bonne gestion préventive, on ne promet pas ce que l’on ne peut pas donner, parfois cela nous est un peu reproché mais c’est peut-être une qualité qui ressortira du confinement du club. Nous aurons tenu tous nos engagements et s’il faut adapter notre fonctionnement dans les années à venir et bien nous le ferons. Nous ne dépenserons pas plus que ce que nous avons, nous ferons attention à notre gestion.

 

Lepape-info : Quels enseignements tirez-vous de cette période inédite ?  

G.R : C’est une opportunité de se remettre en cause, de penser, de voir les choses différemment. Pour en revenir au triathlon, ce fut l’occasion pour certains triathlètes de développer de l’autonomie, de prendre conscience de ce qu’ils avaient, de se retrouver en famille. S’adapter, trouver et tirer du bon dans ce que nous avons vécu c’est important. Ce qui me fait peur c’est que l’on n’en tire rien ou que l’on oublie très vite ce que l’on aurait pu retenir de positif. Cela ne sert à rien d’avoir peur, il faut vivre en s’adaptant au contexte, c’est ma philosophie.

 

1 réaction à cet article

  1. Belle analyse Greg
    De tout coeur avec toi, sans oublier Philippe ainsi que tous les membres du club.
    Allez Poissy

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