Antoine Guillon : « c’est la connaissance de soi qui nous rend fort »

A 45 ans, Antoine Guillon est dans la plénitude de l’âge. Sacré champion de l’Ultra-Trail Word Tour, il termine l’année avec une victoire sur la Diagonale de fous. La victoire de l’expérience.

C’est un sportif accompli. Jeune, il est d’abord tenté par l’apnée avec de superbes performances telle une apnée de 6mn16s en 1989 alors qu’il a 18 ans. Mais lors d’un examen lors de tests pour nageur, le médecin affole un peu ses parents en expliquant que c’est un sport dangereux. L’apnée, c’est fini.

Mais le « gamin » a de la ressource. Passionné par l’endurance, il court depuis des années et suit les méthodes Cottereaux. A cette époque, les entraîneurs et les coureurs parlent d’endurance, de résistances douce et dure. Le jeune homme aime courir, nager, faire du vélo, découvrir la nature. C’est un rêveur, un solitaire qui ne trouve pas ses marques dans le milieu scolaire. A l’entraînement, il s’évade. Mais ce n’est déjà pas un athlète comme les autres car il a « horreur » des séances de piste et de toutes les séances dites qualitatives. Ce qu’il aime ? S’élancer des heures et des heures.

Cela ne l’empêche pas d’avoir des résultats plus que corrects puisqu’il termine 1er cadet sur Paris-Versailles et 3e junior au championnat des Yvelines sur 25 km. Et c’est ainsi que jusqu’à l’âge de 23 ans, le jeune homme s’exprime runnings aux pieds avec un chrono de 2h48mn lors du marathon de Paris 1993. Correct mais sans plus. Rien ne laisse percevoir qu’un jour il sera sur la plus haute marche du Grand Raid de la Réunion. Un indice cependant, il n’aime pas trop la course sur route et préfère courir longtemps de jour comme de nuit. « Mais le trail n’était pas ce qu’il est aujourd’hui ». Surviennent alors 7 années loin du monde de la course à pied. Place à la vie professionnelle. Il sera paysagiste, restaurera une maison avant de devenir agent immobilier en 2002. Il a alors 32 ans et découvre le trail. « En fait cette année-là, je déménage dans l’Hérault et je cours sur des terrains mi-chemin/mi-route pour mon plus grand plaisir. Un ami me dit alors, viens on va aux Templiers. Je n’avais jamais couru un trail, c’était énorme comme défi. » Il termine 51e « incroyable, magnifique, fort…. tellement fabuleux. Pourtant, j’ai vécu l’enfer, notamment en descente ! ».

Antoine Guillon est mordu. En 2003, il se représente sur le 65 km des Templiers et se classe 16e. En 2004, il remporte la Ronde des mille au Printemps, se classe 6e du  Grand raid Cro-mayon (106 km) et est séduit par l’aventure intérieure de l’ultra. « L’ultra ce n’est pas une course linéaire, on a des hauts et des bas et au fil des ans, on apprend comment réagit son corps en fonction des événements. » Il termine sa saison avec une deuxième place sur l’Endurance Trail des Templiers.

« L’ultra, c’est une course solitaire en communion avec les autres »

« Est-ce que cela va se reproduire, est ce que je vais pouvoir reproduire une telle saison ? » Telles sont les questions que se posent ce nouveau traileur qui a oublié la route.

Au-delà de la performance physique, il est séduit par les échanges avec le public et les participants. «Pendant un ultra, on peut prendre le temps de parler avec les coureurs, avec les spectateurs. On part pour 10 heures de course et plus, on peut donc prendre quelques minutes pour discuter avec les bénévoles ou les spectateurs. C’est une course solitaire mais en communion avec les autres, c’est ça aussi qui est beau ».

L’homme qui aime écrire sur la course à pied mais aussi sur d’autres sujets, « je suis d’ailleurs en train d’écrire un roman », se plonge dans l’ultra. Au fil des courses et de ses expériences, il note ses entraînements, ses sensations, ses réactions en courses, ce qu’il a mangé, bu, … et en tire chaque fois des enseignements. « La course sur route ne m’a jamais incité à le faire, ce n’est pas le même chemin intérieur ».

Pour bien négocier son passage à l’ultra, il apprend à s’écouter, à interpréter les signes de son corps, à maîtriser le matériel, à comprendre comment fonctionne son esprit. « C’est primordial, cela permet de prendre les bonnes décisions. Mais il ne faut pas non plus oublier le plaisir, c’est le noyau de la force ».

« Le plaisir, c’est ce que les concurrents oublient trop souvent. Certains occultent cette notion au profit du défi de terminer. Or le plaisir vient par l’apprentissage et la bonne connaissance de ses moyens. On ne passe pas à l’ultra sans être passé sur des épreuves plus courtes sinon c’est l’enfer».

Antoine Guillon progresse, avec en 2005 une victoire sur le trail aux Etoiles en Pays Viganais, une cinquième place sur le Grand Raid du Mercantour et une 4e place sur l’Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB).  Les années s’enchaînent avec des podiums réguliers comme une troisième place sur la Diagonale des fous en 2007 et 2009, une victoire sur la Trans Aubrac (100 km) en 2008 ou sur la Montagn’Hard (115 km) en 2009.

Une première marque s’intéresse à lui, Lafuma. « C’était en 2007. Ils m’ont donné 6 000 euros par an plus du matériel et deux voyages financés. Cela m’a permis d’avoir une base et de me lancer un peu plus intensément. » Une année où il remporte le Trail aux Etoiles en Pays Viganais, le trail des terrasses du Lodevois, le Grand Raid Des Dentelles et le Grand Raid Cro-Magnon, se classe huitième à l’UTMB et deuxième sur le Grand Raid de la Réunion.

Tout s’enchaîne avec des années sportives de plus en plus chargées. Les lignes s’ajoutent à son palmarès. En 2011, il décide de se consacrer pleinement au trail et à l’écriture. Il coordonne l’équipe Lafuma tout en ayant encore une activité d’horticole avec l’entretien d’une oliveraie, d’un verger et de potagers qui composent une grande partie de l’alimentation de la famille. En 2013, il quitte l’Equipe Lafuma alors que le Team est sur le point d’être dissout et intègre celui de Waa. « C’est l’histoire d’une rencontre avec Cyril Gautier, le fondateur de la marque, sur le Marathon des Sables. Après c’est aussi une histoire d’amitiés avec Christophe Le Saux, Vincent Delebarre et Cyril Cointre, c’est un bande de copains qui s’admirent, se respectent et partagent ».

Avant de se présenter sur la ligne de départ de la Diagonale des fous 2015, Antoine Guillon a donc aiguisé ses runnings. Il a tiré les enseignements de ses différentes expériences. « En 2014 sur le Lavaredo je m’étais aperçu que je n’étais pas prêt à courir en altitude. J’avais donc établi une vraie stratégie pour ce Grand Raid en effectuant un séjour de 15 jours en Italie à 3000 m d’altitude. J’ai travaillé la course en montée et en descente afin de développer ma puissance ».

« Je me suis déconcentré et je tombe »

Sur la ligne de départ, il est en première ligne. « Pascal Blanc (traileur réunionnais) me l’a rappelé à l’arrivée. C’est quelque chose que je ne fais jamais mais là je me sentais bien et je voulais partir devant afin de ne pas avoir à effectuer une remontée. » Cela n’empêche pas le futur vainqueur de rester à son allure. Il est entre la 5e et la 8e place jusqu’à Cilaos situé au 66e km. « En fait à Mare à Boue au 50e km, m’a femme me dit le premier est à 30 mn et je me suis dit il faut que j’aille le chercher ». Il remonte doucement, rattrape les autres têtes d’affiche comme l’Espagnol Iker Karrera ou le Lituanien Gediminas Grinius . « J’étais sur un bon rythme tout le temps. Mentalement c’était parfait. J’avais au-dessus de ma tête l’hélicoptère. Au départ, je savais que c’était possible et que j’avais une carte à jouer mais j’avais décidé de passer au Maïdo (112ekm) en 2 ou 3e position puis d’attaquer. Je n’avais pas du tout envisagé d’être en première position si tôt. »

Grand Raid Réunion 2015Antoine Guillon doit alors se poser les bonnes questions et se servir de son expérience. Est-il parti trop vite, doit-il relancer, gérer mon avance ? Le futur vainqueur effectue le check complet de son organisme. Les kilomètres s’enchaînent, il opte pour un contrôle de la course mais fait une petite erreur. « Je me suis un peu déconcentré et dans une descente je tombe. Mon cerveau n’était pas là, je l’ai laissé s’évader et je n’étais plus dans le bon rythme de course ni assez concentré. Dans les descentes comme celles de la Réunion ça ne pardonne pas. » Une chute qui lui occasionne une fracture de la main qui ne lui fait pas trop mal dès lors qu’il trouve la bonne position de course. Son avance est confortable, il contrôle le retour de Sébastien Camus (2e au final) et voit les kilomètres passer, réalisant petit à petit ce qu’il est en train de réaliser. L’homme qui, jusqu’ici, avait connu trois deuxième places (2007, 2010, 2012), une troisième place (2009) et trois quatrième places (2008, 2011, 2013) va enfin monter sur la plus haute marche du podium. « Un accomplissement. La Réunion c’est un peu chez moi, j’y ai de nombreux fans. Ce stade, cette foule… C’était incroyable, l’aboutissement de plusieurs années de travail et de quatre ans consacrés uniquement au trail. Je crois que j’ai encore progressé cette année, mon corps a accepté tous ces efforts. »

Cerise sur le gâteau, Antoine Guillon remporte le circuit Ultra-Trail World Tour.

Et 2016 ? « J’ai envie de plus de montagne, de paysages en altitude. J’ai le sentiment d’avoir donné le meilleur de moi-même cette année, d’avoir réussi à mettre en adéquation complète mon corps et mes aspirations. Je vais essayer maintenant de cultiver cela et de continuer à prendre du plaisir. »

Et à partager. Comme chaque année en juin, lorsqu’avec sa femme maître d’oeuvre de l’événement, il organise les Ultras occitans avec des courses de 12, 45 ou 114 km.

 

La fiche d’Antoine Guillon

Né le 16 juin 1970

Marié, deux enfants
Habite Vailhan (Hérault)

Profession depuis 2011 : coaching, organisateur d’ultras, rédacteur et auteur d’un premier livre en septembre 2013 : « Soyons Fous ! »

De 1994 à 2000, paysagiste spécialisé en singe coupeur de branche.

De 2001 à 2002, restauration d’une maison dans l’Hérault.

De 2002 à 2010, cogérant de 2 agences immobilières.

Auteur du livre « Soyons fous », livre sur la Diagonale des fous
En écriture d’un roman dont le personnage principal, Tim Runwood, est un ultra trailer entraîné dans une aventure à rebondissements empreinte d’humour.

 

Le palmarès d’Antoine Guillon

  • Course à pied

2003
16e de la Grande Course des Templiers (65 km en 6h34mn48s)
2004
Vainqueur de la Ronde des mille au Printemps (50 km en 4h25mn09s)
6e du Grand Raid Cro-Magnon (106 km en 14h56mn56s)
Vainqueur du Tripou Trail (45km en 3h52mn38s)
2e de l’Endurance Trail des Templiers (111 km en 12h21mn19s)

2005
Vainqueur du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 6h52mn38s)
5e du Mercantour (104 km en 14h06mn54s)
4e de l’UTMB (155 km en 23h45mn24s)

2006
4e du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 7h05mn57s)
33e de la Grande Course des Templiers (65 km en 7h20mn41s)

2007
Vainqueur du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 6h25mn20s)
Vainqueur du trail des Citadelles (71 km en 7h45mn09s)
3e du Grand Raid du Mercantour (104 km en 15h03mn27s)
11e de l’UTMB (163 km en 24h03mn26s)
2e du Grand Raid de la Réunion (150 km en 24h46mn08s)

2008
Vainqueur du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 6h15mn26s)
Vainqueur de la Trans-Aubrac (100 km en 10h07mn51s)
2e du Grand Raid Cro-Magnon (103 km en 9h48mn21s)
Vainqueur du Neader-Trail (56km en 5h44mn04s)
6e de l’UTMB (165km en 23h57mn28s)
4e du Grand Raid de la Réunion (148kmp en 23h35mn34s)

2009
Deuxième du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 5h58mn52s)
Vainqueur de la Montagn’Hard (115 km en 20h04mn15s)
16e de l’UTMB (166 km en 25h45mn40s)
3e du Grand Raid de la Réunion (148 km en 22h47mn35s)

2010
Vainqueur du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (65 km en 6h25mn22s)
Vainqueur du trail Les terrasses du Lodevois (46 km en 4h50mn02s)
Vainqueur du Grand Raid des Dentelles Ventoux (100 km en 11h40mn46s)
Vainqueur du Grand Raid Cro-Magnon (112 km en 13h42mn49s)
8e de l’UTMB (89km en 10h56mn41s)
2e du Grand Raid de la Réunion (161,8 km en 24h37mn06s)

2011
4e de la Transgrancanaria (123km en 14h06mn50s)
3e du Trail de la Sainte Victoire (59km en 6h35mn02s)
2e de l’Ultra Techni Trail de Tiranges (80 km en 8h45mn55s)
Vainqueur de l’Aravis Trail 3 étapes (110km en 13h14mn03s)
8e de l’UTMB (166 km en 23h56mn50s)
4e du Grand Raid de la Réunion (161 km en 24h47mn22s)
Vainqueur de la Transmartinique (133km en 18h01mn38s)

Antoine Guillon Trail aux Etoiles
Antoine Guillon Trail aux Etoiles en 2013

2012
2e du Trail de Vulcain (74km en 7h04mn54s)
Vainqueur de l’Ardéchois (98km en 10h56mn52s)
2e de l’Andorra Trail (112km en 18h29mn18s)
3e de la TDS (Traces des Ducs de Savoie, 114 km en 15h05mn28s)
2e du Grand Raid de la Réunion (170 km en 27h44mn47s)
Vainqueur de la Transmartinique (133km en 17h09mn32s)

2013
Vainqueur du Trail aux Etoiles en Pays Viganais (58 km en 5h40m03s)
Vainqueur du Defi Vellave (50km en 4h37mn34s)
7e de l’Ultra du Mont Fuji (168km en 21h04mn46s)
Vainqueur du Trail Verbier St Bernard (110 km en 14h45mn07s)
2e de la TDS (119 km en 15h21mn26s)
4e du Grand Raid de la Réunion (163 km en 25h59mn14s)
2e de la Transmartinique (133km en 16h54mn27s)

2014
5e de la Trangrancanaria (125km en 15h17mn29s)
4e de l’Ultra trail du Mont Fuji (168km en 21h29mn12s)
Vainqueur du Gran Trail Courmayeur (60km en 6h43mn38s)
3e du Tor des Géants (330 km en 79h02mn29s)
12e du Grand Raid de la Réunion (172km en 29h58mn49s)
Vainqueur de la Transmartinique (133km en 16h25mn00s)

TDS 2015 Antoine Guillon et Lionel Trivel
Antoine Guillon, 3e ex aequo avec Lionel Trivel

2015
3e du Hong Kong 100 (100 km en 10h30mn02s)


3e de la Transgrancanaria (125 km en 14h39mn35s)
9e du marathon des Sables (249 en 6 étapes en 22h58mn56s)
3e de la TDS 2015 (119 km en 15h00mn03s)
Vainqueur du Grand Raid de la Réunion (165 km en 24h17mn40s)

  • Apnée

5mn25s en 1988
6mn16s en 1989

 

 

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