Pr Oppert : « De nombreux bénéfices de l’activité physique pour les personnes en surpoids »

Chef du service de nutrition à l’Institut d’Endocrinologie, Maladies Métaboliques et Médecine Interne (E3M) de la Pitié Salpêtrière à Paris, le professeur Jean-Michel Oppert revient sur le « programme rondes » de La Parisienne. Et plus généralement sur l’importance de l’activité physique.

Entrainement La Parisienne Rondes 2014

Lepape-info : La Parisienne a lancé depuis l’an dernier le « programme rondes » destinées aux femmes en situation d’obésité (voir notre reportage). Pourquoi votre service et plus généralement la Pitié Salpêtrière se sont-ils associés à cette démarche ?

Pr Jean-Michel Oppert : Parce que l’activité physique et la santé nous intéressent tout particulièrement et que dans le cadre de l’obésité, cela nous concerne au quotidien. C’était aussi une opportunité de faire parler de l’Institut E3M (Institut d’Endocrinologie, Maladies Métaboliques et Médecine Interne) qui est un nouveau bâtiment. Dans le cadre de notre pratique hospitalière, nous traitons plutôt l’obésité sévère, ce qui n’est pas nécessairement le cas des femmes qui sont dans ce programme. Mais c’est bien de donner de la visibilité à cette approche. Et de parler aussi de l’activité physique comme moyen de prévention, notamment du diabète. Dans ce programme, il y a un accompagnement, un objectif, et une valeur exemplaire. C’est une image intéressante pour les patients à qui l’on propose de l’activité physique. Cela montre que si l’on est bien évalué, bien accompagné, on peut y arriver.

Lepape-info : Sans parler nécessairement d’obésité, proposer à une personne en surpoids de pratiquer une activité physique ne doit-il pas se faire de manière quasi individualisée ?

Pr J-M. Oppert : Oui, il faut d’abord évaluer l’activité physique de la personne, identifier ses possibilités physiques et les obstacles pour ne pas en faire plus. Ensuite, évaluer la situation médicale et générale – y compris financière et psychologique. Alors, on peut faire une proposition adaptée, tant aux antécédents, qu’aux obstacles et à la situation médicale. L’idée, c’est d’accompagner les gens à une reprise progressive de l’activité physique.

Lepape-info : L’activité physique fait-elle systématiquement partie de votre protocole de prise en charge ?

Pr J-M. Oppert : L’activité physique fait partie des propositions, mais elle n’intervient pas toujours au même moment. Si la question prédominante est par exemple la situation médicale du patient (diabète, troubles du sommeil, ….), on s’en occupe en premier. Même chose si la problématique est avant tout alimentaire, on se concentre dessus. Maintenant, si l’alimentation semble plutôt bien organisée, et qu’il y a une accroche possible pour la reprise de l’activité physique, la proposition peut intervenir de suite. Mais souvent, l’activité physique vient en deuxième étape.

« Il ne faut pas négliger les effets de l’activité physique sur le bien-être et la diminution du stress, qui peuvent aussi permettre de réguler son alimentation ».

Lepape-info : Revenons sur les bénéfices de l’activité physique pour les personnes en surpoids. Le sport, par exemple la course à pied, pour maigrir, c’est un raccourci ?

Pr J-M. Oppert : En fait, l’activité physique présente plusieurs bénéfices chez les personnes en surpoids, mais elle a une importance variable.
Sur la perte de poids, l’impact est modeste, car c’est d’abord l’alimentation qui entre en jeu. Mais si l’on parle de composition de la perte de poids – à savoir est-ce que l’on perd de la masse grasse ou maigre -, là, oui, l’impact est intéressant.
Autre point : sur le maintien de la perte de poids, l’activité physique joue un rôle majeur, c’est d’ailleurs pourquoi elle intervient souvent en deuxième phase.
Et puis, il y a aussi l’importance de l’activité physique sur l’amélioration des risques liés à l’obésité, notamment le diabète. On sait que des actions sur le mode de vie – incluant l’activité physique – chez des sujets prédisposés au diabète, peuvent retarder l’apparition de ce diabète. Chez ces sujets-là, c’est donc fondamental.
Enfin, bien sûr, on ne peut pas oublier les bénéfices sociaux, en termes de bien-être, etc…

Lepape-info : On entend parfois : « si je fais du sport, j’ai davantage faim ». Cette crainte pourrait-il elle bloquer certaines personnes en surpoids à pratiquer une activité physique ?

Pr J-M. Oppert : Si vous faites plus d’activité physique, vous tolèrerez aussi une alimentation plus importante. Un ami à moi dit que l’activité physique, c’est la liberté alimentaire. Bien sûr, ce n’est pas tout à fait vrai pour les personnes obèses, mais cela donne toute de même une marge de manœuvre. Et puis, il ne faut pas négliger les effets sur le bien-être et la diminution du stress, qui peuvent aussi permettre de réguler son alimentation.

Lepape-info : De nombreuses personnes évoquent des souvenirs douloureux de l’activité sportive lorsqu’elles étaient à l’école. L’enjeu n’est-il pas là : mieux sensibiliser les jeunes ?

Pr J-M. Oppert : A l’école, c’est différent, l’EPS est très réglementaire et réglementé. Et il est important de dire qu’en France, les enfants ont tous un nombre d’heures obligatoires d’EPS, avec des personnes formées et des activités variées. Ce n’est pas le cas partout. C’est fondamental, mais ce n’est peut-être pas suffisant. Une étude française menée par Chantal Simon et baptisée ICAPS a été conduite pendant quatre ans dans huit collèges du Bas-Rhin : quatre collèges témoins, et quatre collèges « action ». Dans les quatre collèges « action », avait été proposée une activité physique volontaire qui s’effectuait dans l’école, mais en dehors du curriculum scolaire. Cela impliquait de nombreux intervenants : les parents, les enseignants, les animateurs, l’équipe de recherche, … Au final, l’étude a montré une très forte différence dans la survenue du surpoids chez les enfants de poids normal dans les collèges « action » : 40% en moins. C’est une étude très importante. L’INPES l’a d’ailleurs prise comme modèle et a élaboré un guide ICAPS avec une proposition méthodologique pour les intervenants.
Bien sûr, la sensibilisation des jeunes est essentielle. Mais en fait, il faut parler de l’activité physique et du surpoids pour tous les âges de la vie. Pour les personnes âgées aussi, c’est particulièrement important…

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