Se complémenter en vitamine D rend-t-il plus performant ?

Une nouvelle étude révèle que les athlètes ayant un taux élevé de vitamine D seraient plus forts, mais cela ne semble pas si clair. On vous dit tout sur vitamine D et performance.

Cette nouvelle étude, publiée dans le très respecté European Journal of Applied Physiology, s’inscrit dans le cadre d’une initiative majeure visant à améliorer les performances des athlètes élite allemands.

Une équipe de recherche dirigée par Sebastian Hacker de l’Université Justus Liebig de Giessen a étudié 474 athlètes des équipes nationales allemandes pratiquant divers sports impliquant notamment les dimensions de force maximale.

Ils ont testé les taux de vitamine D et mesuré différents facteurs de performance dont la force de préhension.

Voici un graphique qui va nous permettre de commencer notre réflexion sur le sujet :

Il représente la force de préhension en fonction du taux de 25(OH)D, qui permet d’évaluer le statut en vitamine D dans le sang.

Les deux lignes verticales pointillées indiquent les seuils entre une carence en vitamine D (inférieure à 20 ng/mL), une insuffisance (entre 20 et 30 ng/mL) et une suffisance (supérieure à 30 ng/mL).

La fixation de ces seuils a fait l’objet de longs débats, mais c’est la position actuellement arrêtée médicalement. Notez que les taux de 25(OH)D sont parfois exprimés en nmol/L ; pour obtenir ces unités, multipliez simplement ces valeurs par 2,5.

Ces résultats réalisés sur une large population d’athlètes de haut-niveau démontre clairement une forte corrélation entre vitamine D et force de préhension. En effet des niveaux élevés de vitamine D sont ici associés à une meilleure force de préhension, qui à son tour est associée à la santé, à la longévité et (de manière moins évidente nous y reviendrons) aux performances sportives.

Pour chaque augmentation de 1 ng/ml de 25(OH)D, la force de préhension augmentait de 0,01 N/kg, ce qui signifie que passer de 20 à 30 ng/ml devrait augmenter notre niveau de force d’environ 3 %.

Arguments en faveur des suppléments de vitamine D pour améliorer la performance

La vitamine D joue un rôle dans de nombreux systèmes de l’organisme, notamment la santé osseuse, le système immunitaire et, plus particulièrement chez les athlètes, la performance musculaire.

Nous reviendrons sur ces différents points essentiels à la santé et donc à la performance et à la progression dans la seconde partie de l’article. Si vous souffrez d’une carence en vitamine D, il est indéniable que vous devrez viser à augmenter ses niveaux. Cependant, les données concernant la valeur « simplement insuffisante » sont moins claires, même dans ces données.

Si l’on excluait de l’analyse toutes les valeurs inférieures à 20 mg/ml, existerait-il toujours un lien entre la vitamine D et la force de préhension ? Ce n’est pas si clair.

Cette première étude sous-entendrait donc qu’il faudrait avant tout viser à ne pas être carencé en vitamine D, plutôt qu’à se supplémenter pour se supplémenter. 

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs démontrent un lien entre vitamine D et force.

En effet, une revue systématique publiée il y a quelques mois compilant les données de 28 études portant sur 5 700 participants a conclu à une relation positive entre les niveaux de vitamine D et la force des quadriceps.

C’est du moins le résultat principal, mais à y regarder de plus près, il était moins convaincant. La relation positive concernait la force des quadriceps lors d’une contraction musculaire à une vitesse spécifique de 180 degrés par seconde.

En revanche, aucune relation n’était observée à une vitesse inférieure de 60 degrés par seconde. Pire encore, une corrélation négative était observée pour les contractions maximales par rapport à une force isométrique : des niveaux de vitamine D plus élevés étaient associés à une force maximale plus faible.

En d’autres termes, il ne faut pas présumer trop hâtivement que les nouvelles données allemandes soient définitives. Il s’agit plutôt d’un nouvel élément de preuve dans un débat en cours. Une autre revue, publiée en septembre par des chercheurs japonais, révèle des résultats mitigés dans les études sur la relation entre les niveaux de vitamine D, la masse et la force musculaire.

Retenons en l’état du débat, que globalement une carence aura un impact négatif sur vos niveaux de force et donc sur votre performance de façon générale dans les sports d’endurance.

Causalité ou corrélation ?

Même si nous concluons finalement à une relation positive entre les niveaux de vitamine D et la force, cela ne signifie donc pas nécessairement que nous devrions tous commencer à prendre des compléments de vitamine D.

Tout d’abord, il existe une possibilité de causalité inverse. Les personnes fortes et en bonne santé pourraient aussi choisir de passer plus de temps à faire de l’exercice en extérieur, ce qui pourrait augmenter leurs niveaux de vitamine D.

C’est d’ailleurs l’un des points forts de la nouvelle étude allemande : tous les sujets étant des athlètes de haut niveau, on peut supposer qu’ils ont des niveaux de forme physique générale et d’activité physique proches et surtout importants.

On sait aujourd’hui que les bienfaits de l’exposition quotidienne à la lumière du soleil vont au-delà de la simple augmentation des niveaux de vitamine D, notamment en déclenchant la libération d’oxyde nitrique de la peau dans la circulation sanguine.

Si tel est le cas, la prise de suppléments de vitamine D ne résoudra pas entièrement les problèmes liés au manque d’exposition au soleil.

Il serait intéressant qu’il existe plus d’études interventionnelles, où un supplément en vitamine D serait administré afin d’observer si cela aiderait dans le développement de leurs niveaux de force. Notamment pour des sujets en carence. C’est ce qu’a fait une autre nouvelle étude, menée cette fois en Estonie et publié dans la revue Nutrients.

Les chercheurs estoniens ont suivi 28 volontaires présentant un taux de 25(OH)D « insuffisant », de l’ordre de 20 mg/ml. La moitié d’entre eux a reçu un placebo et l’autre a pris 8 000 UI de vitamine D par jour, ce qui a permis d’atteindre un taux sain de 25(OH)D à 57 ng/ml.

Les deux groupes ont par ailleurs suivi 12 semaines d’entraînement en résistance, mais aucune différence notable n’a été constatée dans leurs résultats.

Voici les gains en termes de maximum par répétition pour différents exercices pour les deux groupes :

En réalité, plus on approfondit la littérature, moins les données concernant la vitamine D utilisait sous la forme de complément « performance » semblent convaincantes.

Par exemple, une revue de 2019 publiée dans le Journal of the International Society of Sports Nutrition n’a constaté aucun bénéfice significatif de la supplémentation en vitamine D sur la force musculaire, mais une tendance positive.

Mais même ce faible résultat était entaché « d’erreurs fondamentales dans l’approche analytique », selon une nouvelle analyse publiée l’année dernière : l’effet réel est finalement proche de zéro.

Une démarche plus générale

1) Capacité musculaire

A l’inverse les mécanismes moléculaires d’action de la vitamine D sur les tissus musculaires sont connus depuis plusieurs années. Les cellules musculaires possèdent un récepteur à la vitamine D qui exerce ses actions via des effets génomiques et des effets non génomiques.

Les effets génomiques sont initiés par la liaison du 25(OH)D à son récepteur nucléaire, ce qui entraîne des changements dans la transcription des gènes de l’ARN messager et la synthèse protéique ultérieure. Les effets non génomiques entraînent eux une augmentation de la biodisponibilité du calcium cytosolique via le système de la protéine kinase.

Que faut-il en retenir ? Qu’une carence en vitamine D pourra entraîner une moindre capacité contractile des muscles, donc à une diminution de ses capacités de force. Cela pourra également être associé à des crampes ou douleurs musculaires diffuses. Le muscle cardiaque étant certainement aussi concerné.

En clair se « sur-supplémenter » en vitamine D ne semble pas aider aux performances sportives, mais en manquer les imitera et notamment dans vos capacités d’adaptation à l’entraînement.

2) Densité osseuse

Une carence en vitamine D, même avec un régime adapté en calcium, diminue l’absorption intestinale du calcium et sa concentration sérique. Il se crée par réaction une production et une libération augmentée de parathormone (PTH) appelée hyperparathyroïdisme secondaire.

La fonction de la parathormone étant de maintenir un statut en calcium correct. C’est une des causes fréquentes de diminution de la densité minérale osseuse et donc d’augmentation du risque de fractures.

Il semble donc essentiel dans un sport à traumatismes comme la course à pied de contrôler son niveau de vitamine D et par association, de calcium afin de limiter les risques de blessures osseuses et ainsi soutenir la charge d’entraînement nécessaire à la préparation de vos objectifs.

3) Système immunitaire

La capacité à ne pas tomber malade aura un impact très important dans celle à progresser sur le long terme.

La vitamine D permet le maintien de l’intégrité de la muqueuse intestinale, par son action sur les protéines constituant les jonctions entre les cellules intestinales.

L’intestin étant le lieu de transit des pathogènes, leur passage dans la circulation sanguine ne peut se faire qu’en traversant la paroi intestinale.

Lorsque cette paroi est altérée, elle présente une hyperperméabilité qui laisse passer ces pathogènes. Une paroi intestinale en bonne santé est essentielle pour empêcher leur passage, tout comme un microbiote intestinal varié.

La vitamine D a une action sur le système immunitaire inné : elle stimule les macrophages et les cellules dendritiques, qui sont les « soldats de première ligne » du système immunitaire. Notre organisme réagit ainsi rapidement en cas d’agression.

Elle stimule également le système immunitaire adaptatif.

Et permettra donc d’augmenter les mécanismes d’élimination des pathogènes, tels que la synthèse d’agents antimicrobiens par les cellules immunitaires.

Il semble donc très clair que pour un sportif ou une sportive impliquée à l’entraînement une carence en vitamine D pourra donc avoir un impact extrêmement significatif sur la capacité à tomber malade ou non.

Or, on sait clairement que c’est l’un des leviers principaux de progression sur le long terme.

Notre conclusion est donc qu’une supplémentation en vitamine D dans le cadre d’un développement des capacités physiques semble n’avoir aucun intérêt direct sur la performance.

En revanche il semble essentiel que vos niveaux soient contrôlé plusieurs fois dans l’année, notamment en amont de fortes charges d’entraînement ou de périodes fatigantes ou stressantes.

En effet son impact sur votre santé générale et donc sur vos capacités en encaisser les charges d’entraînement ou de la vie de tous les jours est non négligeable.