Ressenti et performance : implications à l’entraînement et en compétition (2e partie)

2ème partie de cette série de 4 articles, sur une méthode simple et facile à utiliser, qui permet non seulement d’effectuer un suivi de l’entraînement mais surtout de savoir si l'athlète répond de manière positive ou non aux séances auxquelles il se soumet. Décryptage.

À la recherche de l’outil parfait

Pas d’amalgame ! La question qui se pose ici, ce n’est pas celle du « quoi utiliser » pour gérer au mieux son effort (libre à chacun de s’équiper), mais plutôt celle du « quand » et du « comment ». En effet, les informations à cristaux liquides et les informations renvoyées par l’organisme ont chacune leur pertinence. Mais aussi leurs limites… Et systématiser l’utilisation d’un outil, c’est alors apprendre de lui autant que s’y restreindre, et ainsi se brider à moyen-terme. Autrement dit, la problématique qui se pose, c’est celle ouvrant à chacun la possibilité de faire des repères externes et internes des outils complémentaires d’aide à la performance.

Quelle légitimité à cette question ? Cherchez par vous-même le temps d’un moment… Puis imaginez-vous inscrit(e) dans une période de fortes charges (physique, professionnelle, émotionnelle, etc.). Une charge si importante que vous ne parvenez plus à sortir la tête de l’eau. Le burn-out est en ligne de mire…

Dans ces circonstances le corps s’en mêle, évidemment, et après quelques semaines de surcharge, la FC baisse à l’exercice. Exactement comme lors d’une amélioration de l’état de forme donc… Mais ne vous y trompez pas, ici la subtilité reste que cette FC inférieure est associée à un RPE supérieur4 à l’exercice. On a donc une variable externe en baisse, pour un marqueur interne en hausse. L’un ne va en effet pas sans l’autre pour détecter un bon surmené !

Et cette dissociation peut valoir pour les états de fatigue comme pour ceux de bonne condition physique. Que faire alors dans de telles situations ? Entretenir la vitesse de course tandis que le RPE est inhabituel ? Ou réguler l’allure pour retomber en terrain connu ? À partir de là les choses se corsent… Car accepter de maintenir l’incongruence entre repères externes et internes, c’est accepter de se confronter à l’incertitude (un peu comme faire une séance à jeun pour la première fois). À l’inverse, préférer la congruence, c’est couper-court à toute nouvelle expérimentation et entretenir (sans développer) nos qualités physiques. Alors, risque ou sécurité ? Dilemme…  Dans de tels cas de conscience, les règles d’or de l’entraînement doivent servir de points d’appui.

Entraînement : Incongruence, où tu seras j’irai !

Prenons un exemple. Un jour de course par 30 degrés. Malheureusement pour vous, ces derniers temps, vos sessions d’entraînement étaient surtout réalisées « à la fraîche », le matin ou le soir pour vous préserver de la chaleur de la mi-journée. Alors, ce type de course peut devenir l’expérience d’une vie… Pourquoi ? Un chrono final de dix, trente, cinquante minutes de retard sur le temps escompté, et encore, dans le cas où vous terminez effectivement l’épreuve.

Les causes de ce genre de désillusions sont variées (crainte de mal ajuster la préparation, routinisation des séances, gestion confortable de l’entraînement, etc.) mais le résultat reste le même. Précisément parce que votre entraînement restait le même ! Erreur. D’abord car des fonctions physiologiques répétitivement sollicitées deviennent au fil du temps peu désentraînables et peuvent donc passer en second plan (ex : les multiples séances d’endurance fondamentale qui ont consolidé votre bagage aérobie).

Erreur aussi car, à l’inverse, des fonctions antérieurement peu sollicitées possèdent une marge de progression véritable et peuvent, elles, passer en priorité (ex : les effets de l’acclimatation à la chaleur sur la capacité de l’organisme à mieux thermoréguler pendant l’exercice). Ici on parle d’une course en chaleur, mais ce genre de situation vaut aussi pour les événements comprenant du dénivelé, ceux inhabituellement longs, sur terrain méconnu ou avec un peu d’altitude, etc. Courir « au petit bonheur la chance », c’était avant…

Que l’entraînement cible alors une plus grande capacité à thermoréguler, une meilleure disponibilité des glucides/graisses à l’effort, ou un potentiel accru à tolérer la fatigue mentale, il s’agira toujours d’élever le RPE pour une intensité d’exercice donnée (ou d’élever l’allure pour un même RPE). Autrement dit, l’entraînement devrait permettre de rechercher le décalage entre ce qui est vu (vitesse de défilement des objets, puissance, cadence, temps au kilomètre, etc.) et ce qui est vécu (charge mentale, pénibilité ventilatoire, douleur musculaire, etc.). Un décalage fondamental – pas nécessairement sur chaque entraînement – sans lequel on continuera à évoluer dans une zone de confort, à l’écart des sollicitations dont l’organisme a finalement besoin pour se développer.

Profiter de la plasticité de l’organisme, c’est donc d’abord le soumettre à un stress (thermique, nutritionnel, musculaire, mental, hypoxique, etc.). Pour une séance donnée, le ressenti devient alors vite incongruent. Les entraînements sont là pour ça, pas de doutes là-dessus. Pour déplacer les curseurs ! Bien. Mais au-delà de ce versant quantitatif (« plus grande capacité à … »), le volet qualitatif des séances de préparation deviendra ensuite indispensable à affiner. On parlera alors de « stratégies d’allure » ou de pacing, c’est-à-dire de cette façon très personnelle de distribuer ses efforts le jour J à l’échelle de la course (ex : vite au début, lent à la fin). Et dans cette optique, c’est la congruence qui sera de rigueur !

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