Deux études récentes apportent des données inédites au débat entre l’exercice et le fonctionnement cérébral. Si vous êtes en train de lire cet article c’est sans aucun doute que vous êtes sportives ou sportifs.
Dans un pays comme la France où activité physique et capacité cognitives sont souvent opposés, je vais vous donner de bonnes raisons de continuer à pratiquer et/ou à convaincre votre entourage.
Depuis très longtemps on entend que nos capacités aérobies rendraient le cerveau plus sain et plus résistant au déclin cognitif lié à l’âge ou à son développement dans nos jeunes années.
L’exercice selon cette théorie, stimule la production de substances chimiques cérébrales favorisant sa croissance, améliore le flux sanguin vers le cerveau essentiel à son bon fonctionnement ou favorise simplement de meilleures habitudes de sommeil et des interactions sociales plus saines, donc indirectement à sa bonne santé et/ou développement-fonctionnement.
Cette idée existe depuis des décennies et est un pilier des arguments de nombreux professionnels de santé et d’activité physique (pas encore totalement de nos programmes scolaires ou de l’entièreté de l’héritage de Paris 2024 mais il faut rester optimistes).
De récentes études amènent de nouveaux éléments dans l’équation entre exercice et « l’intelligence ».
Des sportifs plus « intelligents »
Voici donc deux nouvelles études qui confirment les bienfaits du sport sur le cerveau. Toutes deux s’appuient sur la VO2max comme mesure objective de référence de la capacité aérobie, plutôt que de chercher à estimer la forme physique ou les habitudes d’exercice.
L’une ou une VO2max élevée est associée à une meilleure fonction cognitive chez un public sénior ; l’autre montre qu’elle préserve la taille d’une région cérébrale clé à un âge avancé.
La VO2max a récemment suscité beaucoup d’intérêt pour sa capacité à prédire la longévité ; les nouvelles données confirment que ses bienfaits se manifestent également dans notre tête.
La première étude, publiée dans le British Journal of Sports Medicine, est le fruit d’une vaste équipe issue de plusieurs universités, coordonnée par Kirk Erickson de l’AdventHealth Research Institute.
Elle a soumis 648 adultes âgés de 65 à 80 ans à un test sur tapis roulant jusqu’à épuisement permettant de mesurer leur VO2max, ainsi qu’à une batterie de tests cognitifs visant à évaluer leur mémoire épisodique, la vitesse de traitement des informations, la mémoire de travail, les fonctions exécutives/contrôle attentionnel et les fonctions visuospatiales.
Il existe de nombreuses façons d’analyser les données, mais le résultat est limpide : une VO2max plus élevée était toujours associée à de meilleurs scores pour les cinq éléments de la fonction cognitive, avec une très forte significativité statistique.
Avec comme vous pouvez le voir ci-dessous des droites de corrélations toujours positives. En clair pour la majorité des participants, plus leur VO2max était importante, plus leurs scores cérébraux l’étaient également.

L’utilisation du VO2max comme mesure de la condition physique est ici essentielle. Une partie de la confusion dans les résultats précédents pourrait provenir du fait que les équipes de recherche s’appuyaient sur des mesures moins précises de la condition physique ou du niveau d’exercice.
Cela fait écho aux conclusions concernant la condition physique et la longévité. Si l’on demande aux volontaires quel est leur niveau d’activité physique, puis qu’on attend de voir combien de temps il reste avant leur décès, les résultats pourront être ambigus.
En revanche, si l’on mesure leur VO2max, c’est clair : les personnes ayant un VO2max plus élevé ont tendance à vivre plus longtemps, sans limite supérieure quant au VO2max souhaité. Ces données suggèrent donc une tendance similaire pour les fonctions cognitives.
Cela ne répond cependant pas à toutes nos questions. Une meilleure condition physique améliore-t-elle les fonctions cognitives ? Si oui, comment ? Et contribue-t-elle à prévenir le déclin cognitif ?
La deuxième étude, menée par Rong Zhang et ses collègues du Centre médical Southwestern de l’Université du Texas, aborde cette dernière question en testant 172 adultes sur une tranche d’âge beaucoup plus large, de 22 à 81 ans.
Outre le VO2max et les tests cognitifs, les sujets ont passé des IRM pour mesurer la taille et la structure du cerveau. L’hypothèse étant qu’un VO2max plus élevé serait associé à un moindre rétrécissement du cerveau avec l’âge, ce qui à son tour serait associé à de meilleurs scores cognitifs.
Les résultats, publiés dans le Journal of Applied Physiology, ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes. La VO2max n’était associée ni au volume global de matière grise ni à l’épaisseur corticale (les deux mesures de la structure cérébrale pour lesquelles des différences étaient attendues), ni aux performances cognitives globales.
Du côté positif, une zone clé du cerveau le volume pariétal supérieur droit, avait tendance à être plus petit chez les personnes âgées en moins bonne condition physique, mais ne diminuait pas chez celles en meilleure condition physique.
Voici à quoi ressemblaient ces données :

La ligne orange (et les cercles blancs) montre le déclin progressif de la taille de cette région cérébrale avec l’âge chez les sujets ayant une VO2max inférieure à la moyenne. La ligne bleue (et les cercles noirs), en revanche, est pratiquement plate : on n’observe pas de rétrécissement apparent avec l’âge chez les sujets ayant une VO2max supérieure à la moyenne.
Il est intéressant de noter que la taille de cette zone cérébrale était également associée à des scores plus élevés aux tests d’intelligence fluide, c’est-à-dire la capacité à penser rapidement et à réagir à de nouvelles informations.
Il en résulte que maintenir ou améliorer sa condition physique pourrait contribuer à prévenir une partie du rétrécissement cérébral et du déclin cognitif qui accompagnent généralement le vieillissement.
Cependant, lorsqu’il faut rechercher des résultats secondaires – une petite zone cérébrale au lieu du cerveau entier – les résultats étaient moins convaincants.
Il y a cependant à nos yeux une importante limite à cette étude. Les sujets de ces deux études étaient sédentaires ! Dans la première étude, la VO2max moyenne était de 21,7 ml/kg/min. Dans la seconde, elle variait d’environ 35 ml/kg/min chez les sujets les plus jeunes à 23 ml/kg/min chez les sujets les plus âgés. Si ces chiffres ne vous parlent pas : ils/elles n’étaient pas en forme !
Et justement ! Le tableau était bien plus encourageant chez les athlètes entraînés. Par exemple, une étude de 2016 a comparé 16 triathlètes seniors (âge moyen 53 ans, VO2max moyen de 55 ml/kg/min, ce qui est exceptionnel à cet âge) à 16 témoins actifs en bonne santé (âge moyen 58 ans, VO2max moyenne 38 ml/kg/min, ce qui est encore bon).
Dans ce cas, des différences nettes ont été observées dans la structure cérébrale. Globalement, les athlètes présentaient un cortex cérébral plus épais, la couche externe du cerveau responsable de la cognition. On observait également des différences de taille dans plusieurs régions cérébrales.
Conclusion : ne lâchez pas le sport !
En prenant du recul par rapport aux différentes études, le tableau général confirme que la forme physique a un impact important sur le cerveau ! Ce n’est cependant ni une solution ni un remède miracle.
Car je dirais justement que toute activité physique est probablement bénéfique pour le cerveau (et, bien sûr pour notre santé générale). Mais pour obtenir des bénéfices importants et mesurables, il est probable que vous deviez vous entraîner de manière à améliorer – ou, avec l’âge, à maintenir – votre VO2max à des niveaux convenables au travers d’entraînement à basse et haute intensité.
Une nouvelle fois il ne faut donc surtout pas opposer activité physique-pratique sportive et santé (mentale et physiologique). Une énième fois je vous conseillerai donc de conserver votre pratique sportive autant que possible et de convaincre un maximum de personnes autour de vous.
De tout âge, mais en retenant que si des populations seraient à privilégier se serait donc les populations jeunes (moins de 20 ans) et âgées (plus de 50 ans).
Bonnes séances !






