Marathon de Paris 2014 : le bilan d’une préparation et l’analyse des résultats

Durant deux mois, la rédaction de lepape-info à suivi la préparation de trois athlètes pris en main par Jean-Claude Vollmer qui souhaitaient courir à Paris leur premier marathon avec un objectif entre 2h35 et 2h40. Le bilan et l'analyse de l'entraîneur.

Marathon de Paris 2014

Le marathon est une aventure et nul ne sait, lorsqu’il entame sa préparation, s’il pourra s’aligner sur la ligne de départ ni comment se déroulera la course. Chaque épreuve est différente, cette vérité est d’autant plus vraie lorsque les postulants vont vivre leur premier marathon.

Aurélien, Raphaël et Pierre-Yves ont des chronos entre 1h13 et 1h17 sur semi-marathon et leurs ambitions de départ ne semblent pas démesurées (2h40, voir la présentation de l’opération) lorsqu’il entament cette « opération marathon de Paris ». Au final, objectif atteint : Aurélien et Raphael bouclent leur premier 42.195 km tandis que Pierre-Yves blessé n’a pas pu prendre le départ mais a été en mesure d’accompagner ses amis sur le deuxième semi-marathon (lire une blessure durant une préparation marathon : savoir gérer et se poser les bonnes questions).

Pour gérer au mieux la préparation, les trois hommes avaient passé un test de détermination de Vo² max directe, le 23 janvier 2014. La préparation a démarré fin janvier-début février soit entre 9 à 10 semaines et les plannings ont été construits autour d’un objectif initial de 2h40, même si rapidement nos coureurs ont commencé à espérer un chrono autour de 2h35.

Les deux athlètes qui ont bouclé leur marathon

  • Raphael : 33 ans
    Meilleures performances : 1h12mn04s sur semi-marathon en 2013 et 32mn50 sur 10km en espoir
  • Aurélien : 36 ans
    Meilleures performances : 1h13mn52s sur semi-marathon et 32mn39s sur 10 km en 2013

Premier constat  : une préparation trop courte

10 semaines de préparation spécifique marathon. Il est bien entendu que cette durée de préparation est insuffisante même pour des coureurs confirmés comme Raphael, Aurélien et Pierre-Yves qui s’entraînent régulièrement et qui sortaient d’une saison de cross. La préparation idéale pour un marathon doit se dérouler sur 24 semaines ou a minima sur 16 semaines surtout pour des coureurs n’ayant pas le profil type marathon, le test que nous avons effectué sur 10 semaines le confirme. Pourquoi ? Parce qu’une préparation marathon exige de multiples adaptations aux contenus des séances, ce qui nécessite du temps. Il est donc clair que 10 semaines étaient plus que juste pour modifier structurellement l’entraînement.

Deuxième constat : des conditions climatiques défavorables

Lors de l’analyse de résultats, il est toujours important d’examiner les conditions générales de course.
Les relevés de température à Paris, le jour du marathon, donnent les indications suivantes : Au départ vers 8 h 45 : 14°C et 75 % d’humidité – A l’arrivée vers 11 h 30 : 17°C et 62 % d’humidité.

Ces conditions étaient donc loin d’être idéales pour la réalisation de performances.
En effet, si on regarde les études sur le sujet, on sait qu’il existe statistiquement une relation directe entre les performances sur marathon et les conditions climatiques. Les meilleurs chronos sont obtenus lorsque la température est aux alentours de 10°C. Si l’on considère qu’un degré d’élévation de la température au-delà de 10°C va avoir comme conséquence une diminution de la performance de 0,03 % , on peut estimer les conséquences des conditions climatiques du dimanche 6 avril 20014 à une perte de l’ordre de 3 à 4mn pour les coureurs ayant terminé sous les 3 heures. Les statistiques comparatives (voir les chiffres du marathon 2014) sur les derniers marathons de marathon de Paris, montrent bien une régression générale des performances de cet ordre de grandeur et confirment l’importance essentielle des conditions climatiques sur la performance.

Troisième constant : deux courses différentes pour le même chrono

Lorsque l’on se lance dans l’analyse d’une course, il est important de récupérer tous les temps de passage afin d’analyser le vécu du coureur. Ainsi si nos deux participants ont quasiment terminé dans le même temps, le déroulement de leur course présente pourtant bien des différences.

  •  Aurélien

Temps final : 2h39mn11s
Temps au 1er semi-marathon : 1h18mn14s (moyenne au km de 3mn42s soit 16.18 km/h)
Temps au 2e semi-marathon :  1h20mn56s (moyenne au km de 3mn50s soit 15.64 km/h)
Moyenne au km : 3mn47.3 soit 15.90 km/h

Km Chrono Moyenne
au km
Vitesse
Moyenne
Variation
par fraction
Ecart avec
la vitesse moyenne
0 – 5 km 18:22 3.40 km/h 16.33 km/h -6.9 s
5 km – 10 km 18:47 3.45 km/h 16.51 km/h + 5 s -2s
10 km – 15 km 18:28 3,41 km/h 16.51 km/h – 3.8 s -5.7s
15 km – 20 km 18:23 3,40 km/h 16.36 km/h – 1 s -6.7s
20 km – 25 km 18:46 3,45 km/h 16.00 km/h + 4.6 s -2.1s
25 km – 30 km 19:15 3,51 km/h 15.58 km/h + 5.8 s +3.7s
30 km – 35 km 19:20 3,52 km/h 15.52 km/h + 1 s +4.7s
35 km – 40 km 19:37 3,55 km/h 15.32 km/h + 3.4 s +8.1s
40 km – Arrivée  08:23 3,49 km/h 15.72 km/h – 6.25 s +1.85s
  • Raphael

Temps final : 2h39mn05s
Temps au 1er semi-marathon : 1h16mn33s (moyenne au km de 3mn38s soit 16.54 km/h)
Temps au 2e semi-marathon :  1h22mn32s (moyenne au km de 3mn55s soit 15.34 km/h)
Moyenne au km : 3mn47.3 soit 15.91 km/h

Km Chrono Moyenne
au km
Vitesse
Moyenne
Variation
par fraction
Ecart avec
la vitesse moyenne
0 – 5 km 17:59 3:35 16.74 km/h -11.5 s
5 km – 10 km 18:11 3:38 16.51 km/h + 12.9 s -8.9s
10 km – 15 km 18:11 3:38 16.51 km/h + 12.39 s -9s
15 km – 20 km 18:01 3:40 16.36 km/h + 2,78 s -10.9s
20 km – 25 km 18:22 3:45 16 km/h + 23.48 s -6.8s
25 km – 30 km 18:53 3:51 15.58 km/h + 54.94 s -0.5s
30 km – 35 km 19:51 3:52 15.52 km/h + 1mn52 s +10.9s
35 km – 40 km 20:55 3:55 15.32 km/h + 2mn56 s +23.8s
40 km – Arrivée  08:34 3:49 15.72 km/h – 6.25 s +1.85s

Si on observe les temps de passage au 10ème km; Raphael est parti sur des bases (36mn24s) qui correspondent à un temps final de 2h33mn30s environ alors qu’Aurélien est parti plus raisonnablement (37mn09) pour un temps correspondant à 2h36mn45s.

Raphael est donc parti sur des bases trop rapides par rapport à son niveau du moment, il a donc très logiquement été amené à réduire son allure dès le 25ème kilomètre avant de devoir gérer à partir du 30ème en essayant de tenir : c’est payer le prix d’une allure initiale trop élevée. Aurélien parti plus raisonnablement n’a pas été, même s’il a été amené à réduire sa vitesse après le 25ème, confronté à la même difficulté.

Sur marathon deux choses sont essentielles 

L’analyse des résultats d’Aurélien et Raphael permet de rappeler des notions essentielles sur marathon quel que soit le niveau du coureur.

  • Il est primordial de se fixer un objectif raisonnable qui doit pouvoir être atteint avec un entraînement ciblé.
  • Dans la gestion de course, même si on espère un chrono, il faut se fixer une allure de base et ne pas partir sur une vitesse supérieure. Il faut maîtriser son allure surtout dans la phase initiale de la course. Cette gestion de l’allure s’apprend à l’entraînement avec la mémorisation physiologique et sensorielle lors des sorties longues.

Pour ces deux coureurs, certes confirmés avec 5 à 6 séance par semaine, les références sur 10 000 mètres et semi-marathon pouvaient laisser augurer le temps réalisé soit de l’ordre de 2h40 (même si tout deux au vu de leurs entraînements espéraient 2h35 pour Raphael et 2h37 pour Aurélien). Pourquoi ?

Il faut juste regarder leurs références kilométriques. Leur temps moyen au kilomètre sur un semi-marathon est de l’ordre de 3mn28s alors que sur 10 kilomètres il est de 3mn18. L’allure sur semi-marathon correspond donc à 95 % de celle sur le 10 kilomètres. Au regard de leur test et de leurs performances, le facteur endurance de ces coureurs n’est pas leur point fort. Leur vitesse de course a donc diminué d’environ 4 à 5 % par fraction de 10 kilomètres. De fait, une allure de 3mn48 par kilomètre était un objectif parfaitement réalisable et c’est au final ce qu’ils ont fait même s’ils n’ont pas maintenu une allure constante et ont vraiment souffert sur la fin.

Leur prochain marathon devrait bien mieux se dérouler car ils disposent maintenant d’un temps référence. Le fait d’avoir suivi un programme d’entraînement mis à l’épreuve d’une compétition constitue aussi un atout considérable, ils pourront ainsi plus facilement et plus objectivement se fixer un temps cible pour leur prochain rendez-vous sur 42.195 km.

Quatrième constat : une préparation trop courte

Les plans d’entraînement ont été suivis très consciencieusement dans des conditions parfois difficiles sur le plan professionnel avec des contraintes fortes physiquement et sur le plan de l’organisation. La conjugaison d’un entraînement conséquent avec un travail plutôt physique n’est pas toujours favorable à une bonne récupération et a engendré de petites blessures qui ont contrarié le bon déroulement du processus d’entraînement. Sur 10 semaines de préparation, quelques séances manquées pour blessure ou maladie deviennent vite un léger handicap.

Sur les contenus, l’allongement des distances et l’adaptation aux allures n’ont pas posé de problème majeur. En raison de ce temps de préparation réduit, il manquait quand même quelques sorties longues sur des allures marathon de 1h15 à 2 heures qui auraient permis de mieux maîtriser cette épreuve quand même très particulière.

Conclusion

Même si deux coureurs sont déçus, l’objectif est atteint. Et à la lumière de l’expérience de ce premier marathon et des constats établis, il semble évident qu’une préparation améliorée sur une période plus longue devrait pouvoir amener nos deux coureurs sous les 2h35mn pour leur prochain marathon. A condition qu’ils tirent les bons enseignements et mémorisent leurs erreurs notamment dans la gestion de leur allure.

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