Sébastien Chaigneau : quand le mental nous lâche

Bilan un mois et demi après son abandon sur la Transvulcania

Avant de participer au North Face Laveredo Ultra Trail, Sébastien Chaigneau se livre à quelques confidences sur la fatigue mentale qu'il éprouve depuis de longues semaines.

Mon abandon sur la Transvulcania (dû à un coup de chaud après une petite vingtaine de kilomètres) a entraîné une longue remise en question. Non seulement de mon entraînement, mais aussi de l’ensemble de ma préparation qui englobe mes environnements proche et moins proche. Après plusieurs discussions avec les différentes personnes m’aidant dans ma préparation, et la remise à plat concrète des paramètres de mon entourage, j’ai donc décidé d’apporter quelques modifications. Un facteur dont je tenais moins compte que les autres est petit à petit apparu comme le paramètre fondamental de la réussite. J’y reviendrai.

Suite à mon arrêt à La Palma, j’ai donc rediscuté avec Christophe mon entraîneur de ce qui pouvait coincer au niveau de ma préparation, et m’aurait conduit à cette déconvenue. Après analyse des dernières semaines de préparation, j’en conclus que je ne courais pas assez de kilomètres à l’entraînement. De ce fait, j’avais du mal à absorber les kilomètres quand je me retrouvais en mauvaise posture… Six à sept heures d’entraînement par semaine et 60 à 90 kilomètres, c’est vrai, c’est un peu court. Cela ne me réussissait pourtant pas trop mal jusqu’à présent. Mais en ne réalisant que très peu de courses dans ma saison, je n’avais pas le droit à l’erreur. En quelque sorte, je me coupais donc de l’essence même de la discipline : l’échange avec les autres.

Un problème plus profond

Après cette remise à plat et la planification des deux mois à venir, je repars donc à l’entraînement en me disant que j’ai trouvé la solution, aussi basique qu’elle puisse paraître. Mais ce n’était qu’une partie de la solution. Malheureusement, le fait de rallonger les séances me donnait certes plus d’aisance physique, mais ne réglait pas l’ensemble du problème sous-jacent. Ce qui n’allait pas était juste devant moi, mais je ne le voyais pas. Sans l’intervention de personnes proches, je pourrais être au fond du trou.

Dire cela peut sembler exagéré. Or ça ne l’est pas du tout. Qui dit plus de kilomètres à l’entraînement dit aussi plus de fatigue. Et les plannings chargés viennent en remettre une couche !
En ce début de mois de juin, ma préparation débute en fanfare avec de belles séances et plus de kilomètres, comme convenu. Et des kilomètres, je vais en faire !
Je débute la première semaine avec des séances traditionnelles entrecoupées de sortie de 20 à 45 kilomètres, très tranquilles. A la fin de la deuxième semaine, direction les Dolomites dont je dois faire le tour sur deux jours et demi, accompagné de quelques personnes de mon équipementier. J’avale 120 kilomètres et près de 5 700 m de dénivelé positif en près de 15 heures. Ce n’est pas une course facile. La première partie est plutôt roulante mais la seconde est plus dure, plus technique, avec deux cols à franchir. Pour l’un des deux, l’ascension dure une heure et demi en courant…

Après ce week-end end express dans les Dolomites, retour à la maison. Juste le temps de défaire et de refaire ma valise, que je repars. Cette fois à Chamonix où je rejoins les gagnants d’un concours. Direction Courmayeur pour faire le parcours de la CCC sur deux jours. Kilian (Jornet, ndlr) nous accompagne le premier jour… ce qui veut aussi dire que nous ne restons pas les deux pieds dans le même sabot ! Après 5 heures actives, nous arrivons sur Champeix pour passer une nuit sous la tente. Nous trouvons le réconfort chez Claudine et Léon (à l’origine de la Petite Trotte du même nom) où nous attendent des tartes aux myrtilles du Valais et du Rivella…
La seconde journée nous amène jusqu’à Chamonix. Nous nous retrouvons tous pour passer la nuit chez Ludo et Fabienne qui viennent tout juste de restaurer une belle ferme avec beaucoup de goût. Après une bonne douche et une séance jacuzzi, nous sommes conviés à un repas gastronomique à la ferme concocté par un chef cuisinier.  Ambiance très détendue !
Le jour se lève après une bonne nuit de repos et c’est déjà reparti. Au programme de la journée : tournage d’un spot publicitaire au-dessus de Servoz aux Ayers. Une journée de shooting (images vidéo et photos traditionnelles) bien remplie pour clôturer 240 kilomètres parcourus en 5 jours… J’avais prévu d’augmenter le nombre de kilomètres, me voilà servi ! D’autant qu’il y avait du dénivelé, environ 14 000 m positif.

Cloué au lit

J’apprécie de rentrer à la maison, de retrouver les enfants et Isabel. Cela me permet de « faire relâche » une journée ou deux avant de repartir à l’entraînement.

Je dois compléter mon entraînement avec des séances de renforcement musculaire type abdos, gainage mais aussi plyométrie. Malheureusement ce qui devait arriver arriva. Un matin, après deux jours de récupération relative, la grippe m’attend au saut du lit. Courbatures, fièvre et tout ce qui va avec ! Je reste cloué au lit deux jours. Le troisième, je remets les baskets pour faire mourir ce virus qui n’aime pas les élévations de température. Après une bonne séance de seuil en montagne, je me sens épuisé physiquement mais aussi moralement. Il me reste une seule journée de « récup ». En effet, je repars ensuite vers le Val Ferret italien où je suis attendu pour des tester des produits. Encore des kilomètres, du dénivelé et donc de la fatigue qui viennent s’ajouter à tout ce travail effectué en vue du Lavaredo Ultra Trail.

Reparlons d’ailleurs de cette épreuve qui aura lieu dans 4 jours. Comment pourrais-je l’aborder ? A vrai dire, pas très bien. L’aspect que j’ai laissé en suspens au début de cette chronique, c’est la fatigue mentale. Fatigue due à diverses sollicitations et demandes, en marge de mon entraînement. Notamment des journalistes  qui souhaitent toujours des interviews qu’il aurait même fallu pour la veille.

Le dilemme

Je ne me suis pas occupé de mon mental depuis quelques semaines. Il m’a lâché il y a déjà quelque temps, et là, il est en train de m’enfoncer un peu plus. Au point de me dire que je ne dois pas aller courir le Lavaredo. Que je serais mieux à la maison avec les enfants. Que faire ? J’ai envie de tout arrêter. Je suis trop fatigué. Et je suis à quatre jours d’une épreuve importante sur laquelle beaucoup de traileurs ont rendez-vous. Objectif : échanger et participer à une épreuve magnifique dans un lieu mythique. Que dois-je faire ? Y aller et être « à la ramasse » ? Ou ne pas y aller et nourrir des regrets ?
Après une bonne séance de travail mental avec Dominique (Simonicini, son préparateur mental, ndlr) ainsi que de longues discussions avec Isabel, je décide d’y aller. Je préviens les organisateurs et l’équipe The North Face que je suis fatigué et qu’il ne faut donc pas attendre de miracle.

Sur place, l’ambiance est fabuleuse et la météo au beau fixe. Mais il me reste à peine deux jours et demi pour récupérer et ne pas être trop ridicule. Même si comme on dit, le ridicule ne tue pas…
Mon mental travaillé quelques jours auparavant avec Dominique va-t-il tenir le coup ? Il faudra attendre ma prochaine chronique résumant ma course pour le savoir…

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