Pourquoi prendre une longue pause pourrait être bénéfique !

Nous savons tous que prendre des vacances sans sport pourrait être bénéfique à nos futures performances. Il est pourtant difficile pour beaucoup d’entre nous de l’accepter. Ces nouveaux résultats devraient finir de vous convaincre.

Romuald Lepers, physiologiste français et triathlète de très bon niveau, au nom de la science, a accepté de s’arrêter complètement de s’entraîner durant 12 semaines en 2022.

Avec l’aide de ses collègues, Romuald Lepers chercheur français et triathlète émérite a subi toute une série de tests immédiatement après avoir participé aux Championnats du monde de swimrun en Suède.

Après 12 semaines d’inactivité, il a répété les mêmes tests. Puis il a repris l’entraînement, et à nouveau 12 semaines plus tard, les a réalisés une troisième fois.

Les données sont présentées dans deux articles parus dans Frontiers in Physiology et JCSM Communications, offrant un aperçu détaillé de ce qui se passe lorsqu’on perd puis regagne en état de forme, soulevant une possibilité surprenante et alléchante : une longue pause d’entraînement pourrait être bénéfique !

Deux théories du vieillissement

Lepers dirige un laboratoire à l’Université de Bourgogne à Dijon et est reconnu comme l’un des experts internationaux de quelques sujets touchant à la performance et notamment sur celui des athlètes seniors, généralement des athlètes de 40 ans à plus. C’est donc également un triathlète accompli.

Plus jeune, il s’est classé parmi les 150 premiers aux Championnats du monde d’Ironman à Kona. Au moment de l’étude, il avait 53 ans, s’entraînait 10 à 12 heures par semaine et se classait toujours parmi les premiers de sa catégorie d’âge lors de courses Ironman 70.3 (un demi Ironman).

Pendant plus de trente ans, il s’est entraîné de manière très régulière, ne manquant jamais plus de deux semaines d’entraînement. Il a donc décidé de mener une expérience sur lui-même afin de combler une lacune dans la littérature. Au fil des années, diverses études sur le « désentraînement » ont été menées pour mesurer la baisse de forme physique consécutive à l’arrêt de l’entraînement.

Une étude de 1984 par exemple, a constaté une diminution de 16 % de la VO2max après 12 semaines d’arrêt ; cette analyse a estimé l’impact d’une pause d’entraînement d’une semaine ou plus sur le temps au marathon. Mais il existe très peu de données sur les athlètes plus âgés. La perte de forme physique chez les masters fait l’objet d’un débat important.

Nous savons que cela se produit (même sans arrêt de l’entraînement), et nous savons à peu près à quelle vitesse, en moyenne du moins. À partir de la trentaine, on perd généralement 0,5 à 1 % de sa VO2max chaque année. La masse musculaire semblerait suivre la même courbe.

Certains pensent que cela se produit progressivement et inexorablement. L’autre point de vue, parfois appelé « équilibre ponctué » repose sur la théorie que notre déclin soit beaucoup plus lent, mais que parfois, nous subissions des « mini-catastrophes » : une grippe prolongée, une blessure plus ou moins longue, une période de stress professionnel ou familial durant laquelle nous abandonnons toute activité physique précipitant une chute brutale à des âges où la baisse est physiologique.

Et, que si nous reprenons un entraînement normal après une de ces périodes difficiles, nous ne parvenions jamais à retrouver notre niveau antérieur ; ces interruptions contribuant donc de manière disproportionnée à notre déclin progressif.

À 20 ans, on peut prendre 12 semaines de repos, puis, avec de l’effort, revenir à la normale. L’étude de cas de Romuald permet de vérifier si le même phénomène se produit à 50 ans ou si le potentiel d’adaptation du corps est tellement affaibli que certaines pertes deviendraient rédhibitoires.

Ce qu’il s’est passé après une pause d’entraînement de 12 semaines

L’article de recherche publié dans Frontiers in Physiology se concentre sur l’évolution de la condition physique de Romulad. Plus spécifiquement, sa VO2max, mesurée lors d’un test de course sur tapis roulant qui a chuté de 10,9 %.

Lors d’un test similaire sur ergocycle, elle a été abaissé de 9,1 %. C’est une baisse importante, équivalente à environ 15 ans de vieillissement normal, mais elle est faible par rapport aux précédentes études sur le désentraînement. La pénalité pour un arrêt à 50 ans ne semble pas plus importante qu’à la fleur de l’âge dans la vingtaine.

Lorsqu’il a repris l’entraînement, il a eu une surprise. Après ces 12 semaines de retour, sa VO2max n’est pas seulement revenue à ses valeurs initiales : elle était meilleure qu’au départ !

Lors du test de course à pied, elle était supérieure de 4 % à la valeur initiale ; lorsque pour le test à vélo, elle était supérieure de 6 %. Il existe une certaine variabilité inhérente aux tests de VO2max (et à tous les tests physiologiques d’ailleurs), mais le fait que le même schéma soit observé lors des tests en course à pied et cyclisme suggère que l’effet est réel.

Pour un homme qui s’entraîne et participe à des compétitions de très bon niveau presque sans interruption depuis trente ans, c’est un résultat inattendu.

Plusieurs explications sont possibles :

La première serait que sa composition corporelle ait changé. La VO2max est exprimée ici par rapport au poids de corps. Perdre du poids peut donc donner l’illusion d’une amélioration de la forme physique sans modifier ses capacités à recruter de l’oxygène.

C’est bien le cas ici. Il a initialement pris 2,5 kg de graisse et perdu 2,2 kg de muscles. Puis, après la phase de reprise de l’entraînement, il a perdu 4,4 kg de graisse et regagné 1,1 kg de muscles. Cela signifie que sa masse graisseuse est passée de 10,1 % à 13,3 %, pour terminer à 8,4 %, avec une perte nette de 2,5 kg de poids de corps à la fin de l’expérience.

Cela explique une partie de la variation de la VO2max, mais pas la totalité : sa capacité maximale aérobie s’est tout de même améliorée !

L’autre possibilité est qu’un changement se soit produit dans ses muscles, les rendant plus réactifs à l’entraînement, mieux adaptable, plus entraînable.

Le deuxième article, publié dans JCSM Communications, explore cette possibilité. Romuald a subi des biopsies musculaires à chaque étape de l’expérience afin de mesurer les propriétés métaboliques de ses muscles.

Le désentraînement a accéléré l’activité musculaire à contraction rapide et diminué les marqueurs de la fonction mitochondriale et de la capacité aérobie. Plus simplement il était moins endurant et plus réactif aux entraînements intenses.

La phase de réentraînement de 3 mois a en grande partie inversé ces changements et, dans certains cas, entraîné des propriétés musculaires supérieures aux valeurs initiales.

Les détails de ce qui se passe à l’intérieur des muscles sont assez complexes. Lepers et son équipe mettent en garde contre toute interprétation excessive d’un seul rapport de cas. Cela vaut pour tous les résultats car nous ignorons s’il s’agit simplement d’un phénomène exceptionnel, d’autant que l’étude est une étude de cas sur un seul sujet. Un sujet exceptionnel dans le fait d’être le seul cas d’étude mais aussi par son profil d’athlète très impliqué depuis plusieurs décennies.

Il est toutefois intéressant de constater que les deux séries de résultats semblent concordantes : les propriétés microscopiques de ses muscles et les mesures macroscopiques de sa condition physique, comme la VO2max, ont toutes deux diminué avec le désentraînement, puis sont passés à un niveau supérieur avec le réentraînement.

Alors, devrions-nous tous faire une pause de 12 semaines ?

Lors d’un échange avec un journaliste, Romuald a soulevé deux points intéressants :

Le premier est que l’aspect psychologique d’une pause aussi longue s’est mieux déroulé qu’il ne l’aurait imaginé.

Il s’est occupé au travail, a mangé sans contrainte et n’a pas stressé, car il savait que la reprise serait un défi amusant. Plus important encore, il savait qu’une fois les 12 semaines de coupure écoulées, il pourrait reprendre l’entraînement.

C’est très différent de manquer trois mois à cause d’une blessure persistante dont on ne sait jamais vraiment si elle va disparaître.

Il a également noté que nombre de ses partenaires masters prenaient de longues coupures de fin de saison, d’un mois ou plus, lorsqu’ils étaient plus jeunes. Mais avec l’âge, leurs pauses sont devenues plus courtes et moins fréquentes, sans doute par crainte de ne jamais retrouver leur forme physique.

Si l’auto-expérience de Romuald a révélé une conclusion majeure, c’est que ce n’était pas le cas pour lui. Même si ces résultats restent individu-dépendants et seraient à confirmer sur des cohortes plus larges, cela pourrait permettre d’être un peu moins paranoïaques quant aux dangers d’une pause occasionnelle, d’autant si vous êtes impliqués depuis de nombreuses années dans votre entraînement.

On ne peut donc pas vraiment affirmer, sur la base d’un seul cas clinique, que prendre 12 semaines de repos permet de progresser ou ne serait-ce que retrouver son niveau physique antérieur. Mais même si l’on ne revient pas meilleur qu’avant, l’idée de pouvoir retrouver son niveau antérieur est déjà une bonne nouvelle.

La coupure annuelle théoriquement de 2 à 6 semaines et les microcoupures (2-5 jours, 3-4 fois l’année) devraient être la base de nos constructions de planification de l’entraînement. Pour autant nous sommes nombreux à l’oublier justement par peur du désentraînement.

C’est pourtant un principe de base pour limiter les risques de blessures, conserver de la fraicheur mentale et surtout pourvoir s’adapter physiologiquement à l’entraînement.

Au-delà de ces considérations très théoriques, la remise en forme a quelque chose d’utile sur le long terme à la motivation à s’entraîner au quotidien.

À savoir cette sensation de progrès constants lorsque, semaine après semaine, votre niveau de forme monte et vos entraînements s’améliorent. Ce sentiment est de plus en plus difficile à ressentir lorsqu’on s’entraîne dur depuis longtemps avec peu de marge et surtout avec le risque de pousser trop loin la machine physique et/ou mentale.

N’ayez donc pas de scrupules à couper ou à l’accepter si cette dernière est imposée (blessures, déplacement, congés, etc.).

S’il s’agit du premier cas et qu’elle dépasse 2 semaines incluez-y quelques activités aérobies et musculaires sans prise de tête de contenu et/ou de sport.

S’il s’agit du second cas retenez donc qu’il n’y a pas mort d’homme à ne rien faire si cela est exceptionnel et si vous en avez la possibilité n’hésitez pas à conserver un autre type de sollicitation dans la mesure de vos possibilités (blessure, déplacement).

Si vous vous allez plus loin sur les timings du désentraînement et nos conseils : https://www.lepape-info.com/entrainement/je-coupe-cet-ete/