Courir malade : quel risque de DNF ?

Il est difficile de dire « non » quand on est un coureur assidu, inscrit à une course et… enrhumé. En général, les symptômes d’infection sont peu dissuasifs face à la décision de prendre un départ de course. Quels sont alors les risques d’abandon (ou « Did Not Finish ») ?

Les runners entretiennent une relation complexe avec les infections. En effet, bien que leur système immunitaire soit renforcé, leurs voies respiratoires demeurent régulièrement infectées, suivies par les soucis gastriques-intestinaux. 

 

Statistiquement, voici certains facteurs propices à la survenue d’infections chez le coureur :

  • Après une course / un entraînement long
  • Faire partie des coureurs les plus rapides
  • Avoir un haut volume d’entraînement (>65km /semaine)
  • Si un trouble était déjà présent avant un effort

 

Logiquement dans cette relation running-infection, tous les efforts ne sont pas égaux. Par exemple, une séance HIT est capable de générer une « immunodéficience » allant de 3 heures à 3 jours – ce qui peut expliquer pourquoi l’immunité du sportif est autant débattue aujourd’hui. 

 

La vulnérabilité du coureur peut donc être affectée longtemps après l’effort. Et selon la gestion de cette vulnérabilité et la gravité des symptômes, les conséquences peuvent varier : 

  1. d’une « simple » interruption ponctuelle de l’entraînement (de 1 à 3 jours)… 
  2. … à une adaptation « ponctuelle » du plan d’entraînement (surtout en intensité, durant 3-4 jours)…
  3. … voire « durable », en cas de reprise mal gérée.

 

Dans ce contexte, la question se pose alors : qu’en est-il lorsqu’une course est planifiée ?

 

Une fois inscrit, il faut avouer qu’une infection reste peu dissuasive. À titre d’exemple, en 2000, une étude indiquait que 17% des participants au marathon de Stockholm avaient été malades au cours des 3 semaines précédant la course. Et cette observation n’est pas récente puisqu’ en 1987 déjà, 40% des marathoniens à Los Angeles signalaient avoir souffert d’une infection des voies respiratoires au cours des 2 derniers mois. 

 

Pas de surprise donc : malade ou non, un coureur inscrit a effectivement tendance à prendre le départ !

 

Et pourtant, face à une telle tendance, il existe une indication médicale empirique étiquetée « neck check » (comprendre « le test de la nuque ») qui consiste à autoriser le départ seulement si le coureur présente des symptômes au-dessus de la nuque. Autrement dit :

  • « J’ai le droit de courir si » : écoulement nasal, nez bouché, maux de gorge
  • « Je n’ai pas le droit de courir si » : fièvre, douleurs thoraciques, tachycardie au repos, essoufflement excessif, fatigue excessive, myalgie

 

Et naturellement, même s’il passe ce test, le compétiteur doit se modérer en gardant des allures plus basses que prévues. Ce qui peut interpeller :

  • Participerait-il à la course malgré la contre-indication médicale du neck-check ? 
  • Et s’il prenait le départ, quelles chances aurait le coureur de finir la course ? 

 

Pour investiguer ces « malades » du running, une étude (1) a alors récemment été conduite sur 7000+ fondeurs (semi-marathon, ultra-marathon et trails) :

 

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Dans celle-ci, chaque participant renseignait son état des 8-12 derniers jours avant l’épreuve. Voici comment était défini un symptôme :

« Les symptômes des infections varient mais comprennent : malaise général, fièvre, douleurs musculaires générales, douleurs articulaires générales, fatigue générale, maux de tête, mal de gorge, nez bouché ou qui coule, oreilles douloureuses, toux, respiration sifflante, diarrhée, nausées, vomissements ou douleurs abdominales ».

 

Face à cette liste, si le coureur répondait « Non », on lui souhaitait alors une bonne course. 

 

Par contre, en cas de « Oui », on lui demandait de détailler plus finement son état entre :

  • Symptômes systémiques (fièvre, toux, douleurs musculaires générales, douleurs articulaires générales, maux de tête)
  • Symptômes respiratoires (mal de gorge, écoulement nasal, nez bouché, toux, mal d’oreilles, respiration sifflante)
  • Symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, douleurs abdominales, nausées, vomissements)
  • Symptômes respiratoires et gastro-intestinaux

 

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Parmi les résultats de l’étude, voici donc les conclusions principales des auteurs :

 

1) 19% (soit 1/5 !) des coureurs ont déclaré des symptômes de maladie dans les 8-12 jours avant la course, parmi lesquels :

  • 33,8% touchaient le mal de gorge
  • 29,3% l’écoulement nasal
  • 27,3% la fatigue générale 
  • 22,8% le nez bouché
  • 22,1% les maux de tête

 

2) 7,5% ont indiqué des symptômes systémiques ponctuels avant la course.

 

3) 85% des coureurs présentant des symptômes ont quand même choisi de prendre le départ de la course !

 

4) Ces coureurs ont eu une fréquence d’abandon (DNF : « Did Not Finish ») plus élevée par rapport aux coureurs sans symptômes : risque x 1,9 !

 

5) Les coureurs présentant des symptômes et ayant bénéficié d’informations éducatives ont eu moins tendance à prendre le départ (DNS : « Did Not Start ») par rapport à un groupe contrôle non-malade qui n’a pas pris le départ. Ce qui souligne l’intérêt d’éduquer les coureurs à l’auto-diagnostic. 

 

6) Les symptômes les plus prégnants dans la décision de DNS étaient :

  • Respiratoires et gastro-intestinaux combinés : probabilité x2.29 
  • Gastro-intestinaux systémiques : probabilité x2,16

 

On le perçoit donc, une vérification simple mais lucide de son propre état (comme celle du neck-check) peut s’avérer être une aide pertinente à la décision pour choisir de s’engager dans une course. 

 

(1) Van Tonder, A., Schwellnus, M., Swanevelder, S., Jordaan, E., Derman, W., & van Rensburg, D. C. J. (2016). A prospective cohort study of 7031 distance runners shows that 1 in 13 report systemic symptoms of an acute illness in the 8–12 day period before a race, increasing their risk of not finishing the race 1.9 times for those runners who started the race: SAFER study IV. British journal of sports medicine50(15), 939-945.

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