Fréquence cardiaque : un bon outil, mais pas le seul

Coureurs, écoutez aussi vos sensations !

En réponse à la question d’un internaute inquiet de l’augmentation inhabituelle de sa fréquence cardiaque sur marathon, Yannick Guillodo, médecin du sport, rappelle que le contrôle de la fréquence cardiaque ne doit pas faire oublier l’écoute de ses propres sensations.


La question : Je viens de courir le marathon de Paris et une question me taraude depuis… M
a FC a augmenté progressivement et continuellement pour passer de 150 au départ à 192 puls dans les derniers mètres… J’ai bien senti qu’a partir du 35ème ça commençait à être très dur…

Lors de mes entraînements et notamment pendant mes séances de fractionné, je n’étais jamais monté aussi haut (187 maxi, ce que je pensais être ma FC max). J’avais d’ailleurs établi mon plan d’entraînement marathon sur cette base.
En théorie, un marathon se cours à 85% de FC max soit pour moi environ 160 puls. Dans mon cas, j’étais bien au delà sur la majorité du parcours…

Que dois-je en penser ? Puis-je considérer 192 comme FC max ? Si j’avais continué à courir, que se serait il passé ? Je m’inquiète un peu pour ma santé…

La réponse de Yannick Guillodo, médecin du sport

Comment avez-vous calculé votre fréquence max ; avez-vous pris la formule classique 220 – âge ? Si oui, vous devez, d’après mes calculs avoir 32 ans soit une fréquence max à 188.

Mais il existe d’autres formules notamment la fréquence cardiaque de réserve. A mon avis, cette formule est meilleure pour cibler un entraînement. La fréquence cardiaque de réserve est la fréquence max (atteinte, réelle) moins la fréquence de repos ; par exemple : 195 – 55 = 140. En choisissant un entrainement à 85%,  comme vous le dites, cela donne une fréquence de 119 (85% de 140) à laquelle on ajoute la fréquence de repos (55) donc un entraînement à 174  (et non 167  qui est 85 % de la fréquence max théorique). Vous voyez, cela n’a rien à voir !

Bref,  revenons à votre cas. Votre principe de tout régler sur la fréquence max, théorique, est une méthode assez grossière (au niveau scientifique) mais tout à fait acceptable pour votre objectif. Malgré tout, compte tenu de la limite de cette formule (estimation théorique) et de la fiabilité de votre cardiofréquencemètre, vouloir tout remettre en cause pour une variation de votre fréquence max entre 188 et 192,  me semble être une mauvaise piste.

Car :

  • La formule permet-elle un écart de 2 à 4 battements ? La réponse est oui.
  • Votre relevé cardiaque, avec votre outil, est bon. Mais est-il suffisamment fiable pour différencier 2 à 4 pulsations, dans un état maximal ? La réponse est probablement non.

 Alors, disons que votre fréquence max se situe aux alentours de 190,  lors d’un effort inhabituel, type marathon.

Vous avez atteint cette limite lors de votre course. Quoi d’anormal ? Rien.

D’autant que, comme je le dis toujours, un marathon c’est « 32 plus 10 ». Ce sont ces derniers 10 kilomètres qui sont le juge de paix de cette course. A un moment ou à un autre, dans ces 10 km, le coureur va connaître une difficulté (vous au 35ème, apparemment). Le marathonien puise alors dans ses dernières réserves et va atteindre sa limite maximale (voire supra maximale).

S’agit-il d’une situation, médicalement parlant, à risque ? La réponse est oui.

Mais, ceci étant dit, pour répondre à votre question, sur la santé, j’aimerais vous sensibiliser sur les sensations cliniques et non sur la fréquence cardiaque d’effort. A votre âge, nul besoin de « cadrer/limiter votre fréquence cardiaque » mais d’écouter vos sensations c’est-à-dire les signaux que vous envoie votre organisme, lors d’un effort. Toutes douleurs, essoufflements, palpitations, fatigues anormaux sont des signaux très importants. Il faut  les respecter, autant, voire plus, que votre fréquence cardiaque. Toutes ces « mauvaises sensations » ont souvent plus de valeurs, pour votre santé, que des mesures, notamment de la fréquence cardiaque. Apprendre à courir à la sensation est important. Vous pouvez vous aider de la fréquence cardiaque mais, j’insiste, il faut se fier à ses sensations. Prenons un exemple : lors d’une course, votre fréquence cardiaque est à 165 (cela vous rassure !) mais vous êtes anormalement épuisé. Tenez compte de cette fatigue et ralentissez ou arrêtez-vous plutôt que de vous « rassurer » avec votre fréquence cardiaque.

Bon sport !

2 réactions à cet article

  1. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me répondre.
    Je vais apprendre à courir un peu plus en écoutant mes sensations et un peu moins mon cardio.
    Bonne journée
    Sportivement

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