Femmes et entraînement en résistance

Il y a 50 ans encore, les femmes étaient dispensées de courir le marathon de Boston, par prétexte que leur physiologie n’était capable soutenir l’intensité de l’épreuve.
Alors que l’on connaît aujourd’hui mieux les différences susceptibles d’expliquer des écarts de performance d’endurance entre hommes et femmes, c’est moins le cas pour l’entraînement en résistance.

Femme escalier

Ces dernières années, la popularité de l’entraînement en résistance (ER) a augmenté, en particulier chez les femmes.

 

L’entraînement en résistance est en effet considéré comme « la » méthode de référence pour développer la masse musculaire, de par son rôle dans :

 

 

– la préservation et le maintien de la densité minérale osseuse

– le traitement de la sarcopénie

– la réduction de la pression sanguine

– le traitement et la réduction des risques de maladies chroniques multiples (syndrome métabolique, fibromyalgie ou encore polyarthrite rhumatoïde).

 

Actuellement, l’idée que les femmes sont capables d’effectuer des programmes d’ER presque identiques à ceux des hommes fait face à un ensemble de preuves émergentes qui la remettent en question. Parmi les différences notables entre les sexes en réponse à l’ER, on peut par exemple retenir des disparités dans :

– la fatigabilité musculaire

– la perfusion musculaire

– le temps de récupération

– la taille et la composition des fibres musculaires

 

In fine, on se doute que ces disparités pourraient influencer la conception des programmes d’ER et les adaptations de l’organisme qui en découlent.

 

Actuellement, la majorité des études entreprises sur l’ER ont été menées sur des échantillons uniquement masculins, ou mixtes (dans lesquels les données sont malheureusement moyennées). À la connaissance des auteurs de la présente étude, aucune étude n’avait donc été entreprise uniquement chez les femmes.

 

Peu de temps avant la publication de la présente étude, deux grosses revues relatives à l’efficacité de l’ER chez les jeunes filles (8-18 ans) révélaient déjà que l’ampleur de leur adaptation à l’ER était de moitié inférieure à celui observé chez de jeunes hommes. Ce qui alimentait l’idée que, selon le sexe, des différences pourraient effectivement être présentes dans les adaptations à l’ER chez une population plus large.

Cependant, lorsqu’une large population féminine était effectivement ciblée, l’étude portait sur des résultats cliniques tels que le lymphœdème lié au cancer du sein ou la densité minérale osseuse.

 

Dans ce contexte, en vue d’éclaircir le flou sur la différence hommes-femmes en réponse à l’ER, la présente étude (publiée en décembre 2019) a rassemblé tous les protocoles qui comprenaient :

– seulement les femmes, ou sinon des données féminines présentées séparément de celles des hommes

– des participantes sans condition médicale ou blessure connue

– des participantes âgées de 18 à 50 ans

– un groupe Contrôle sans exercice

– des interventions d’une durée ≥4 semaines

 

Au final, ce sont 912 femmes issues de 24 protocoles qui ont été considérées dans l’étude (565 âgées de 18-30 ans, 347 âgées de >30-50 ans)

 

De cette méta-analyse sur l’ER chez les femmes, on peut relever les effets principaux suivants :

Des gains de force musculaire de ~25% (fourchette de 4 à 40%) dans le haut du corps et de ~27% (fourchette de 6,5 à 54%) dans le bas du corps.

Les gains moyens de masse maigre étaient de 3,3%, soit ~1,45 kg (fourchette de 0,4 à 3,3 kg), à la suite d’un programme corporel complet.

Ces adaptations sont survenues à la suite de la participation à des programmes d’une durée moyenne de 15 semaines, comprenant typiquement 3 séances par semaine, elles-mêmes incluant 3 séries de chaque exercice pour une dizaine de répétitions à 70% de 1RM en moyenne.

 

D’autres résultats présentés par l’étude :

Pour le haut du corps, l’analyse indique que les femmes devraient effectuer 3-4 séries par exercice, à raison de 2-4 jours par semaine afin d’obtenir les meilleurs gains de force.

– En outre, ce volume peut être travaillé sur toute la gamme des charges d’entraînement (poids légers et lourds) et de méthodes de travail (séries avec ou sans échec), car aucune de ces variables n’a modéré l’ampleur des gains de force.

Pour le bas du corps, les résultats indiquent que les femmes devraient effectuer des exercices 2 à 4 fois par semaine, avec l’objectif d’accumuler plus de 250 répétitions pour obtenir les meilleurs gains de force.

– L’effet de l’intensité était plus important chez les personnes entraînées. Autrement dit, plus on est entraînée, plus on a de chance de bénéficier d’une hausse de l’intensité d’entraînement.

– Ces résultats peuvent remettre en question les notions historiques relatives à l’hypertrophie musculaire (c’est-à-dire la zone de 8 à 10 répétitions), car ils indiquent que l’hypertrophie peut effectivement être obtenue par une variété de gammes d’exercices (différentes intensités, différents volumes par semaine, différentes fréquentes par semaine).

 

Malgré ces résultats, l’analyse révèle qu’un flou persiste encore dans l’identification de différences d’adaptations hommes-femmes vis-à-vis de l’ER. En effet, à la lumière des connaissances actuelles, les deux sexes semblent présenter de larges convergences dans les adaptations à l’ER, sans distinction claire sur l’intérêt de différencier les méthodes d’entraînement. Selon les auteurs, la raison principale à ce constat est sans nul doute le manque d’études actuelles ciblant spécifiquement la population féminine.

 

Ajouté à cela, les auteurs ont décidé de n’inclure dans l’analyse que des femmes en bonne santé (18-50 ans) dans l’optique de réduire les facteurs de risque liés aux changements hormonaux et à la perte de masse musculaire qui se produit à la ménopause et au vieillissement. Ce qui a encore réduit le champ d’investigation.

 

La thématique de la spécificité des femmes en ER est donc maintenant lancée. De nouvelles données devraient bientôt combler les manques afin, potentiellement, d’orienter les types d’ER des hommes et des femmes vers plus d’efficacité. Comme cela commence à être le cas en endurance.

 

Source : Hagstrom et al., Sports Medicine, 2019

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