Comment bien choisir sa chaussure de trail ?

Le printemps va bientôt faire sa percée et la saison de trails blancs laisser la place aux trails d’été. Il est donc temps de trouver le bon modèle de basket, celui qui vous accompagnera sur les chemins de traverse tout au long de vos séances d’entrainement et vous permettra d’avaler les innombrables kilomètres sur les courses que vous avez rêvé d’épingler à votre palmarès. Mais que choisir ?
Pour tenter de répondre à cette question, dont la réponse est loin d’être simpliste, nous avons interrogé pour Lepape-info quelques spécialistes du domaine. Merci aux interlocuteurs pour leurs précieuses réponses : Christophe Aubonnet, Directeur Innovation Hoka, Gilles Marquette, Orthésiste spécialisé en podologie sportive et Adrien Vannier, Masseur-Kinésithérapeute DE. Diplôme de Kinésithérapie du Sport Expert. KINESPORT©

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En premier lieu, tous nos experts sont unanimes pour dire que pour bien choisir le Modèle qui vous convient le mieux, la première étape sera de se presser dans votre magasin de sport favori afin de rencontrer un conseiller technique et spécialisé en la matière. « Face au mur de chaussures, le client est souvent perdu et le vendeur prendra le temps d’écouter et de conseiller le client. Il passera d’abord par l’étape du podoscope qui permet d’analyser le pied du coureur» explique Gilles marquette.

 

Pied universel, supinateur ou pronateur ?

Il faut dire que chaque pied est unique et que nous avons tous un pied bien différent. Certains d’entre nous rentrons dans la case de ce qu’on nomme le pied normal ou universel comme 50% de la population. Puis il y a la famille des supinateurs qui poussent eux sur l’extérieur du pied et attaquent par le talon avant de dérouler sur l’arche latérale (dite aussi externe). Les supinateurs rentrent aussi dans la catégorie des pieds dit « normaux » et il n’existe pas de semelle anti supinateurs.

En revanche, le problème se pose pour les coureurs pronateurs (45% des coureurs environ), ceux qui attaquent talon interne et restent sur l’arche médiale (dite aussi interne). Pour ceux là, il faudra prévoir un contrôle interne comme une mousse EVA renforcée et plus généralement avoir un vrai soutien à l’intérieur. Il est important de rattraper l’affaissement interne car cela peut avoir des répercussions sur le genou, la hanche ou le dos, créant des déséquilibres articulaires, voire un désaxement de la colonne. »

Venir au magasin avec ses anciens modèles permettra aussi au vendeur d’aiguiller le coureur dans son choix en observant l’usure de la semelle et les déformations de la cuvette.

« Ensuite, un autre point important reste le Chaussant (ou l’Empreigne, la Tige) c’est-à-dire l’habitacle du pied » complète Gilles Marquette. « Il faut choisir le modèle qui nous convient, où l’on se sent bien en fonction aussi de la largeur du pied. C’est très important, le client doit essayer et courir avec les baskets dans le magasin ou même sur le parking. La tenue et le contrôle du pied sont des arguments décisifs. »

Réfléchir sur son activité

Mais si le coureur peut se laisser guider aveuglement par ces bons conseils techniques, Christophe Aubonnet vous invite à prendre du recul sur votre pratique et avoir une réflexion un peu plus poussée. Il positionne sa réflexion autour de 3 grands axes : la physiologie du pied, le terrain de pratique et enfin (surtout ?) l’individu, ses références (son expérience), ses motivations.

Si le premier pilier a été largement exploité et expliqué par notre orthésiste, le volet de l’individu est quant à lui beaucoup plus subjectif. Il faut partir du postulat «quelle distance, pour quel type de terrain et quel type de coureur suis-je ? »

« L’expérience et l’héritage de chacun doivent amener le coureur à réfléchir sur sa pratique. Le niveau de performance joue aussi un paramètre important. Car à individu égal, à gabarit égal, on peut être très différent. Parfois on pousse le curseur sur la performance à tout prix (légèreté, poids, réactivité) au détriment d’éléments de protection de l’individu (amorti, stabilité, durabilité). Et alors ce qu’on pourrait gagner sur le chrono se fera au détriment de  notre pratique dans la durée. Est-ce le bon raisonnement ? »

Trail long ou trail court, le choix du paradoxe !

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« Le raisonnement de la plupart des coureurs longues distance est de se dire que plus je vais loin en distance et en durée plus je privilégie la protection et l’amorti. Mais pour avoir ces bénéfices les modèles proposés sont plus lourds. Le paradoxe est que le poids qu’il va falloir amener avec soit à fortiori sur un ultra-trail se traduit par une dépense énergétique plus élevée et plus de contraintes physiques ce qui à la longue peut devenir un gros frein à la performance.
Au contraire, sur du court, on pense plutôt à privilégier les modèles nerveux et légers mais courtes distances signifie vitesse plus élevée, engagement supérieur dans les zones techniques et en descente, or pour ces situations, ne serait il pas plus judicieux de faire le choix de la stabilité et de l’amorti total afin d’encaisser les grosses descentes, les vitesses élevées…et donc ne pas privilégier la légèreté ?
Voilà pourquoi il faut prendre un peu de recul et toujours se poser la question de ses propres priorités : performer, le chrono à tout prix, les sensations immédiates les plus grisantes ? Ou durer, imaginer courir et profiter encore de sa passion dans 5, 10, 20 ans et accepter de mieux gérer son capital  ?…  La réponse est sans doute entre les deux et surtout de bien comprendre l’incidence de ses propres choix.

Une autre croyance qu’on peut bousculer : « Je ne suis bien qu’en Asics, ou je n’ai pas le pied Adidas». Dire cela revient à dire que tous les modèles d’une même marque chaussent à peu près pareil. Or il est bien clair que chaque marque établie (dont la gamme propose plusieurs modèles) cherche à avoir des modèles adaptés à plein de profil de coureur différents. Et donc les volumes sont différents, les technologies varient, il y en a quasi pour tous. Qu’un modèle précis ne convienne pas, c’est courant, mais dire que tous les modèles de cette même marque ne pourront pas convenir est un raisonnement qui n’est pas fondé. Ces anciennes croyances n’ont plus lieu d’être, toutes les marques sérieuses et établies ont su évoluer pour répondre à la demande toujours croissante et variée des clients.

Pour prendre en référence la marque Hoka dont je peux parler en connaissance de cause, nous avions certes débuté avec un modèle, la Mafate, caractérisée par un fort amorti et un rocker marqué (accompagnement du déroulé). Le chaussant était plutôt « classique » c’est à dira ni étroit ni large. Mais la gamme a grandit vite et 6 ans plus tard (aujourd’hui) avec 28 modèles il y en a des typés universel, pronateur, entrainement confort, compétition marathon, etc…avec des caractéristiques  qui permettent de satisfaire la plupart des coureurs et surtout la plupart des pratiques du running (route, trail, triathlon…et même des pointes d’athlè !).

Vient ensuite le curseur de la podologie : dois-je stabiliser les déséquilibres ou les corriger ? Et selon la réponse apportée c’est aussi là que le coureur peut être heurté au revers de la médaille, s’il recherche trop d’amorti ou pas assez !

Et l’esthétique alors ?

La part d’esthétique n’est pas négligeable non plus dans le choix des modèles. C’est le principe du goût et des couleurs. Il est très différent selon les cultures et les pays. Les anglo-saxons ou les américains sont moins portés sur les couleurs criardes que les latins. Pour avoir vécu et contribué fortement à l’histoire S-lab de Salomon, la base de l’identité S-lab construite autour du rouge était rejetée catégoriquement au début par les experts-vente américains et aussi par les « puristes » qui expliquaient qu’une semelle rouge ne pouvait pas accrocher aussi bien qu’une noire. En réalité, les coureurs l’ont adopté du jour au lendemain et ont fait radicalement basculer les mentalités y compris aux Etats Unis. Personnellement j’ai retiré de cette expérience que quand tu as des convictions, il faut les poursuivre, continuer d’avancer, être à l’écoute pour lever les freins entendus  mais toujours persévérer pour que ça aboutisse. Et pour nourrir ces convictions, il faut être curieux et aller chercher de la matière dans d’autres univers qui nous entourent. D’autres sports, d’autres pratiques mais aussi un peu plus comme l’industrie automobile qui a toujours été très innovante en matière de tendances, de modèles, d’esthétique et de couleurs. Un univers qui est un révélateur de notre société…

Crédit photo : Alexandre Garin
Crédit photo : Xtof Aubonnet

En conclusion, et après avoir invité chacun à se remettre en question et à prendre du recul sur les idées reçues, j’inviterai les coureurs à se recentrer sur le plaisir et leurs motivations. Soyez très vigilants sur la gestion de vos capacités, sachez être à l’écoute de vos envies mais aussi de vos sensations et des signaux pour se mettre à l’abri de l’usure prématurée et des blessures.

Et côté chaussures et équipement (voir nourriture !), pensez à varier les modèles dans votre pratique pour conserver vos capacités d’adaptation et limiter l’usure liée à la répétition (usure articulaire et musculaire, usure mentale aussi…). Au fil de vos entrainements, et selon le thème et l’intensité du jour, c’est essentiel d’utiliser régulièrement des modèles différents en amorti, en dynamique, en poids et caractéristiques techniques. Ca contribuera aussi à votre motivation. « Tiens aujourd’hui j’ai envie de porter mes chaussures roses… ! ». Pour conclure un principe de bon sens : vous n’utiliserez jamais qu’une paire de chaussure à la fois et vous n’userez donc qu’une paire à chaque sortie. Celles qui restent au placard ne vieilliront pas !  Alors dans l’exemple d’un coureur qui achète une paire tous les 4 mois, pourquoi ne pas acheter 3 paires pour l’année et se permettre d’en avoir des différentes ? »

Quid des pathologies ?

Nous ne sommes pas tous égaux devant les risques de pathologies qui peuvent évoluer en fonction de notre passif, notre morphologie, notre poids ou encore les caractéristiques de notre foulée. Pour réduire la prise de risque, le kinésithérapeute et triathlète chambérien Adrien Vannier nous livre son point de vue :

« Pour limiter et ralentir l’apparition des blessures souvent rencontrées par les coureurs et traileurs, il est intéressant d’alterner entre deux types de chaussures :

  • des chaussures qui se rapprochent des minimalistes, avec un drop très faible et souples pour développer les qualités musculaires et articulaires intrinsèques du pied sur des séances courtes.
  • Des chaussures à fort amorti présentant un drop faible également pour préserver les tendons et articulations lors des sorties longues.

 

Dès qu’une douleur tendineuse ou articulaire apparaît le bon réflexe est de diminuer quelque peu son volume d’entrainement (pas de repos total) et de privilégier les sorties avec chaussures amortissantes jusqu’à disparition de la douleur. De même un coureur lourd débutant sera plus tourné en phase de reprise ou de début d’activité vers des chaussures à fort amorti tout en gardant un drop faible. Attention aux chaussures à drop élevé qui peuvent entrainer une sur-sollicitation des muscles de la loge postérieure de la jambe (soléaire et tibial post) favorisant l’apparition de périostites.

A contrario le coureur souffrant de tendinopathie Achilléenne aura un intérêt à courir avec un drop élevé pour soulager la tension sur le tendon.

Concernant les enfants en croissance et en développement, il est essentiel s’ils courent régulièrement de leur fournir des chaussures minimalistes, souples, avec un drop très faible pour  permettre à la musculature intrinsèque du pied de se développer correctement. Eviter les chaussures très rigides et des chaussures avec renfort amortissant au talon.

Pour finir, il est primordial de renforcer régulièrement chaque semaine la musculature intrinsèque du pied avec une routine d’exercices spécifiques. »

Vous l’aurez compris, les facteurs à prendre en charge sont multiples et il ne faut pas s’égarer.

Pensez aussi aux chaussettes !

En marge du choix de la bonne chaussure, Gilles Marquette, orthésiste mais également ancien athlète de très bon niveau et aujourd’hui vice-président de l’Entente Athlétique Chambérienne, conseille aussi d’utiliser une chaussette technique, ergonome et qui a pour rôle d’avoir une bonne protection de la peau, d’utiliser en prévention (surtout sur du long) des crèmes anti-frottements et anti-échauffement (style Nok ou Akileine) et enfin de ne pas oublier d‘effectuer un bilan pédicurique annuel chez son pédicure (pour éviter par exemple les problèmes de Kérastase).

Et enfin si vous appreniez aussi à bien courir ! La foulée, au même titre que votre VMA se travaille à l’entraînement et peut vous permettre de réduire considérablement le risque de blessures. Avoir recours à un coach ou prendre une licence dans un club sera aussi un atout pour une fois mieux chaussé apprendre à mieux courir et donc à se faire plus plaisir. A bon entendeur !

 

1 réaction à cet article

  1. « Attention aux chaussures à drop élevé qui peuvent entrainer une sur-sollicitation des muscles de la loge postérieure de la jambe (soléaire et tibial post) favorisant l’apparition de périostites. »

    drop élévé = sur-sollicitation des mollets ? 😉

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