Aérobie/Anaérobie, quelle voie pour le traileur ?

Le trail est une discipline aérobie continue, ce qui n’empêche pas dans certaines circonstances (départ, côte raide…) de solliciter également la voie anaérobie. L’intensité et la durée de l’exercice déterminent conjointement les filières utilisées. Ces filières se caractérisent par la nature des substrats énergétiques dégradés (ATP, phosphocréatine, glucides, lipides), et ces substrats possèdent des vitesses de déplétion* et de réplétion* propres.

On a trop souvent résumé la performance aérobie aux seules capacités cardio-vasculaires et au sacro-saint VO2max (le VO2max s’écrit au masculin car il s’agit d’un débit). Le schéma ci-dessous à l’intérêt de présenter les multiples paramètres sur lesquels on peut agir pour améliorer la performance aérobie. Parmi ces modèles figurent ceux de la fourniture et de la déplétion énergétiques. 

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Les modèles explicatifs de la performance aérobie. P. Balducci, d’après Grégoire Millet : la préparation physique

 

Ainsi, on améliore la performance aérobie si :

– on améliore la capacité de l’organisme à stocker et utiliser les substrats employés par les différentes filières métaboliques pour permettre la resynthèse de l’ATP (= fourniture énergétique).

  On améliore la capacité de l’organisme à retarder l’épuisement des stocks glycogéniques, et donc à oxyder le maximum de lipides (= déplétion énergétique).

La déplétion des réserves énergétiques est fréquemment illustrée par la fameuse courbe de Howald qui rend compte du délai d’intervention des substrats dans la fourniture énergétique. Attention, l’échelle de temps est logarithmique, c’est-à-dire non linéaire, permettant de représenter sur la même droite des temps allant de la seconde à l’heure. Sur cette courbe, on voit bien la succession dans le temps mais aussi l’interpénétration des différentes filières, la voie aérobie n’étant disponible qu’au bout de quelques minutes (variable selon les conditions d’échauffement et les qualités de l’athlète).

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Quelle que soit la voie utilisée, la finalité est de reconstituer la molécule d’ATP, la seule utilisable par le muscle, permettant la contraction et par extension la locomotion du système musculo-tendineux-squelettique. La voie anaérobie est subdivisée en deux systèmes distincts, le système anaérobie alactique et le système anaérobie lactique. Le premier utilise les réserves de phosphocréatine pour la reconstitution de l’ATP et permet le déploiement d’une énergie maximale, sur un laps de temps très restreint (3 à 7s en Puissance, 7 à 15s en capacité). Le deuxième se sert de la glycolyse (dégradation du glucose) pour le renouvellement de l’ATP, offrant un déploiement d’énergie modéré mais plus durable dans le temps (15 à 30s en Puissance et 30s à 3 min en Capacité).

Concernant la voie aérobie, celle qui nous intéresse au plus haut point, la déplétion des stocks de glucides dépend des stocks musculaires et hépatiques de glycogène mais aussi de l’intensité de l’exercice. Elle se met en route au bout de quelques minutes et peut durer plusieurs heures.

Cela veut dire bien entendu que les stocks de glycogène doivent être optimisés avant la réalisation de la performance (lorsqu’il s’agit d’une compétition) au moyen d’une stratégie nutritionnelle adaptée et réfléchie. Mais cela veut dire aussi que l’intensité de l’effort doit être la plus régulière possible afin que la part de lipides dans le mélange de carburants (lipides-glucides) utilisé soit la plus élevée possible. Cette majoration de la part des lipides dégradés à une intensité donnée est une donnée génétique mais également transformable par un entraînement approprié (sortie à jeun, sortie pacing, régime low-carb …).

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Sur ce schéma, on remarque que plus l’intensité de l’exercice est faible (en % de VO2max), plus la déplétion du glycogène musculaire est lente. Par exemple, on estime qu’un exercice à 75% de VO2max (courbe en jaune) épuise les réserves de glycogène musculaire en 90 minutes, alors qu’un exercice à 150% les épuisera en un peu plus de 10 minutes.

Ces données sont statistiques et peuvent varier significativement d’un individu à l’autre.

Quel apport pour les trailers ?

Rappelons que le trail est une activité aérobie qui utilise les réserves glucidiques et lipidiques. Plus le coureur retarde l’épuisement des réserves glycogéniques et plus il sera performant. De même, à une intensité donnée, plus la part de lipides utilisée est grande et plus l’athlète sera endurant. Pour autant, n’oublions pas la voie anaérobie grandement sollicitée dans les  fortes pentes et à plus haute altitude quand la pression partielle en oxygène chute.

Le développement de cette voie n’est donc pas à négliger dans l’approche de la performance chez le traileur, notamment par le biais du travail de la force. Sans s’en rendre compte, beaucoup sollicitent cette voie dans le travail en côte, et notamment en côte raide où la proportion de fibres musculaires de type II utilisées augmente fortement. Rares sont ceux qui travaillent en anaérobie sur des séances à plat, sur piste ou sur route. Pourtant, les bienfaits à retirer de telles séances sont nombreux sur les plans physiologique et psychologique.

Enfin, le travail de la force, sur le terrain ou en salle, sollicite grandement la voie anaérobie, proportionnellement au pourcentage de la force maximale utilisée.

En conclusion, l’optimisation de la force et de la capacité anaérobie va permettre au traileur de mieux gérer les moments difficiles et de conserver une intensité d’effort régulière. La performance finale s’en trouvera améliorée.

*Point vocabulaire :

Déplétion : c’est la diminution de la quantité d’un élément, donc la baisse des réserves en glucides ou lipides.

Réplétion : Antonyme de déplétion, c’est la reconstitution jusqu’à son maximum d’un élément.

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