Xavier Thevenard : « le psychologique avait pris le pas sur le physique »

C’est une drôle d’année 2014 pour le vainqueur de l’UTMB 2013. Après quelques mois de disette le voici à nouveau sur de bons rails. Après sa victoire sur la TDS, direction le Grand Raid de la Réunion.

Xavier Thevenard 2014

Lorsqu’il a franchi la ligne d’arrivée de la TDS (comprenez pas là, les Traces des Ducs de Savoie, épreuve de l’UTMB longue de 119 km et présentant 7 250 m de dénivelé positif), il a plié le genou tel un chevalier et fait le chiffre trois avec les doigts de sa main.

ET surtout, il a retrouvé ce sourire qui éclaire son visage, cette joie presque enfantine qui avait tant séduit l’an passé, sur cette même place du triangle de l’amitié à Chamonix. C’était sur une autre épreuve, plus emblématique, l’UTMB 2013. L’Ultra Trail du Mont Blanc et une victoire surprise de ce petit Jurassien qui avait osé survoler la course et s’imposer lors de sa première participation.

C’est un peu devenu sa marque de fabrique. Puisque, en ce jeudi 26 août 2014, Xavier Thevenard inscrit à son palmarès une troisième épreuve de l’UTMB et pour la troisième fois, lors de sa première participation. En 2010, c’était sur la CCC, Courmayeur-Champeix-Chamonix. En 2013, sur l’UTMB et en 2014 sur la TDS. C’est à ce jour le seul athlète à avoir réussi ce challenge.

Entre 2013 et 2014, son statut a changé. C’est un peu devenu l’homme à battre, celui qui est attendu sur la première place du podium sur chacune de ses participations. C’est aussi plus de sollicitations et plus de pression. Depuis août 2013, le moniteur de sport a évolué. Il a modifié son alimentation et perdu du poids. Il a intensifié son entraînement, l’a structuré et d’un seul coup, il a semblé perdre son innocence et sa joie de vivre qui avaient été sans nul doute ses forces jusque-là.

Une innocence qui l’avait toujours amené à relever des challenges et à chercher ses limites. « Je fais du sport depuis mon plus jeune âge. J’étais biathlète (ski de fond et tir) et je pratique le ski de fond depuis l’âge de 10 ans. Mais déjà à cette époque, je me lançais des défis en course à pied. Je me souviens que vers 13-14 ans je partais 3 à 4 h. J’ai dû parcourir toutes les pistes de ski de fond runnings aux pieds. J’ai toujours eu envie d’aller chercher mes limites sur des efforts longs. Le biathlon c’est bien, c’est dense, c’est puissant mais c’est sur 10 à 15 bornes, ce n’était pas assez. J’ai toujours aimé m’entraîner et être mort à la fin de la journée. »

C’est ce qui l’amène à s’inscrire une première fois sur la Transjurassienne comme un défi, sans savoir s’il pourrait tenir la distance. « Je termine 7e en me perdant, je pense que j’aurais pu être au pied du podium. Je me souviens que Dawa (Sherpa) m’a doublé durant la course, j’avais 20 ans. Je connaissais deux noms dans le trail à cette époque, Dawa (Sherpa) et Kilian (Jornet). A la fin de la course, j’ai dit « plus jamais ça » et j’y suis retourné en 2009. »
Entre-temps il n’a pas pris de dossard mais a continué ses chevauchées fantastiques à l’entraînement. Avec son frère Jean-Marie, il aime étudier une carte, définir un objectif et s’élancer, juste pour être dehors et fournir un effort.

En 2010, c’est la CCC. « En prenant le départ, je ne connaissais pas les médias, cette ambiance si particulière à Chamonix. J’étais sur une autre planète. C’est un pote qui m’avait inscrit : Sacha (Devillaz, ndlr). On a fait la course ensemble durant les deux premières heures puis je suis parti. Je double Sylvain Camus à la Flégère et la suite vous la connaissez…. Le plus étonnant dans cette histoire c’est que pour moi ma première grande victoire ce n’est pas la CCC mais la Transju en 2011. J’étais encore plus fort qu’à Chamonix »

La suite, c’est un contrat avec Asics et son Team Manager Laurent Ardito qui vient chez lui et lui explique ce qu’il aimerait faire avec lui. « C’est le seul qui a fait le déplacement. Les autres me donnaient leur carte de visite et me disaient « appelle moi ». » Xavier Thevenard signe. Une autre vie commence. « Avant, je ne savais rien de la VMA, des seuils, des séances spécifiques, de la récupération… Pour moi, plus c’était long à l’entraînement, mieux c’était, c’est tout ce que je savais. Je n’avais même jamais pris un cardio.» Financièrement, il est aussi un peu plus confortable. « J’ai un contrat avec Asics jusqu’en 2016 et j’ai aussi Isostar. Mais si cela m’aide, cela ne me permettrait pas de vivre. Et puis j’aime mon métier, j’aime enseigner la pratique du sport. De plus, j’ai la chance d’avoir un contrat annuel : je dois 1400 h à l’école de sport à effectuer en 10 mois. De fait, je peux m’arranger pour faire de grosses périodes afin de pouvoir ensuite m’entraîner pour de gros objectifs. C’est un des plus lorsque l’on est sponsorisé, on peut partir en stage pour bien se préparer car ils sont financés. »

« En 2013, j’étais tellement bien, je n’avais aucun doute »

Xavier Thevenard lors de sa victoire sur l'UTMB 2013
Xavier Thevenard lors de sa victoire sur l’UTMB 2013

2012. Le jeune athlète connait une mauvaise année avec une fracture de fatigue du ménisque mais il patiente, apprend, s’entraîne et remporte l’UTMB en 2013 s’enveloppant du drapeau du Jura. Joie intense mais aussi découverte d’un autre monde.
« C’était mon objectif. Je me souviens qu’avec mon frère les semaines, les mois avant la course, on mettait la musique à fond dans la voiture, celle du départ et de l’arrivée de l’UTMB et Jean-Marie imitait Ludo (le speaker emblématique de la course) et racontait mon arrivée. J’étais tellement bien, je n’avais aucun doute. J’en ai encore des frissons, c’était comme dans un rêve tout ça, la préparation, la course, la victoire…Ouaah ! »

Le jeune athlète ne réalise pas du tout les conséquences. Au fur et à mesure des semaines et des mois qui suivent, il se rend compte que les gens le regardent et l’abordent différemment. Lui aussi change. « J’étais moins léger au départ d’une course et pourtant j’ai maigri (rire, ndlr) ! Jusqu’ici j’arrivais au départ en me disant « donne tout, essaye de faire un bon temps et va chercher la meilleure place possible ». Mais là, je n’arrivais plus à penser comme cela. Dès le début de la saison, je devais être devant, toujours devant, je ne pensais plus qu’à la place ! Je n’avais plus aucune notion du plaisir de l’effort, de la découverte d’un lieu… Je suis allé contre nature et cela ne m’a pas réussi… »

C’est un fait, au fil des semaines, le sourire a disparu et un masque est né sur son visage à chaque départ de course. La tension, la pression se lisaient tant dans sa gestuelle que sur son visage. Les résultats sportifs n’étant pas là non plus avec notamment une quatrième place sur la Maxi Race d’Annecy signifiant beaucoup plus qu’une marche ratée sur le podium, c’est une place en Equipe de France de trail qui s’est envolée. Ce fut aussi un abandon sur le 80 km du marathon du Mont Blanc, une semaine après le record du tour du Mont Blanc en relais avec Asics… Un début de saison blanc qui n’aurait rien eu d’inquiétant, car il est somme toute logique qu’il faille un peu de temps pour se remettre d’une victoire sur l’UTMB, s’il n’avait pas été marqué par ces changements dans le comportement de Xavier et ses abandons.
« Ce qui a changé sur la TDS c’est que j’ai tenté d’aborder la course comme avant. Bien sûr, j’ai pris la tête dès le début mais j’avais réussi à évacuer la pression. Si j’ai appris quelque chose ces derniers mois c’est qu’il ne faut pas que je modifie ma façon d’aborder les courses. Sur cette TDS, j’ai géré morceau par morceau, step by step. Bon, soyons honnête j’aurais été déçu de terminer deuxième et de ne pas réussir mon challenge mais si je repense à la semaine précédant la course et à l’état dans lequel j’étais tant psychologiquement que physiquement…. Je n’étais vraiment pas bien. Il y a deux ans, je n’aurais pas été capable de gérer ça. Car ces derniers mois, tous mes tests de fatigue étaient mauvais, je ne comprenais pas. Je m’entraînais, je bossais bien, je suivais les indications de mon entraîneur, de mon diététicien, de toute l’équipe, mais ça ne rebondissait pas. Je ne pensais pas que le psychique pouvait avoir autant d’influence sur notre corps. En résumé, je n’étais pas bien dans ma tête et donc pas bien dans mon corps. »

Prochain défi : le grand raid de la Réunion fin octobre

Mais Xavier Thevenard se connait mieux. « Je suis parti à la Réunion du 10 au 20 août, c’était catastrophique, je n’avais pas de jambes, pas de sensation et je me disais que je n’allais pas prendre le départ de la TDS. Et puis c’est revenu sur une séance. Je grimpais à nouveau, j’avais de nouveau confiance en moi et je me sentais voler. Dès le départ de la course, j’ai senti que c’était bon. En 20 minutes,on sait. S’il faut attendre 1 h de course pour être bien, ce n’est pas bon. »

C’est donc un Xavier Thevenard remodelé qui va s’élancer sur les sentiers du Grand Raid de la Réunion du 23 au 25 octobre 2014. Face à lui de grands noms car même si Kilian Jornet ne sera pas au départ, François d’Haene sera présent et avec de grosses ambitions. Le vainqueur de l’UTMB et de l’édition 2013 de la Diagonale des fous, compte bien s’imposer et ainsi remporter l’Ultra World Tour. Pour le vainqueur de la CCC 2010, de l’UTMB 2013 et de la TDS 2014, il y aura sans nul doute la possibilité de s’exprimer avec moins de pression, juste avec l’envie d’explorer ses limites et pourquoi pas de briller. C’est ainsi qu’il est le plus fort, surtout maintenant qu’il a réellement repris confiance en lui. « Le Grand raid de la Réunion, ce sera simple : un seul mot au départ comme pour la TDS : BANZAI ! »

Verdict le 24 octobre 2014 sur la ligne d’arrivée du stade de la Redoute.

Sa carte de visite

Né le 6 mars 1988
Habite Jougne dans le Haut-Doubs
Profession : Educateur sportif
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Sa page athlète sur facebook

  •  2009

7e de la Transju’trail 2009 (70km en 7h27mn36s)

  • 2010 

Vainqueur de la CCC (99 km en 11h57mn13s)

  • 2011

Vainqueur de la Transju’Trail (70 km en 06h20mn51s),
Vainqueur de l’Endurance trail (105 km en 10h58mn44s)

3e du trail des Aiguilles Rouges (50km en 6h48mn29s)
2e de la 6000D (61km en 5h48mn06s)

  • 2012

Vainqueur du trail des forts du Grand Besançon (45 km en 3h44mn58s)

  • 2013

Vainqueur de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (168 km en 20h34mn57s)
Vainqueur du Trail du mont d’Or (45 km en 4h15mn10s)
Vainqueur de la Transju’trail (73 km en 6h21mn21s)

3e  du 80 km du Mont-Blanc (78 km, (10h06mn28s)

  • 2014

Vainqueur la TDS (119km en 14h10mn37s)

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