Eco-trail de Paris 2014 : la longue journée des bénévoles du ravito de Saint-Cloud

Sur la terrasse du domaine du Parc National de Saint-Cloud avec une vue magnifique sur tout Paris et surtout la Tour Eiffel, le dernier poste de ravitaillement de toutes les épreuves de l'Eco-trail est le théâtre de toutes les joies et les détresses. Une journée particulière pour une bonne vingtaine de bénévoles.

Eco-trail de Paris 2014 - saint cloud ravitaillement

Ce sont les forces vives de toutes les épreuves de course à pied. Des bénévoles qui donnent leur temps et leur énergie au service des participants afin qu’ils puissent reprendre des forces et poursuivre leur effort.

Pour toutes les courses de l’Eco-trail de Paris, le ravitaillement des terrasses du domaine du Parc National de Saint-Cloud est le dernier, celui où il faut boire et manger avant d’attaquer les 12 derniers kilomètres. Mais combien savent que depuis des heures, hommes et femmes œuvrent, bougent des barrières, coupent du saucisson, des bananes, déballent des cakes, des barres de céréales, préparent de la soupe, du café ?

Depuis le petit matin, Bruno Daligaud et Mohamed Ben Akouch sont au poste. Il est 6h15 lorsqu’ils se présentent sur les terrasses après des jours et des jours de préparation. Des coups de fil aux amis et connaissances pour construire leur équipe et pallier les désistements de dernière minute. « Certains sont déçus mais il faut faire avec les emplois du temps de chacun. Certains sont aussi tout penauds de nous dire qu’ils ne pourront nous accorder qu’une heure ou deux, mais c’est déjà beaucoup,  » commente Mohamed l’adjoint de Bruno  tout spécialement chargé de la logistique « je suis l’adjoint, le second« . Bruno est le chef d’orchestre, celui qui s’occupe de l’administratif, de la technique, des rotations des véhicules, de l’approvisionnement du générateur, de la coordination, du flux des réserves de nourriture. 

Les premiers passent, les autres restent
Alors depuis le matin, Bruno est aux aguets et a dû improviser surtout lorsqu’à 11 h, seules huit bonnes âmes sont au rendez-vous sur les 18 prévues. Et il faut tout mettre en place, replacer la rubalise, utilise la pelle pour tenter de tasser un trou qui n’était pas là hier, installer les tentes, déballer les victuailles… La tâche est lourde et le timing important. Les coureurs du 30 km se sont élancés à 10h et ils ne vont pas tarder. Et effectivement, ils arrivent. Fort heureusement tout est en place mais les premiers ne profitent guère de la vue magnifique sur Paris. A peine un regard vers la Tour Eiffel qui s’élance dans le ciel et n’est autre que l’objectif final de la course.

Il faut agir vite. A quelques mètres de l’arche bleue marquant l’entrée du ravitaillement, les coureurs semblent perdus et ne savoir où passer. Rapidement on replace la rubalise. Les prochains seront moins lucides, pas question de les perturber et de risquer qu’ils perdent leur sang-froid. Ils ont eu bien d’autres occasions de se perdre depuis le départ et en auront d’autres d’ici l’arrivée.

Si les premiers ne daignent pas s’arrêter, ce n’est pas le cas du reste du peloton. La vague arrive, elle est énorme. Tous les bénévoles sont derrière les tables, à crier « eau, coca, sortez vos gobelets« . Certains ne les ont pas alors que le règlement le stipulait. Des verres sont là en réserve, il faudra juste ajouter la vaisselle à la déjà longue liste des choses à faire. 

Le ravitaillement est envahi, les boissons de l’effort ne sont pas prêtes mais pour le 30 km ce n’est pas bien grave. Il est alors importantEco-trail de Paris 2014 - saint cloud ravitaillement de glisser des mots d’encouragement, d’aider les coureurs à enlever leur sac à dos. Le public est là aussi. La famille, les amis sont au rendez-vous alors on fait des photos souvenirs et on prend le temps de raconter sa course. Personne n’est là ? Pas grave, quelques textos, un ou deux appels et l’effet est immédiat, le sourire revient sur les visages. « C’est magnifique« , s’exclame Jérémy Biard qui se demande ce qu’il lui a pris de s’inscrire sur cette aventure. A 26 ans, l’habitant d’Arcueil parle d’un coup de folie, de l’envie de tenter l’expérience. « C’est beau mais c’est dur, c’est ma toute première course. Alors je m’accorde 10 mn de pause car mon pouls est monté à 180, c’est un peu beaucoup non ? Et puis on va quitter la forêt pour retrouver Paris, ça vaut le coup d’apprécier le moment. »

Au fil des minutes, les temps de pause sont de plus en plus longs et après l’effervescence c’est le calme absolu. Les bénévoles en profitent pour remplir les assiettes, confectionner les bidons de boissons énergétiques, il faut encore et encore couper le saucisson, les cakes, les bananes…. Les poubelles se remplissent à vitesse grand V. Les derniers du 30 km sont passés, Bruno Daligaud en profite pour faire un petit contrôle des tables, des hommes et des femmes. Il est temps aussi de manger un peu, sur le vif en restant aux aguets. Une carte d’identité arrive, un coureur l’a perdue, c’est Camille, sa jeune fille de 14 ans qui œuvre aussi, qui l’a trouvée. Aussitôt Bruno crie le nom, mais le coureur est déjà parti. « L’an dernier, c’est un appareil photo qu’on a trouvé. Heureusement, je l’ai récupéré car quelqu’un nous l’avait rapporté. Le coureur est revenu après sa course et est tombé sur moi par hasard. Il a pu faire son album ! » La carte sera renvoyée au PC sécurité de la course. 

Rien ne semble paniquer Bruno. Présent depuis le début de l’Eco-trail, il sait s’adapter aux diverses situations et improviser s’il le faut. « C’est toujours des histoires d’amitié. Il se trouve qu’Hervé qui est dans l’organisation m’a appelé un peu au secours la première année, et depuis… je suis toujours là. C’est plus facile maintenant. Les bénévoles sont rodés, on sait anticiper et improviser quand il le faut. En fait, il ne faut jamais paniquer et rester lucide.« 

Lucide oui, mais réactif surtout, car c’est reparti ! Voici le 50 km, le scénario se reproduit. « Eau, coca, sortez vos gobelets ! Allez allez courage, il reste 12 km ! » Eco-trail de Paris 2014 - saint cloud ravitaillementToujours les mêmes mots, toujours les mêmes sourires, les mêmes attentions. Pas une once de lassitude, on cache sa fatigue pour se mettre aux services des coureurs aux visages de plus en plus marqués. Comme il se doit, les premiers ont tracé mais plus le temps passe plus les coureurs ont besoin de mots, de soins, d’attention. Les corps se posent au sol de plus en plus difficilement, les corps se relèvent en criant. « L’an passé on avait des chaises et des bancs, c’était mieux quand même, » soupire Mohamed « mais avec les élections ils en avaient besoin. » Certains bénévoles passent devant les tables pour prendre en charge les sacs à dos et remplir les poches à eau. « Une barre ? Un morceau de chocolat ? Tu as besoin de quoi ? »

Certains coureurs se mettent un peu à l’écart, tentant de retrouver leur souffle à l’image de Mehdi, 42 ans « fatigué». Marathonien en 3h51 c’est la première fois qu’il court un 50 km, « c’est dur, c’est trop long pour moi, je crois. Je vais me reposer et on repartira, c’est pas ici que je vais m’arrêter, c’est presque l’arrivée. Il faut juste descendre et courir sur le plat, » se répète t-il avant de retrouver le sourire et de repartir et puis « si on n’est pas blessé ici ça devrait le faire, non ? »

Des visages de plus en plus marqués
16h30, le soleil se cache. Le vent se lève, les barrières tombent, il faut les relever vite. Les bénévoles enfilent leur veste. C’est le grand calme avant la tempête. Il n’y a plus de coureurs ou très peu, et le scénario se reproduit. On range, on coupe, on vide les déchets et on prépare le chaud, la soupe et le café. Les coureurs élites du 80 km arrivent, les bénévoles applaudissent, les managers, les amis œuvrent pour les ravitaillements. Ceux qui ont abandonné à l’image de Sylvain Court ou Romuald De Paepe sont là pour quelques mots, quelques gestes. Michaël Boch est seul, il s’active sous les encouragements de ses amis de l’élite qui lui offrent leur aide, mais pas le temps. Il est rodé et trace vers l’arrivée assurant sa 4e place. La première féminine arrive, l’Italienne Simona Morbelli applaudit les bénévoles en arrivant et prend le temps de dire qu’elle s’entraîne dans les Alpes «Elle est incroyable ! » Des petits mots qui mettent du baume au cœur.

Le temps passe. Il faut attendre plus d’une heure avant que la masse arrive. Alors les bénévoles prennent le temps de bichonner les Eco-trail de Paris 2014 - saint cloud ravitaillementcoureurs éparses avant de ne plus pouvoir le faire. La nuit tombe. On ne distingue alors plus que les frontales au loin. Les regards se vides, les crampes tétanisent les corps, les gestes se font de plus en plus lents, les pauses sont de plus en plus longues. On est encore loin de la barrière horaire fixée ici à 22h30 et il est encore possible de prendre un peu de temps avant d’aborder la longue route qui mènera aux bassins du Trocadéro.

Eric Barbe, 57 ans, est là, assis sur la pelouse. En homme d’expérience, celui qui a déjà fait la CCC et la Saintélyon est revenu sur le 80 km après une participation en 2007. « Dix minutes pas plus car après on ne repart pas, mais j’en ai besoin. Les bénévoles sont vraiment super sympas, on n’en parle pas assez, on les oublie mais sans eux on serait bien dans la m….. Il faut toujours les remercier même si parfois on oublie de le dire. Je les admire en fait. Ici c’est particulier car on sait que si ça passe, on va au bout. Au 47e sur le deuxième ravitaillement c’était plus maussade, plus tendu. Il reste encore beaucoup de kilomètres. Là on voit l’arrivée. On est fatigué, meurtri mais on sait que l’on va aller au bout. On redevient optimiste.» 

Et le voilà qui s’échappe. Dans quelques heures, il faudra gérer ceux et celles qui ne pourront continuer, qu’il faudra stopper pour cause médicale ou en raison de la barrière horaire. Ce sera plus tendu, plus triste. Et lorsque le dernier sera reparti, pas question de s’en aller immédiatement. Il faut refermer les tentes avant de prendre quelques heures de repos. Demain certains bénévoles seront encore là pour les randos à l’image de Bruno et Mohamed. Ils seront fatigués mais fidèles au poste. Et là encore, on entendra crier « eau, coca, sortez vos gobelets…. »

La même chanson, les mêmes mots, les mêmes sourires et  toujours le même enthousiasme.

L’album photo

1 réaction à cet article

  1. Félicitations à tous ces bénévoles plein de mérites !

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