Trail : Aurélia Truel, l’esprit d’équipe

Ballon de handball à la main comme pointes ou chaussures de running aux pieds, Aurélia Truel utilise depuis son plus jeune âge les mêmes ingrédients : entraînement et partage. Preuve que la recette fonctionne : à 40 ans, elle se prépare pour ses troisièmes championnats du monde de trail.

Aurélia Truel

Petite, elle partait en vacances à la montagne, « souvent dans l’Ubaye ». En randonnée, elle « cavalait derrière » ses deux grands frères de cinq et sept ans plus âgés, et « rouspétait ». Au fond pourtant, elle « aimait ça ». « Je faisais déjà du fractionné ! ». Aurélia Truel évoque ses souvenirs avec le regard qui brille. On plonge dans son regard bleu perçant et son flot de paroles, comme elle quand elle jouait « à faire des barrages dans la rivière » pendant ces séjours au grand air. Elle a grandi en Ile de France mais a reçu « une éducation assez nature, avec notamment un grand père qui adorait faire de la photo en montagne ». « C’est peut-être pour ça que j’ai fait des études dans les espaces verts », confie celle qui est fonctionnaire à la mairie de Choisy-le-Roi.

Sur le stade Jean Bouin où elle est en poste depuis début 2015, elle raconte son enfance tout près de là, à Ivry-sur-Seine. « Je viens de la banlieue », rappelle-t-elle, aujourd’hui « fière » de ses origines et de son « accent » qu’on a parfois moqué. « J’aurais peut-être mal tourné sans le sport. J’ai eu de super éducateurs. Ça m’a apporté de super valeurs ». Elle était « toujours fourrée au gymnase ou au stade », partagée pendant plusieurs années entre le handball et l’athlétisme. « Je faisais parfois du hand le samedi et un cross le dimanche. Et même un cross le dimanche matin et un tournoi de hand l’après-midi. Je comprends pourquoi aujourd’hui je fais du long ! J’ai toujours aimé faire beaucoup de choses sur la durée », sourit-elle.

Vingt ans après, elle se souvient de son premier semi-marathon à Nogent-sur-Marne, en 1995. Elle avait pris le départ suite à « championnats de France de cross ratés ». Un copain n’avait pas pu suivre son rythme, alors elle avait continué seule pour boucler cette première expérience sur 21.1 kilomètres en 1h16mn27s, chrono qu’elle n’a depuis jamais battu.

Aurélia Truel est aussi le genre de coureuse capable de prendre le départ des championnats de France de courses en montagne en 1998. Sans expérience de la discipline. Après une nuit à dormir « sur le carrelage d’un gymnase » de Satillieu (07) dont le souvenir suffirait presque à lui faire claquer des dents. A la clé : une troisième place et une sélection en équipe de France pour les championnats d’Europe en Italie et les Mondiaux à La Réunion.

Aurélia Truel Templiers 2013Celle qui a été élevée dans une famille modeste explique que le sport a été l’occasion de « voyager à moindre coût ». Ça tombe bien, elle aime découvrir le monde en courant. « Tu visites, tu vois pas mal de choses ». Elle a vécu quasiment trois ans à La Réunion, en a profité pour se rendre à l’Ile Maurice, aux Seychelles, se baigner avec les tortues, mais aussi découvrir une réalité moins clinquante, comme à Madagascar. « Là-bas, le temps s’arrête. Il n’y a pas d’horaires pour les bus, ils partent quand ils sont pleins. Quand tu reviens en France, tu ne râles plus ! ».

Après des trajets réguliers en métropole pour participer à des compétitions, elle a, un jour, décidé de ne pas utiliser son billet retour. Son copain de l’époque lui avait « reproché d’être restée quelques jours de plus pour courir », alors elle n’est jamais retournée à La Réunion. Elle le concède, elle n’est « pas matérialiste », mais plutôt « sentimentale ».

« Timide » au premier abord, elle cache en fait une vraie joie de vivre qu’elle sait mettre au profit d’un groupe. Elle baigne dans l’athlé depuis trente ans mais n’a pas oublié ses valeurs collectives travaillées sur les parquets de hand. Avec le comité départemental du Val de Marne, elle troque souvent sa casquette d’athlète pour celle d’organisatrice ou de bénévole. En équipe de France de trail dont elle est l’une des figures féminines depuis plus de cinq ans, elle n’hésite pas à passer aux fourneaux avec son acolyte Maud Gobert pour régaler ses compères d’une « mousse au chocolat », ou à « faire le guignol » pour détendre et souder les troupes. Parce que sa vision du sport pourrait se résumer en trois mots : « partager découvrir, voyager ». Et parce qu’elle croit en la force des rassemblements et autres stages, où les athlètes « vivent ensemble ». « Ce sont des bons moments sur lesquels on peut s’appuyer en course. Or sur du long, tu cherches du positif à un moment de la course ».

Aurélia Truel est vice-championne du monde 2013 de trail.  Mais lorsqu’elle évoque ses objectifs pour les Mondiaux 2015 sur la Maxi Race d’Annecy, elle n’hésite pas une seconde. « Un troisième titre par équipe ». On sent encore les frissons de l’intensité de la médaille d’or en 2011, conquise avec ses copines Maud Gobert et Laurence Klein. « Bien sûr, si je peux refaire deuxième en individuel, je prends tout de suite, lance celle qui a couru – et gagné – son premier trail sur le marathon des Causses en 2008. Mais là, c’est de la montagne, ce n’est pas mon milieu. Il faut être réaliste. Après, sur une journée, tout peut se passer. Et c’est un challenge. Mais mon objectif, c’est d’ajouter une troisième étoile sur le maillot ».

Dans le Bois de Vincennes, à Crosne (Essonne) ou dans la forêt de Meudon, elle se prépare du mieux qu’elle peut au dénivelé. Complète son entraînement avec des séances à vélo. Mais ce qui fait la différence, « c’est surtout l’altitude », souffle-t-elle. « Moi, à  1 500 mètres, je suis asphyxiée ». Alors elle s’organise des stages, comme au début du mois de mars au Ventoux. Elle envie ceux et celles qui ont « la chance d’habiter à la montagne ». Se souvient de l’époque où elle « regardait par la fenêtre de l’école » et rêvait « de grands espaces » avec ses copains. A 40 ans, elle a toujours des envies d’ailleurs. Elle ne les exclut pas totalement, mais sait aussi que son parcours est une de ses forces. « Je ne lâche jamais rien », conclut-elle. D’ailleurs, certains la surnomment « la teigne ».

Aurélia TruelAurélia Truel en bref

Née le 4 avril 1975 à Paris (75)
Club : Athlétique Club de Choisy le Roi
Membre du Team Mizuno

Palmarès principal

2014

Vainqueur de la XL Race
Vainqueur du 30 km de l’Eco-Trail de Paris

2013

Vice-championne du monde de trail en individuel et championne du monde par équipe

2011

Vainqueur du Trail de la Côte d’Opale en Pas de Calais
Vainqueur du 80 km de l’Eco-Trail de Paris
Championne du monde de trail par équipe

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