Taxation des courses hors stade : la FFA tente d’éteindre l’incendie

Un discours de Bernard Amsalem à l’Assemblée générale 2015 de la ligue d’athlétisme de Bretagne. Un article du Télégramme de Brest titré « course hors stade : Amsalem veut les taxer ». Et la planète course à pied s’est enflammée. La Fédération Française d’Athlétisme s’explique.

Bernard Amsalem

Près de 8 000 signatures pour une pétition en ligne (« contre le prélèvement d’une partie des droits d’inscription ») en quelques jours. Des milliers de commentaires sur les réseaux sociaux. Et des centaines de mails adressés à la Fédération Française d’Athlétisme. « J’ai répondu à tous individuellement, insiste Bernard Amsalem. Sauf ceux qui étaient injurieux ».

Le président de la Fédération Française d’Athlétisme a déclenché un vaste mouvement de contestation, suite à ses propos tenus samedi 21 mars 2015 lors de l’assemblée générale de la Ligue de Bretagne d’Athlétisme. Des propos qui auraient pu rester dans le cercle très fermé de ceux et celles qui étaient ce jour-là à Lannion, sans un article du Télégramme de Brest qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux. Le titre – « course hors stade : Amsalem veut les taxer » – avait de quoi inciter aux clics, et par la suite aux commentaires. Une volonté de « buzz » selon Bernard Amsalem qui explique avoir joint l’auteur de l’article dont le titre aurait été changé par la direction du journal.

Alors qu’en est-il sur le fond de la polémique ? D’abord, le terme de « taxe ». Le président de la Fédération Française d’Athlétisme tranche : « Il n’en est pas question, nous n’en avons ni le pouvoir ni les moyens ». Sur les quelques 9 000 épreuves de course à pied organisées en France, environ 600 – seulement – sont labellisées par la Fédération. Et Bernard Amsalem de rappeler que « l’athlétisme est le seul sport dans lequel vous pouvez organiser une épreuve sans l’aval de la Fédération ».

Pas de taxe, donc. Mais une réelle volonté de la part de la FFA d’être « un acteur de la course hors stade ». Ce qui ne signifie pas « passer de 600 à 9000 courses labellisées, ça n’est pas réaliste », reconnait Bernard Amsalem. Toutefois, le président de la Fédération Française d’Athlétisme rappelle que la « délégation de services publics » confiée par le ministère impose des « responsabilités » comme celles de « veiller à l’harmonisation du calendrier et garantir la sécurisation des organisations ». Et le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, d’abonder dans son sens lors du premier « sommet de la course à pied » qui s’est tenu ce mercredi 25 mars 2015 à Paris. « Les courses doivent êtres encadrées, c’est essentiel pour la sécurité. Le moment est venu de regarder d’un peu plus près ce qui se passe. Ce qui ne veut pas dire règlementer encore plus. La règlementation existe déjà. C’est important qu’elle soit appliquée ».

Les courses à obstacles et autres concepts décalés semblent être particulièrement concernées par ces propos. Bernard Amsalem confirme avoir pour mission de rendre un rapport sur le sujet, afin d’établir un « règlement » pour l’organisation de tels événements. Et dans un futur proche, la FFA devrait passer à la vitesse supérieure en matière d’organisation. « Bien sûr ! Nous aussi, nous avons une volonté d’organiser des épreuves de courses à pied », lance Bernard Amsalem. A propos des courses à obstacles, il ajoute : « J’ai des propositions pour organiser un circuit ». Sans pour autant, selon lui, vouloir nuire à ceux déjà existants. Forte de l’expérience de l’Ekiden de Paris qu’elle organise depuis deux ans, la Fédération envisage aussi de créer un « circuit d’ekidens », ce qui « n’existe pas encore ».

Outre l’organisation d’événements, l’autre objectif majeur de la Fédération est évidemment d’attirer davantage de coureurs vers les clubs. Le constat est simple : selon une étude Sportlab, 9.5 millions de Français déclaraient pratiquer la course à pied en 2014, dont 5.7 millions affirmaient courir au moins une fois par semaine… et la Fédération Française d’Athlétisme a clôturé son cru 2014 avec… 263 000 licenciés. « Il n’est évidemment pas question de passer à 9 millions de licenciés », sourit Bernard Amsalem. Sans pour autant se contenter d’une croissance déjà significative ces dernières années, avec 5 à 10% de licenciés en plus par an.

Ce qu’a évoqué Bernard Amsalem lors de l’AG de la Ligue de Bretagne, c’est en fait un projet de « carte de fidélité » sur lequel planchent les instances depuis de longs mois. Problème : les modalités ne sont pas encore tranchées et les tenants et aboutissants pourraient n’être connus qu’à la rentrée 2015. « C’est un projet, complète Souad Rochdi, directrice du département communication et marketing de la FFA. L’idée c’est d’associer les coureurs à la Fédération, de créer un vrai cheminement pour les emmener vers les clubs ». Mais « sans contrainte », insiste-t-elle, tout comme Bernard Amsalem.

Que sait-on de cette « carte de fidélité » ? Elle fonctionnerait comme un « titre de participation », dispositif prévu dans la législation et qui se différencie de la licence parce qu’elle ne permet pas une « participation au fonctionnement de la fédération ». C’est le cas de l’actuel « pass running ». La « carte de fidélité » (dont la dénomination n’est pas encore fixée, non plus), pourrait être une évolution de ce pass. Ou une alternative. Elle permettrait d’avoir accès à des « services » proposés par la Fédération. Par exemple « des conseils médicaux, nutritionnels », avance Souad Rochdi. Le dispositif serait en fait proposé à des organisateurs de course « volontaires », aidés dans leurs missions par la FFA, et la carte serait probablement ensuite incluse dans le prix de l’inscription aux dites courses pour les non-licenciés. L’application « J’aime courir » (qui remplace la plateforme jesuisuncoureur.com) serait aussi un complément de ce dispositif. Cette application propose des plans d’entraînement, des conseils, un calendrier des courses, et des parcours. Certains services sont gratuits. D’autres vont être payants. Mais pour le détail (et notamment les coûts réels), là encore, il va falloir attendre.

En clair : outre une mise en avant probablement provocatrice et raccourcie des propos de Bernard Amsalem, ce que l’on pourrait appeler « l’affaire du Télégramme de Brest » relève surtout d’annonces un peu précoces et encore trop floues qui ont alimenté des discussions pas toujours fondées.

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