Jeanne Lehair : « L’une des courses les plus dures de ma vie. »

L'une des ambassadrices LEPAPE, Jeanne Lehair qui représente désormais le Luxembourg est devenue ce dimanche championne d'Europe de triathlon à Madrid (Espagne).
La Messine âgée de 27 ans a devancé l'Allemande Lisa Tersch et la Suissesse Cathia Schär au terme d'une course exigeante. Entretien.

Jeanne Lehair championne d'Europe de triathlon

Lepape-info : Jeanne, comment s’est passé votre course avec au bout le titre européen ? 

Jeanne Lehair : C’était vraiment très très dur, je pense que c’est l’une des courses les plus dures de ma vie mais en étant en forme. Notamment en cyclisme, sur les parties descendantes avec les virages techniquement je n’étais pas bonne par rapport aux autres alors que d’habitude cela se passe bien. Peut-être qu’avec la fatigue je ne voulais pas prendre de risques, j’étais moins offensive. À un moment nous étions dans un tunnel avec une voie de circulation, c’était très dangereux je ne voyais pas grand chose avec mes lunettes de soleil, la chaussée me semblait glissante, je ne savais pas si c’était de l’eau ou de l’huile qui était sur la route. J’étais prudente mais du coup je devais relancer quand je prenais du retard sur les autres. La partie cyclisme était dure mais avec le monde au bord de la route, l’ambiance dans les montées cela passait bien. Mes parents étaient là, j’arrivais à entendre leurs voix distinctement en train de m’encourager c’était cool.

Lepape-info : La partie vélo fut difficile, la course à pied aussi ?

J.L : Je suis partie directement devant même si ce n’était pas ce qui était prévu. En fait je n’avais pas de plan, mon échauffement n’avais pas été top. Je fais un peu plus d’un kilomètre aux commandes puis ensuite je laisse passer d’autres concurrentes pour mener en me demandant ce qu’elle faisait dans le groupe de tête. Après 3 km je sentais quelque chose qui me faisait mal à une cheville, j’ai commencé à cogiter en me disant que c’était la course de trop. Finalement c’était ma puce qui était mal positionnée, je l’ai remise comme il fallait, tout est rentré dans l’ordre. Sur la course à pied il y avait des faux plats montants, descendants, je me suis dit qu’il fallait être dans la gestion. Je suis sortie de la dernière transition en 5ème ou 6ème position dans le groupe de 7 aux commandes. Je me place aux avant-postes rapidement en rattrapant l’Allemande Lisa Tersch avec qui j’ai fait un duel tout du long. Je me rappelais qu’elle avait fait les mêmes courses que moi à Yokohama et Cagliari et que l’avais devancé en course à pied les deux fois. Elle est restée derrière moi quasiment tout le temps, quand j’essayais de passer le relais elle ralentissait pour rester à ma hauteur et ne pas mener notre duo de tête.

Lepape-info : Vous avez fait la différence en toute fin de course

J.L : Dans le 3ème et avant-dernier tour de course à pied, à un moment Lisa Tersch prend une avance sur moi de 3-5 mètres mais l’écart se stabilise. J’entendais le public m’encourager en Français et je suis arrivée à combler l’écart avant le début du dernier tour. J’étais persuadée qu’elle allait m’allumer sur la fin en sprint ou sur une accélération fatale et que je ne pourrais rien faire. Le parcours nous avait tellement fatigué notamment à vélo, en course à pied il n’y avait quasiment pas de plat, je pensais que cela serait compliqué de répondre à d’autres attaques. J’avais des maux de ventre comme aux championnats d’Europe à Munich l’été dernier. J’étais tellement focus que je n’ai plus pensé à cela. Dans la dernière montée j’ai essaye de mettre du rythme juste pour passer cette ultime difficulté le plus rapidement possible.

Juste avant le dernier demi-tour qui nous amène à l’ultime ligne droite à environ 300 m de l’arrivée, Cyrille Mazure de la FFTRI me dit que l’Allemande est légèrement décrochée. Je constate le petit écart lors du demi-tour et je me dis que je peux commence à y croire. Je relance jusqu’au tapis bleu d’arrivée. En me retournant à quelques mètres de l’arrivée, je me rends compte que c’est bon et j’ai pu ainsi un peu profiter de ces derniers instants en levant les bras juste avant la ligne, en réalisant que j’étais championne d’Europe j’ai pleuré comme à chaque belle performance. Cette année ce fut souvent le cas, c’est tant mieux (sourire) .

Jeanne Lehair : « Même si je me dis que c’était un championnat d’Europe sans les meilleures européennes, je me rappelle de ce que j’ai fait à Yokohama, à Cagliari avec ma meilleure place en WTCS, j’ai fini par accepter le fait que je n’étais pas si nulle. »

Lepape-info : Après un très bon début de saison, vous pensiez au titre ?

J.L : C’était délicat, d’un côté je savais que j’étais en forme, mes résultats parlaient d’eux-mêmes mais d’un autre côté j’étais aussi très fatiguée notamment après la WTCS de Cagliari. Le mardi qui a suivi cette étape j’étais fatiguée, je suis allée au Luxembourg pour faire un test d’effort le jeudi en vue des Jeux Européens où je vais faire le relais mais tout s’est bien passé. J’avais ensuite un vol direct pour Madrid pour aller au championnat d’Europe. En plus je ne suis pas arrivée à me coucher tôt avant l’épreuve dimanche, j’avais fait une courte sieste samedi ce qui est très rare, je me suis rendue compte que j’étais fatiguée. Au final je savais que j’étais en forme mais qu’il y avait des chances que je me fasse piéger.

Lepape-info : Ce genre de parcours exigeant comme c’était le cas à Madrid est-il plutôt à votre avantage ?

J.L : J’ai tendance à aimer les parcours difficiles même si ces derniers temps j’avais l’impression d’être un peu limite à vélo. Après beaucoup de grands noms comme Flora Duffy ou Georgia Taylor-Brown n’étaient pas là. Mais pendant le premier tour à vélo je pensais vraiment que j’allais sauter à un moment donné à chaque fois qu’on allait entamer la montée (une par tour).

Lepape-info : Ce titre va vous décomplexer, changer quelque chose dans votre saison ?

J.L : Même si je me dis que c’était un championnat d’Europe sans les meilleures européennes, je me rappelle de ce que j’ai fait à Yokohama, à Cagliari avec ma meilleure place en WTCS, j’ai fini par accepter le fait que je n’étais pas si nulle (rires). Ce titre est la cerise sur la gâteau, ma première victoire de la saison, cela m’en fera au moins une dans l’année. C’est coché en plus sur un championnat d’Europe c’est top !

Lepape-info : La suite du programme après ce beau titre Européen ?

J.L : Je vais beaucoup enchaîner je ne sais pas comment je vais m’entraîner cela va être de la survie. J’enchaîne avec le grand prix de triathlon à Bordeaux dans 2 semaines avant l’étape WTCS de Montréal, Cracovie pour les Jeux Européens avec le relais, l’étape WTCS de Hambourg. Ensuite direction Font-Romeu pour m’entrainer en vue du Test Event de Paris en août. En septembre place aux 2 dernières étapes de D1 à Quiberon aux Sables avant la grande finale WTCS à Pontevedra fin septembre avant peut-être les Coupes du monde en Asie que j’aimerai bien faire, on verra en fonction de mon état de fatigue.

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