Au cœur des 10 km de Saint-Cloud, le 23 octobre 2011

Une course campagne à Paris

La vieille dame du Parc de Saint-Cloud se porte bien. La classique automnale, qui hésite entre cross et trail, a battu ses records de participation, le 23 octobre 2011. Sans rien perdre de sa bonne humeur ! Ambiance, avec Ignace Manca.

23 octobre 2011. Stade du pré Saint-Jean à Saint-Cloud. L’automne est bien là. Surprise, seuls quelques petits degrés se risquent au-dessus du zéro. Vers 9 heures moins le quart, le soleil n’a pas dépassé le sommet des arbres et ne nous réchauffe pas encore de ses rayons. Comme toujours – nous sommes « accros » à cette classique automnale dont nous apprécions le parcours, l’ambiance bon enfant et la paradoxale confidentialité -, nous sommes arrivés tôt. Nous récupérons nos dossards et nous partons nous échauffer car, et c’est le lot de tous les 10 km, celui de Saint-Cloud part fort. D’autant plus que le parcours emprunte des chemins plutôt étroits dans lesquels s’engouffrent les coureurs les plus pressés et qu’il vaut mieux faire partie de ceux-là si l’on concourt pour les avant-postes.

Le trajet varie peu d’une année sur l’autre et nous le connaissons bien. Il faut dire que « le Parc », comme nous l’appelons affectueusement, est notre terrain de jeu depuis presque trente ans. Trente ans que nous le sillonnons chaque semaine lors de notre entraînement d’1h40 durant lequel aucune des côtes importantes ne nous est étrangère. Le premier kilomètre, qui longe l’autoroute A13, nous est moins familier et nous le repérons chaque année avec le plaisir de ces habitués qui n’aiment rien moins que se retrouver en terre connue. Nous ne sommes pas les seuls à gambader de la sorte et nous voilà de retour au stade juste un petit quart d’heure avant le départ. Le temps de participer à un petit jeu proposé par la Compagnie des Eaux : après une dégustation à l’aveugle, découvrir lequel des trois flacons contient une eau minérale, une eau de source et l’eau de la ville. Comme beaucoup, j’identifie l’eau minérale (elle a un fort goût de magnésium) mais je suis incapable de faire la différence entre les deux autres : incontestablement un bon point pour l’eau du robinet.

Quand le corps dit non

H moins 5 minutes. Il est temps de se placer derrière la ligne, encore déserte, même si les quelque centaines de coureurs inscrits la rejoignent – un rien nonchalants. Je me colle au premier rang et Philippe et Olivier se glissent un peu derrière. H moins une minute, le starter se présente. Tout en décontraction, il regarde sa montre, constate qu’il est 9h30, demande à la cantonade si les coureurs sont prêts, lève son revolver et donne le départ. Je me précipite et je constate… que je suis doublé par quantité de gens, dont Philippe qui est censé courir moins vite que moi ! Sa raillerie m’aiguillonne et j’accélère alors que mon corps dit non. Et que les concurrents continuent de s’écouler autour de moi. Le chrono est sans pitié au km 1 : il affiche 4mn 25s. Je suis effondré, car j’avais compté passer en moins de 4 minutes. La première côte se présente et je l’avale sans souffrir. J’aurai l’explication au 2è km que je passe en 9mn 3s. Une catastrophe. Évidemment, à cette vitesse, je ne sollicite pas la machine.

Dès le 3ème km, les positions sont acquises. Et si quelques personnes me doublent encore, je double moi-même des coureurs qui sont partis trop vite pour leur forme du jour. Je profite d’une légère descente pour passer plusieurs concurrents et me prépare à affronter la plus longue déclivité du parcours : plus de 3 minutes de montée. À ma grande stupéfaction, je suis doublé dans cette côte que je connais parfaitement. Mais je commence à retrouver mes sensations. Et je sens monter les regrets. Ma déplorable hygiène de vie de ces derniers temps est vraiment incompatible avec un maintien de mes performances de course. Serment d’ivrogne : je me promets de m’amender, au moins au voisinage des compétitions.

Au 5ème km, je suis en 22mn 25s. Les dégâts sont là. Je passe devant l’unique point de ravitaillement : les bénévoles sont désespérés. Personne, absolument personne, ne s’arrête. Ils ont beau faire l’article, vanter les mérites de l’hydratation, des raisins secs et des sucres, rien n’y fait. Qui dira le désespoir du bénévole qui voit défiler les coureurs sans espoir de les retenir ne serait-ce qu’un instant ! Il faut avouer que la fraîcheur du jour invite peu à se ruer vers les gobelets qui seraient de véritables aimants avec 10 degrés de plus. Un virage à droite, une ligne droite et la dernière côte, un dos d’âne au dessus de la route de Marne la Coquette, avant une grande descente sur la gauche. Je savoure les délices de celui qui connaît le parcours par cœur. Et le plaisir de pouvoir accélérer, et de doubler ne serait-ce que quelques concurrents. Je fais toutefois un peu attention à ne pas griller trop tôt mes maigres cartouches car, au 7ème km, il faut négocier un joli faux-plat, longue ligne droite que je mets à profit – je la parcours toutes les semaines ce qui me procure un avantage concurrentiel presque scandaleux – pour doubler encore quelques concurrents, avec la satisfaction des nouveaux convertis. Mais je me doute que cette embellie ne va pas résister aux deux derniers kilomètres durant lesquels, je le sais par expérience, nombre de coureurs puisent dans leurs réserves, de quoi grignoter quelques places.

Le scénario était écrit. Il se réalise. Mais, à mon grand étonnement, je résiste plutôt bien à ces attaques et je maintiens la position, laissant seulement un grand escogriffe me déposer comme un vulgaire débutant. Nous voici dans le dernier kilomètre. Il est temps de jeter toutes mes forces dans la bagarre. Il sera bientôt trop tard pour les regrets. Le stade du pré Saint Jean est inondé de soleil. Et l’arrivée est au même endroit que d’habitude. Rassurant. Le dernier tour de piste est l’occasion d’allonger la foulée. Un coup d’œil au chrono me montre que je peux malgré tout rentrer en moins de 44 minutes. Pas glorieux, mais on se rassure comme on peut ! Inévitablement, un concurrent me double dans les 100 derniers mètres. Il a trente ans de moins que moi et ça se voit, donc je lui pardonne cette indélicatesse due à son extrême jeunesse.

Je passe la ligne en 43mn 50s, un temps qui me fait monter le rouge de la honte au front. D’autant plus qu’à l’inverse, Philippe a amélioré son propre chrono et qu’il me suit de près. Quant à Olivier, il a fait le parcours à son allure de sénateur. Nous allons tous les trois nous restaurer en profitant du soleil devenu radieux et en échangeant nos impressions de course. Et c’est promis : l’an prochain, nous serons de nouveau là.

Ignace Manca

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